L’ ARBRE
C’est l’Arbre. Il est opaque, immobile, et vivant.
Il baigne dans le ciel, il trempe dans le vent.
Une nuit verte inonde en plein jour ses ramures.
La moindre brise en tire un millier de murmures
Et toujours quelque oiseau qui plonge dans l’air bleu ;
Puis, quand le crépuscule épaissit peu à peu,
Tel qu’une eau sous-marine et glauque, le silence,
Lentement il le boit comme une éponge immense.
Son front semble, le soir, se perdre au plus profond
De l’ombre, et par les nuits où les étoiles font
Luire au travers et scintiller leurs clartés blanches,
Il a l’air de porter tout le ciel dans ses branches.
Il se dresse touffu, secret, vertigineux :
Son tronc énorme est bossué d’énormes nœuds ;
De vifs surgeons verdoient à son pied centenaire ;
Chacun de ses rameaux semble un arbre ordinaire…
Quelle pensée auguste et douce habite en lui ?
Que rêves-tu, grande Ame encor jeune aujourd’hui
Qui l’occupes du fond des temples, et t’y recueilles ?
On le sent respirer, lent, de toutes ses feuilles…
Fernand Gregh : L’Arbre (Couleur de la vie)
L’ARBRE DE NUIT.
Feuille de platane
La nuit se souvient d’être un arbre
Fleur de tilleul
Un arbre en deuil
Fille d’automne
L’enfant se souvient d’être un arbre
Fils de printemps
Un homme passe-temps
Et l’arbre de la nuit cache lentement
Ses feuilles aux yeux des parents
Ses fleurs au creux des enfants.
Alain de Mazery : S’il vous plait. Éditions Seghers. Collection P.S. n°192