La parution d’un livre sur la peintre Baya par Alice Kaplan, a fait resurgir quelques souvenirs d’enfance sur les personnes qui ont côtoyé Baya : Marguerite et sa nièce Mireille
Sauveur Terracciano, ami intime de mon père était un peintre de talent, qui possédait un bateau et qui gagnait sa vie en travaillant à la Compagnie du Gaz et Electricité d’Algérie (EGA).
Un soir Sauveur rendit visite à mon père en compagnie de Madame Marguerite Mac Ewan, qu’il nous présenta comme étant la bibliothécaire du comité d’entreprise de l’EGA. Madame Mac Ewan voulait exposer dans sa bibliothèque des œuvres d’art. Après avoir obtenu des œuvres des deux Sauveur (Galliéro et Terracciano) elle venait chercher des œuvres de Bénisti. Elle repartit de chez Bénisti avec une sculpture :le Buste de Georgette et une peinture : Mohamed.
En ces temps, Marguerite avait découvert le talent d’une jeune Algérienne qui était la fille d’une de ses voisines de sa villa de Fort de l’Eau (Bordj el Kiffan). Elle avait donné à cette petite fille les papiers et les couleurs de l’atelier de son mari peintre Monsieur Mac Evan et cette petite fille devint la célèbre Baya. Plus tard Marguerite divorça de Monsieur Mac Evan et se maria avec Monsieur Benoura.
Marguerite était la sœur de Madame Simone Farge, qui, avec son mari, cultivait les fleurs et tenait une boutique de fleurs : Isely, rue Michelet. Les Farges avaient une fille prénommée Mireille, qui sera plus tard l’épouse de Jean de Maisonseul.
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Un jour, Sauveur nous invita à une fête nautique. Les bateaux fleuris défilaient sur le port sur des thèmes variés. Sauveur avait fait défiler son bateau (le Salva) en ayant pris comme thème : la fête barbaresque. Le bateau avait été fleuri par la maison Isely. Louis Bénisti raconte : « C’était une course nautique fleurie Alors on a combiné chez Isly que sur le Salva on mettrait d'abord un garde-fou, on le remplirait de fleurs, de feuilles. On dresserait une estrade et l’on transformerait le Salva spécialement pour cette fête nautique, en bateau des courses barbaresque. Alors sur l'estrade, on installa Monsieur Dubus, habillé en Bachi Bouzouc. Autour de lui des femmes orientales habillées de vêtements merveilleux et qui représentaient son harem. Il y avait Marguerite, il y avait Mireille et il y avait Baya. Sauveur habillé en pirate barbaresque et son ami Petit Jean était aussi habillé en pirate. Ils avaient mis la barbe, le bandeau du corsaire, des turbans, des pantalons effilochés, on a vu toutes voiles dehors le grand pavois défiler depuis le port de l'Aga, jusque vers la nasse Marsa où l’on avait installé les tribunes. J’avais donc ma place tout près de l'eau, et j'ai vu arriver le Salva comme ça. J’étais stupéfait. C’était une merveille de décoration et de vérité humoristique, parce que c'était très humoristique, les femmes habillées à l'orientale, les belles draperies, les soieries, et puis Dubus en Bachi Bouzouc, et Sauveur en pirate. le bateau tournait et à la fin du corso, le Salva a eu le premier prix hors classe. Mais il faut dire une chose c'est qu’à l'arrivée du Salva, tous les hommes de la Casbah, se sont précipités sur les Boulevards pour voir le bateau barbaresque, et regarder ces femmes richement vêtues de draperie qui leur rappelaient peut-être le paradis d’Allah. »
J’ai vu par la suite des œuvres de Baya lors d’une exposition organisée par Jean Sénac et la revue Terrasses au Nombre d’or à Alger en 1953. Elle interrompit sa carrière de peintre jusqu’en1962. Elle se remit à peindre après l’Indépendance de l’Algérie sous l’injonction de Jean de Maisonseul, qui était devenu le neveu par alliance de Marguerite.
Jean-Pierre Bénisti