Le président français effectue une visite en Algérie. Je suis étonné que de part et d’autre, le climat ne se soit pas apaisé entre les deux pays. Je comprends les ressentiments de la génération de la guerre d’Algérie, mais je crains qu’actuellement toutes ses demandes d’excuses ne soient utilisées à des fins de politique intérieure ou pour faire de la surenchère à des négociations commerciales.
Le président de la République ne peut présenter des excuses pour l’action de la France pendant la guerre d’Algérie. Les exactions commises de part et d’autres avant le cessez-le feu du 19 mars 1962 sont couvertes par l’amnistie des accords d’Évian.
Présenter des excuses sur la politique de colonisation n’est pas actuellement possible : les faits ont été commis par des personnes disparues depuis longtemps et sous d’autres Monarchies, Empire ou République. Il ne viendrait à l’idée de personne de demander au pape de présenter des excuses pour des faits commis pendant les guerres de religion.
D’autre part la France est une totalité et ce n’est pas seulement Marcel Bigeard, Guy Mollet, Raoul Salan ou Maurice Papon, c’est aussi Germaine Tillion, Albert Camus, Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre ou Edmond Michelet. Les positions des uns et des autres sont différentes. (Personnellement, je me réfère plus aux seconds qu’aux premiers.) Il ne faut pas oublier que la guerre d’Algérie a marqué toute une génération de Français et d’Algériens et a entraîné un changement de République. .La France s’est trouvé à la fin de la guerre d’Algérie presque en état de guerre civile et c’est la raison pour laquelle, un long silence a suivi la fin de cette guerre. Ce silence était nécessaire pour sauvegarder la paix civile comme cela s’est passé en Espagne quand Juan Carlos a rétabli la démocratie en faisant silence sur le passé de la guerre d’Espagne et de la dictature qui a suivi. La guerre d’Algérie était aussi une guerre franco-française et une guerre algéro-algérienne.
La loi votée sur le rôle positif de la colonisation est une loi imbécile non pas en raison de son contenu, mais en raison de son principe. Une loi sur les méfaits de la colonisation eût été aussi néfaste. Ce n’est pas aux lois de fixer le travail des historiens et il semble que beaucoup de Français ou d’Algériens n’ont pas compris cela.
Une de mes amies me citaient récemment une phrase de Paul Ricoeur : « Il y a peut-être (..) des victimes dont la souffrance crie moins vengeance que récit. » .Ce qu’il est important c’est que d’une part les témoins de la tragédie algérienne raconte leur histoire qui est forcément différente selon le groupe auquel ils appartiennent : combattants algériens, appelés français, pieds-noirs, libéraux, harkis etc. Les récits mémoriaux ne sont pas l’Histoire mais doivent être entendus et il importe que les historiens puissent travailler. La dernière édition franco-algérienne de l’Histoire de l’Algérie à la période coloniale est une entreprise intéressante. (Éditions la Découverte- Barzakh)
Depuis l’indépendance de l’Algérie, les deux pays n’ont jamais été aussi liés. Il y a de plus en plus de couple franco-algérien et tout le monde sait que le grand drame de la présence française en Algérie résidait au très faible taux de couples franco-algériens. Les Portugais au Brésil et en Afrique ont eu plus de succès que les Français et les Anglais dans leur entreprise coloniale.
Que les Français et les Algériens fassent le plus d’enfants ensemble et que hollande et Bouteflika suppriment les visas !
Jean-Pierre Bénisti