L’institut Lumière de Lyon programme une rétrospective des films d’Alain Cavalier. Parmi les films projetés il y a « Thérèse », film tourné en 1986 dans lequel l’écrivain Jean Pélégri (1920-2003) joue dans le rôle du père de Thérèse.
À ce sujet Jean Pélégri et son ami Louis Bénisti ont échangé une correspondance intéressante. (1)
Pélégri le 20. Janvier 1986 signale à Bénisti qu’après avoir joué un vieillard aphasique dans le Grand Carnaval, il joue « dans un film d’Alain Cavalier (Prix Delluc) intitulé Carmel …Après le colon au chapeau de paille, j’y interprète le rôle –tiens-toi bien ! –d’un père de famille –dont 3 filles ont au Carmel – et dont l’une est la future Ste Thérèse de Lisieux ! (Si on m’avait dit ça, dans ma Mitidja natale. » (2)
Après avoir vu le film qui prit le titre non pas de Carmel, mais de Thérèse, tout simplement, Bénisti écrivit à son ami le 29 octobre 1986 :
« Je reviens du cinoche où je t’ai vu fier d’avoir le plus célèbre des gendres…mais aussi mourir ….pour la troisième fois heureusement « pas pour de vrai » comme on disait, mais cruellement vrai pour un spectateur regrettant qu’après le rideau les acteurs ne viennent pas affirmer par leurs révérences le bon état de leur santé….Et pour moi qui aime tant la clarté de tes arguments et les calmes vérités de tes colères cachées qui sont les signes de ta vitalité.
Mettons qu’on t’a choisi pour la beauté de tes silences plus que pour les silences de ta beauté…J’ai aimé ce film et je t’ai aimé dans ce film où il fallait s’accorder sur une « superbe » sobriété. J’ai beaucoup aimé la rigueur des plans , la blancheur des cornettes, l’étrangeté des fleurs et des crustacés, la tombée des plis de bure, la beauté des visages, , la lumière des cierges qui me ramenaient vers Philippe de Champaigne, Gorges De Latour et Dreyer, mais bien que je me sois senti souvent « Républicain », j’ai surtout admiré cette écriture d’image où rien n’est dit et tout suggéré de la passion , de « L’Amour – La Mort » du bonheur et du doute.. »
Pélégri réagit en lui répondant :
« Merci de ta lettre sur Thérèse, très intéressante. L’œil du peintre y dispute avec le « républicain » qui est en toi. C’est en effet un film qui nous laisse une impression ambiguë. Mais j’ai eu plaisir à y participer. Avec toutes ses filles, il me semblait que j’étais plus au harem qu’au carmel. Et il est intéressant de s’exprimer plus par des silences que par des paroles. Je rejoignais ainsi l’art muet du peintre. »
Cet écrivain français d’Algérie, dont Mohamed Dib (3) disait qu’il était le plus grand écrivain algérien, a aussi était un acteur de cinéma. Les cinéphiles se souviennent de lui, jouant le rôle d’un commissaire de police dans Pickpocket de Robert Bresson. On l’a vu ensuite dans le rôle de son père dans les Oliviers de la justice (3) le film tourné en Algérie en pleine guerre d’après son célèbre roman. Par la suite, on le vit dans le rôle du père dans le Grand Carnaval (4) d’Alexandre Arcady, film racontant une histoire de famille en Algérie après le débarquement des alliés du 8 novembre 1942. Le film n’est pas un chef d’œuvre, mais la distribution excellente, car les deux acteurs vedettes sont ; Roger Hanin et Philippe Noiret.
Jean-Pierre Bénisti
1.Voir : Jean Pélégri, Louis Bénisti L’Algérie, l’enfance et le beau pays des images, Correspondances, images et textes inédits réunis par Dominique Le Boucher. Marsa éditions, 2008.
2. Thérèse : https://www.youtube.com/watch?v=JW0p0vTumBc
3. Mohamed Dib : Simorgh, Albin Michel, Paris, 2003
4. Film Les Oliviers de la justice, film français !1962) de James Blue.
https://www.youtube.com/watch?v=73yIy90s0vo
5. Le Grand carnaval, film d’’Alexandre Arcady, 1983
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19441454&cfilm=31445.html