Nous pouvons maintenant lire la plupart des articles de journaux sur Internet. Et cependant, je continue à acheter tous les jours leMonde. J’achète ce journal depuis le lycée, cela fait plus de cinquante ans et je continue à le lire, malgré la baisse de sa qualité. D’un journal exceptionnel à l’époque de Beuve-Merry, il est devenu un quotidien comme les autres, tributaire de la publicité et de l’appétit des lecteurs pour les scoops et le sensationnel ;
Une des raisons de ma dépendance au Monde est la lecture quotidienne des avis de décès. Les habitants des grandes villes et qui appartiennent à une famille spirituelle dispersée n’ont pas beaucoup de relations dans la ville où ils habitent et la presse locale ne les intéresse guère, aussi ils se rabattent donc sur la presse nationale : ma famille lit le Monde. Une autre famille lit le Figaro.
Samedi dernier, j’ai appris le décès de Monsieur Raymond Jean. Il m’arrivait souvent de rencontrer au hasard de promenade dans la vieille ville d’Aix ou à la Cité du livre.
J’avais entendu parler de Raymond Jean lorsqu’une amie m’offrit un petit livre qu’il avait écrit sur Éluard. Éluard, ce poète dont nous connaissons tous le poème Liberté et dont le Président Pompidou cita à propos de Gabrielle Russier, alors que toute la France était émue par ce drame :
Comprenne qui voudra ;
Moi mon remords ce fut
(…)
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés ;(1)
Raymond Jean publia les lettres de son élève Gabrielle Russier. (2)
Marie Salavert, qui était bibliothécaire et notre voisine nous avait parlé du livre qu’elle fit avec lui sur les textes de Victor Hugo sur la peine de mort.(3)
Mes parents avaient apprécié la Lectrice, ce récit qui devint un film de Michel Deville avec Miou-miou et Maria Casarès.(4)
J’ai mieux connu Raymond Jean quand Nicole Benkimoun, une de ses élèves qui fit une série de peintures sur les textes de Saint-John Perse incita son professeur à venir visiter en sa compagnie et avec le poète Jean-Claude Villain, l’atelier de mon père, le peintre Louis Bénisti.
Mon père, qui souffrait du mépris des aixois pour les artistes, qui n’avaient pas su reconnaître Cézanne en son temps, fut très honoré de la visite d’un écrivain reconnu ;
Après la mort de mon père, Raymond Jean.eut l’amabilité d’écrire un texte d’hommage pour l’exposition des dernières peintures de Bénisti organisée par les Rencontres Méditerranéennes Albert-Camus de Lourmarin. (5)
Reconnaissance à Raymond Jean.
Jean-Pierre Bénisti ;
1. Paul ELUARD : Au rendez-vous allemand. Éditions de Minuit, Paris 1945
2. Raymond JEAN Pour Gabrielle, Seuil, Paris, 1971
3. Victor HUGO : Ecrits sur la peine de mort; lecture de Raymond Jean; [éd. établie par Marie Salavert. ) Actes Sud. Arles,, 1985
4. Raymond JEAN La lectrice. Actes-Sud, Arles, 1986
5. Transparences : Catalogue de l’exposition de Louis Bénisti. Dernières peintures. 1988-1995. Foyer Rural de Lourmarin, publié ensuite dans la revue Algérie-littérature-Action n°67-68: Louis Bénisti, peintre sculpteur et écrivain. Éditions Marsa, Alger, 2003. Voir : http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/4_67_21.pdf
Louis BÉNISTI : Femme à la tulipe Gouache 1990