Il était communément admis depuis Marx, que la lutte des classes serait le moteur de l’histoire. Je ne conteste pas cette interprétation mais j’en refuse de l’ériger comme un dogme et je pense aussi que si l’histoire a un sens, elle a de multiples moteurs. Il serait permis de penser que les maladies auraient une grande influence dans le cours de l’histoire. Elles en seraient peut-être un des moteurs au même titre que la lutte des classes
Tout d’abord, tout le monde se souvient des responsables politiques malades n’ayant pas eu la capacité d’agir en toute lucidité. Les crises de coliques néphrétiques de Napoléon III lors de l’entrevue d’Erfurt, l’ont empêché d’avoir suffisamment d’énergie pour s’opposer à Bismarck et la guerre de 70 n’a pu être évitée.
En 1953 sous la quatrième république, René Coty a été élu président de la République, parce que, contrairement à ses deux concurrents, Lagnel et Naegelen, il n’avait pas pris position sur la CED (Communauté européenne de Défense) , car lors du vote il était absent car il était en clinique pour subir l’ablation de la prostate.
On se souvient des maladies de Pompidou et de Mitterrand.
Hitler et Staline étaient atteint d’une paranoïa, tout à fait incompatible avec l’exercice du pouvoir. On en a d’ailleurs vu les dégâts. S’i existait une consultation de médecine du travail pour les hommes politiques, Trump serait certainement déclaré inapte à la fonction qu’il occupe.
Plus importante que la pathologie des dirigeants, les épidémies lorsqu’elles atteignent un grand nombre de personnes, ont un rôle important dans le cours de l’histoire. Je me souviens d’avoir acquis au début de mes études de médecine, une série de dépliants publicitaires consacrés à l’influence des épidémies sur les civilisations. Les laboratoires Houdé offraient périodiquement aux médecins un dépliant illustré comprenant un rappel historique et une fiche technique sur un médicament produit par le laboratoire. Le médecin conservant le document pouvait facilement retenir aussi le nom du médicament. Il arrive quelquefois que les publicités soient intelligentes.
J’ai conservé malgré de multiples déménagements la plupart des dépliants, qui sont difficilement trouvables chez les bouquinistes. Peut-être sont ils conservés à la Bibliothèque nationale. Je vais essayer de résumer l’essentiel de ce que cette collection de dépliants nous apprenne.
En 431 av J-C, une épidémie de peste décima les Athéniens qui de ce fait perdit la guerre du Péloponnèse.(Voir Thucydide : Guerre du Péloponnèse.)La peste tua Périclès, le père de la démocratie.
Une épidémie due à un microbe non identifié bloqua les Carthaginois à Syracuse vers 396 et permit à Rome de triompher sur Carthage.
Au III ème siècle, l’Empire romain fut lui-même décimé par les conséquences d’une épidémie d’une maladie toujours non identifiée.
Les épidémies ont arrêté les Croisés et ne purent s’emparer du tombeau du Christ. Louis IX alias Saint Louis put s’emparer de Carthage mais il mourut à Tunis.
Au XIV ème siècle une épidémie de peste interrompit la guerre de cent ans
Après que Christophe Colomb découvrit l’Amérique, la puissante Espagne occupa les terres nouvellement connues. Ils transmirent aux populations autochtones diverses maladies et ces amérindiens, exploités par les espagnols, furent décimés notamment de fièvre jaune. Les espagnols résistaient à cette maladie et pour éviter la disparition totale des indiens d’Amériques, Bartolomé de Las Casas organisa le remplacement des esclaves indiens par l’achat d’esclaves africains, qui eux , étaient immunises par la fièvre jaune. C’est ce que l’on appelé la traite des noirs.
Les navigateurs revenus d’Amériques apportèrent en Europe les microbes d’une maladie inconnue des européens : la syphilis. On ferma les bains publics pour éviter la contagion et si on se lavait moins on se parfumait et les hommes ayant perdu leurs cheveux adoptèrent les perruques. Cette maladie sévit jusqu’au XX ème siècle et fut à l’origine du contrôle de la prostitution et plus récemment des certificats prénuptiaux.
Le typhus empêcha Charles Quint de s’emparer de l’ensemble de l’Europe.
La suette, maladie mystérieuse aujourd’hui disparue caractérisée par des sueurs abondantes et toujours mortelle, fit échouer l’unité protestante. Luther et Zwingli, sous la menace de l’épidémie interrompirent leurs entretiens au château de Marbourg en 1529.
Durant la guerre de Trente ans, les épidémies de peste et de typhus, ont favorisé la création de l’Allemagne moderne.
À Valmy, en 1792, les Français eurent raison de la puissante armée prussienne en raison d’une épidémie de dysenterie qui atteint les soldats prussiens. Sans la dysenterie, la révolution se serait peut-être arrêté en 1792.
C’est la peste qui a contraint Bonaparte a quitté l’Égypte en 1789 pour regagner Paris et réaliser le coup d’État du 18 brumaire.
Enfin, c’est les épidémies de choléra, qui ont incité Napoléon III entreprendre des travaux d’assainissement à Paris. On fit alors appel au Baron Haussmann.
Tous ces faits historiques dominés par les épidémies sont nombreux ;
La grippe dite espagnole fit plus de morts que les batailles de la première guerre mondiale.
Durant la seconde guerre mondiale, les épidémies facilitèrent dans les camps de concentration, le travail des bourreaux.
Actuellement, la pandémie de l’infection au corona virus (covid 19) va changer le cours de notre histoire en raison des répercussions sociales et économiques des mesures préventives. Nous en saurons un peu plus dans quelque temps.
Jean-Pierre Bénisti.