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3 février 2017 5 03 /02 /février /2017 12:32

« Quand j’habitais Alger, je patientais toujours dans l’hiver parce que je savais qu’en une nuit, une seule nuit froide et pure de février, les amandiers de la vallée des Consuls se couvriraient de fleurs blanches. Je m’émerveillais de voir ensuite cette neige fragile résister à toutes les pluies et au vent de la mer »

Albert Camus Les Amandiers in l’Été

 

Pour décrire les fleurs d’amandier

 

Pour décrire les fleurs d’amandier, l’encyclopédie
des fleurs et le dictionnaire
ne me sont d’aucune aide…
Les mots m’emporteront
vers les ficelles de la rhétorique
et la rhétorique blesse le sens
puis flatte sa blessure,
comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments.
Comment les fleurs d’amandier
resplendiraient-elles
dans ma langue, moi l’écho ?
Transparentes comme un rire aquatique,
elles perlent de la pudeur de la rosée
sur les branches…
Légères, telle une phrase blanche mélodieuse…
Fragiles, telle une pensée fugace
ouverte sur nos doigts
et que nous consignons pour rien…
Denses, tel un vers
que les lettres ne peuvent transcrire.
Pour décrire les fleurs d’amandier,
j’ai besoin de visites
à l’inconscient qui me guident aux noms
d’un sentiment suspendu aux arbres.
Comment s’appellent-elles ?
Quel est le nom de cette chose
dans la poétique du rien ?
Pour ressentir la légèreté des mots,
j’ai besoin de traverser la pesanteur et les mots
lorsqu’ils deviennent ombre murmurante,
que je deviens eux et que, transparents blancs,
ils deviennent moi.
Ni patrie ni exil que les mots,
mais la passion du blanc
pour la description des fleurs d’amandier.
Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc
dans leur dédain des choses et des noms ?
Si quelqu’un parvenait
à une brève description des fleurs d’amandier,
la brume se rétracterait des collines
et un peuple dirait à l’unisson :
Les voici,
les paroles de notre hymne national !

Mahmoud Darvitch (traduction Elias Sambar ) in Comme des fleurs d’amandier ou plus loin, Actes Sud, Arles 2007.

 

 

L’amandier

 

J’avais l’plus bel amandier
Du quartier,
Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier,
J’ faisais pousser des amandes :
Le beau, le joli métier !


Un écureuil en jupon,
Dans un bond,
Vint me dir’ : “Je suis gourmande
Et mes lèvres sentent bon,
Et, si tu m’donn’s une amande,
J’te donne un baiser fripon !


- Grimpe aussi haut que tu veux,
Que tu peux,
Et tu croqu’s, et tu picores,
Puis tu grignot’s, et puis tu
Redescends plus vite encore
Me donner le baiser dû !”


Quand la belle eut tout rongé,
Tout mangé...

« Je te paierai, me dit-elle,
A pleine bouche quand les
Nigauds seront pourvus d’ailes
Et que tu sauras voler !


“Mont’ m’embrasser si tu veux,
Si tu peux...
Mais dis-toi que, si tu tombes,
J’n’aurai pas la larme à l’oeil,
Dis-toi que, si tu succombes,
Je n’porterai pas le deuil !”


Les avait, bien entendu,
Toutes mordues,
Tout’s grignoté’s, mes amandes,
Ma récolte était perdue,
Mais sa joli’ bouch’ gourmande
En baisers m’a tout rendu !


Et la fête dura tant
Qu’le beau temps...
Mais vint l’automne, et la foudre,
Et la pluie, et les autans
Ont changé mon arbre en poudre...
Et mon amour en mêm’ temps !

 

Georges Brassens

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