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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 16:04

Il y a quelques années, au cours d’un séjour à Mykonos, je rentrais dans une pâtisserie et j’essayais de déchiffrer le nom d’un  gâteau  qui était écrit en majuscule grecque : KATAIFI   ce qui devait se prononcer : Kataîfi. Je demandais à la vendeuse un Kadhafi : elle me tendit le gâteau en souriant. Depuis, j’ai toujours l’habitude de demander des Kadhafis lorsque je me rends dans les pâtisseries grecques (ou nord-africaine, car il s’agit d’un gâteau d’origine turque et on le trouve dans les pays de l’ancien empire ottoman) jusqu’au jour où dans un restaurant grec de la rue de la Huchette où je demandais pour dessert un Kadhafi, le garçon se mit en colère et me dit : « Kadhafi n’est pas ici ! Monsieur ! Il s’agit de Kadèf et non de Kadhafi ! » Ce garçon ne devait pas avoir le sens de l’humour.

Que savait-on de la Libye avant que ce personnage théâtreux rentre en scène : un territoire vaste entre la Tunisie et l’Égypte, La Libye était pour nous un pays peu connu. On savait qu’il était composé de trois régions : Cyrénaïque avec Benghazi, Tripolitaine avec Tripoli et le Fezzan. Ce pays  avait été colonisé par les Italiens et pendant la guerre, il fut le théâtre d’opérations militaires à El Alaman,  et à Bir Hakem. La France devait occuper après la guerre, le Fezzan, région saharienne de Libye, connu pour ses sites préhistoriques et administra ce territoire jusqu’en 1951. On savait aussi par Pierre Salama que la Libye avait de très belles ruines romaines, notamment à Leptis Magna. La Libye avait une importante communauté juive, autochtone ou italienne qui comptait des personnalités comme le pédiatre Aldo Naouri ou le chanteur Herbert Pagani, chanteur qui écrivit pour François Mitterrand, l’hymne du parti socialiste sur une musique de Theodorakis. Tripoli devait être,  pendant la guerre d’Algérie, le siège du CNRA, qui était le parlement du FLN.

Lorsque le Colonel Kadhafi renversa le roi Idriss, l’évènement passa presque inaperçu, tant la Libye intéressait peu l’opinion. L’actualité avait été riche cet été 1969, l’homme avait marché sur la Lune, un Festival des Arts Africains  avait eu lieu à Alger, qui reçut à cette occasion les leader noirs américains comme Eldridge Cleaver ou Angela Davies et la France était émue par le suicide de Gabrielle Russier. Ce genre de coup d’état était courant dans les pays arabes et semblait à l’époque plus ou moins téléguidé par Nasser, qui était un homme politique très apprécié des masses arabes.

Ce colonel nous était antipathique et l’on se plaisait à plaisanter en usant des allitérations telles que : Kadhafi, qu’as-tu- fait ?

Fin 1973, Kadhafi vint en France et fut reçu par le Président Pompidou, alors rongé par la maladie. Une rencontre fut organisée entre Kadhafi, Mendès-France, Sicco Mansholt  et autres personnalités. Pierre Gardère, mon professeur de philosophie, que j’avais rencontré à cette époque me fit part de son désaccord sur ce genre de rencontres avec un personnage de ce genre et me dit : « Il y a des plates bandes où il ne faut pas marcher ! »

Je m’aperçus de la dangerosité de ce personnage lorsque je le vis à la télévision revêtu de sa tenue militaire débarquer à Vienne. Cet homme ne regardait pas les personnes qui l’accueillaient et était donc dangereux.

Lors de sa dernière venue à Paris il réussit en dressant sa tente au centre de Paris à lancer un défi à Sarkozy. Tout le monde pensait qu’il lui disait : « Toi, l’occidental et moi, l’oriental. » Mais, en fait, il lui disait : « Toi, le sédentaire, et moi le nomade. » Et n’oublions pas que la crise libyenne est une   crise tribale.

Je n’ai apprécié ni le lynchage  de Mussolini, ni l’exécution des Ceucescu  ou celle de Saddam Hussein et je m’interroge sur la mort de Kadhafi Nous aurions préféré qu’il soit capturé vif, plutôt que mort. As-t-il succombé à des blessures pendant sa capture ou a-t-il été assassiné ? La question restera sans réponse.

 

                                                            Jean-Pierre Bénisti

 

 

Voir Article De Laurent Joffrin :

 http://tempsreel.nouvelobs.com/laurent-joffrin/20111021.OBS2994/l-amere-victoire-de-la-revolution-libyenne.html

 

 

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