Exposition de peintures de Louis Bénisti et de Jean-Yves Cassar
La Batterie est ouverte du mardi au dimanche de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30 (18h du 15 mai au 30 septembre), et ferme ses portes les lundis et jours fériés.
Corniche de Solviou Entrée par le Parc Méditerranée 83140 Six-Fours -
www.polesartsplastiques.
04 94 25 53 84
GPS : 43.100205 / 5.806438
Entre Exil et Royaume : une rencontre.
C’est à l’Espace Interrogation, à Toulon que j’ai vu pour la première fois, Louis Bénisti et ses peintures.
J’exposais au même moment, à la Maison des Comoni au Revest-les eaux. Louis Bénisti visita mon exposition en ma compagnie et si j’étais conscient de tout ce qui pouvait nous séparer du point de vue esthétique, et que les différences d’histoires personnelles et de parcours artistiques expliquent facilement, je savais qu’une sympathie réelle nous rendait mystérieusement complices. Nombre de personnes de mon âge témoigneraient sans peine du respect et de l’affection que nous nous lui vouions.
Nous eûmes d’autres occasions de rencontre, chez lui à Aix, à Lourmarin pour la parution du Premier Homme, se tenait pour cette belle circonstance une exposition : les peintres amis d’Albert Camus. Nallard, Maria Manton, le surprenant Galliero, Assus, De Maisonseul y figuraient avec Balthus.
Cela me donnait enfin quelque prise sur la vie artistique en Algérie avant l’Indépendance , car j’étais mieux au fait à l’époque des avant-gardes européennes et américaines que de l’art de mon pays d’origine. Pour différentes raisons liées aux conséquences de la guerre.
L’exposition actuelle où sont montrées certaines des peintures que Bénisti a vues aux Comoni, donne un sens particulier à cette rencontre, celui d’un moment « de temps renversé, temps de la peinture, seule patrie retrouvée » , pour reprendre les mots même d’Albert Camus1.
Jean-Yves Cassar
20 octobre 2019
1. Préface à l’exposition Balthus. New York, Pierre Matisse Gallery, 1949.
Bénisti dans le Var
Les relations de Louis Bénisti avec le pays varois sont assez curieuses. Sans y être venu pour y travailler, il tissa dans ces lieux tout un réseau d’amis. Lorsqu’il quitta Alger en 1972, il s’installa avec sa femme Solange à Aix-en-Provence et retrouva des amis algérois dispersés tout au long de la côte méditerranéenne. C’est ainsi qu’il retrouva son vieil ami Sauveur Terraciano, peintre de talent, amoureux de la mer, qui racontant toujours des aventures de Cap Horn, n’avait en Algérie que fait des ronds dans l’eau entre Alger et Cap Matifou. Replié sur Toulon, il avait pu réaliser son rêve en faisant une traversée de l’Atlantique dans des conditions rocambolesques.
Plus tard, Jean et Mireille de Maisonseul s’installèrent à Cuers, et Louis et Solange renouèrent avec eux les relations qu’ils avaient interrompues à Alger. Jean de Maisonseul, qui fut un immense catalyseur des arts et des lettres dans l’Alger des années 30 à 60, amena les Bénisti dans la villa de Michèle et Guy Domerc au Pradet, villa bâtie par leur ami Roland Simounet, grand architecte qui ne se doutait pas qu’il travaillait non loin de Armand Vitiello, l’instituteur qu’il avait eu à Guyotville(1) qui s’était installé au Pradet et dont le fils Jean-Claude, mon camarade du Lycée, fréquentait l’atelier algérois de Louis Bénisti. C’est dans cette villa que se retrouvait souvent le groupe de vieux amis algérois tels Suzon Pulicani, le peintre Pierre Famin, et Marguerite Benhoura, tante de Mireille, qui se réinstalla à Cuers, sa ville natale, après avoir eu une vie mouvementée en Algérie où elle avait encouragé une fille de seize ans à faire de la peinture. Cette jeune fille devint la célèbre Baya.
Chez Jean de Maisonseul, Louis retrouva Lucie Germain, une grande dame ! une « princesse » !comme il se plaisait à la nommer ! Ils avaient passé leur enfance dans les mêmes paysages et connaissaient tous deux les mêmes lieux : El Biar, Saint-Raphaël, Scala, les deux Entêtés, Birtraria et Aïn Zebouja. Lucie était connue pour avoir dirigé avec talent le Théâtre de Lutèce à Paris dans les années 60. Elle avait ainsi permis la création de pièces de Eugène Ionesco, Jean Genet, Kateb Yacine.. André Acquart, un autre ami fidèle de Bénisti et Maisonseul, en était le décorateur.
Toujours chez Jean et Mireille, Louis rencontra Jean-Claude Villain, bien connu des milieux artistiques varois et ce dernier l’introduisit auprès de jeunes artistes de Toulon comme Nicole Benkemoun ou Jean-Yves Cassar, qui l’adoptèrent comme ami malgré leur différence d’âge. Nicole Benkemoun, rendit visite à Louis et lui montra les travaux picturaux qu’elle avait effectués à partir de l’œuvre de Saint- John-Perse, ce grand poète qui finit son existence à Hyères, près de la mer.
En 1993, Bénisti participa avec de jeunes artistes de Toulon à diverses expositions et rencontres et il eut l’occasion d’exposer ses œuvres à l’Espace Interrogation de Toulon. Ce très haut lieu disparut peu après en même temps que ses animateurs. Cette exposition fut la dernière exposition particulière du vivant de l’artiste.
Et c’est aux premiers jours du printemps 1995, que Louis, peu de temps avant sa disparition rendit une ultime visite aux Maisonseul à Cuers et qu’il conta les belles histoires dont il avait le secret. Et cette journée fut pour Louis ses derniers moments de bonheur.
Après les décès de Louis Bénisti et de Jean de Maisonseul, des expositions posthumes ont eu lieu dans ce département. En février 2004, la ville de Cuers rendit hommage au poète Jean Sénac et il y eut une exposition regroupant des peintres amis de Sénac comme Maisonseul, Baya, Bénisti ou Khadda. Cette exposition était organisée par Odile Teste. En 2004, c’était la ville de Hyères qui organisait une rétrospective des œuvres de Bénisti.
Jean-Pierre Bénisti
(1) Roland Simounet : Traces écrites - Domens éditeur Pézenas - 1997.
(2) Jean-Claude Villain : L’heure de Pan - L’Harmattan - Paris 2001.