C’est évident. Les résultats des élections municipales ne sont pas bons pour la gauche. Il serait cependant inconvenant de parler de défaite ou de déroute. Il s’agit d’élections de maires et il y a autant de défaites ou de déroutes que de maires battus ou autant de victoires que de maires élus. Le terme approprié serait plutôt : échec de la gauche, succès de la droite et de l’extrême droite.
Ce n’est pas la première fois que des élections municipales traduisent un mécontentement vis-à-vis d’une politique nationale, sans tenir compte de la gestion de leur mairie. En 1983, les Grenoblois n’ont pas réélu Hubert Dubédout, qui était pourtant l’un des meilleurs maires de France. En 1977, les électeurs de gauche ont essayé de transformer les élections municipales en une répétition d’élections législatives : la gauche gagnait des mairies et la droite en perdait, mais à la différence avec 2014, les maires étaient bien élus ou bien battus, ils n’étaient pas battus par défaut comme certains maires de gauche aujourd’hui dont leurs défaites sont dues surtout au déficit de voix de leur propre camp ;
Les électeurs ont donc sanctionné des maires qui ont souvent fait un excellent travail, faute de pouvoir sanctionner la politique nationale.
Après avoir entendu le message que les Français lui ont envoyé, le Président aurait pu ne pas tenir compte de ce revers électoral et ne pas changer de gouvernement aussi rapidement. Jean-Marc Ayrault devient une victime expiatoire, alors qu’il a fait un travail tout à fait honorable. Une personne doit démissionner, c’est Harlem Désir qui, en tant que secrétaire du principal parti de la majorité gouvernementale, porte une grande responsabilité de l’échec de son parti. Le remplacement de Ayrault par Valls n’apporte rien. Valls est un homme qui se dit de gauche, mais qui est surtout apprécié par la droite, or, ce que nous enseigne les résultats ce n’est pas seulement, que les électeurs ont préféré la droite, c’est que la gauche a souffert d’un déficit.
Par ailleurs, le parti socialiste a surtout proposé plus des réformes sociétales (type mariage pour tous) que des réformes sociales. La loi sur le mariage pour tous peut déplaire, car s’il est normal que les couples homosexuels aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels, le mariage a un caractère sacré même s’il n’est pas célébré religieusement et il doit répondre à un projet familial. Je pense que les législateurs ont été trop loin. Il aurait mieux valu proposé pour les couples homosexuels, un contrat d’union civile (PACS amélioré) plutôt qu’un mariage.
Le grand problème de la vie politique française est surtout un problème d’institution. La Vème République a été faite pour résoudre la crise algérienne. En donnant des pouvoirs importants au Président de la République, la politique extérieure se faisait en dehors du Parlement et n’était plus soumise aux caprices des députés, soucieux de satisfaire leur électorat. Le Général de Gaulle avait su user d’une Constitution à sa mesure en n’usant pas de tous ses pouvoirs et en concentrant son énergie sur des domaines réservés : défense ou politique extérieure. Pompidou, Giscard et Mitterrand ont usé de tous leurs pouvoirs et ont laissé leurs premiers ministres remplir une fonction de secrétaire de gouvernement et éventuellement de fusible. Mitterrand et Chirac ont eu leur pouvoir limité durant les années de cohabitation. Sarkozy et Hollande ont repris les pouvoirs dont ils sont investis. La réduction du mandat présidentiel n’arrange rien, car le Parlement devient une chambre d’enregistrement et le Premier ministre n’est plus qu’un fusible. Lorsque l’opinion désavoue le Président en cours de mandat, il devrait ou faire un référendum ou user du droit de dissolution. Seul De Gaulle était à l’aise dans ce genre de pratique.
Si on peut expliquer la progression d’un parti nationaliste et poujadiste (et non fasciste, comme on se plait à le qualifier) dans des villes industrielles touchées par la crise, il n’en est pas de même dans le Gard ou le Vaucluse. Les analystes politiques n’ont pas non plus expliqué comment le public des pseudo-spectacles d’un humoriste antisémite, se recrute à la fois chez les militants frontistes et chez les loubards de banlieue.
Enfin, à Paris, Anne Hidalgo a sauvé l’honneur de la gauche. Elle mérite un coup de chapeau et peut-être même de sombrero !
Jean-Pierre Bénisti