à Albert Camus
Comme un souvenir
je t'ai rencontrée,
personne perdue;
Comme la folie,
encore inconnue;
Fidèle, fidèle
sans voix , sans figure,
tu es toujours là.
Au fond du délire,
qui de toi descend.
je parle j'écoute
et je n'entends pas.
Toi seule, tu veilles
tu sais qui je suis.
La terre se tourne
de l'autre côté,
je n'ai plus de jour
je n'ai plus de nuit ;
le ciel immobile
le temps retenu
ma soif et ma crainte
jamais apaisée,
pour que je te cherche,
tu les a gardés.
Soeur inexplicable,
délivre ma vie,
laisse-moi passer !
Si de ton mystère,
je suis corps et biens
l'instant et le lien,
ô dernier naufrage
de cette saison,
avec ton silence
avec ma douleur,
avec l'ombre et l'homme,
efface le dieu !
Faute inexplable
je suis sans remords,
Dans un seul espace,
je veux un seul monde
une seule mort.
Jean TARDIEU
Jours pétrifiés
Éditions Gallimard 1948
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