Citations recueillis sur la toile
"La France incarne tout ce que les fanatiques religieux haïssent : la jouissance de la vie ici, sur terre, d'une multitude de manières : une tasse de café qui sent bon, accompagnée d'un croissant, un matin ; de belles femmes en robe courte souriant librement dans la rue ; l'odeur du pain chaud ; une bouteille de vin partagée avec des amis, quelques gouttes de parfum, des enfants jouant au jardin du Luxembourg, le droit de ne pas croire en Dieu, de ne pas s'inquiéter des calories, de flirter et de fumer, de faire l'amour hors mariage, de prendre des vacances, de lire n'importe quel livre, d'aller à l'école gratuitement, de jouer, de rire, de débattre, de se moquer des prélats comme des hommes et des femmes politiques, de remettre les angoisses à plus tard : après la mort. Aucun pays ne profite aussi bien de la vie sur terre que la France. Paris, on t'aime. Nous pleurons pour toi. Tu es en deuil ce soir, et nous le sommes avec toi. [...]. Les forces du mal vont reculer. Elles vont perdre. Elle perdent toujours."
New York Times
"Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars. Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien reste pur ! A quoi cela servira-t-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? La pureté, c’est une idée de fakir et de moine.
Vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire.
Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes.
Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment ? "
JP Sartre
Les Mains sales
"Je veux vous dire tout de suite quelle sorte de grandeur nous met en marche. Mais c'est vous dire quel est le courage que nous applaudissons et qui n'est pas le votre. Car c'est peu de chose que de savoir courir au feu quand on s'y prépare depuis toujours et quand la course vous est plus naturelle que la pensée.
C'est beaucoup au contraire que d'avancer vers la torture et vers la mort quand on sait de science certaine que la haine et la violence sont choses vaines par elles-mêmes.
C'est beaucoup que de se battre en méprisant la guerre, d'accepter de tout perdre en gardant le goût du bonheur, de courir à la destruction avec l'idée d'une civilisation supérieure."
Albert Camus
Lettres à un ami allemand
« Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse ».
Albert Camus
La Peste
J'ai rêvé d'un pays où dans leur bras rompus les hommes avaient repris la vie comme une biche blessée, où l'hiver défaisait le printemps, mais ceux qui n'avaient qu'un manteau le déchiraient pour envelopper la tendresse des pousses, j'ai rêvé d'un pays qui avait mis au monde un enfant infirme appelé l'avenir… J'ai rêvé d'un pays où toute chose de souffrance avait droit à la cicatrice et l'ancienne loi semblait récit des monstres fabuleux, un pays qui riait comme le soleil à travers la pluie, et se refaisait avec des bouts de bois le bonheur d'une chaise, avec des mots merveilleux la dignité de vivre, un pays de fond en comble à se récrire au bien.
Et comme il était riche d'être pauvre, et comme il trouvait pauvres les gens d'ailleurs couverts d'argent et d'or ! C'était le temps où je parcourais cette apocalypse à l'envers, fermant l'œil pour me trouver dans la féérie aux mains nues, et tout manquait à l'existence, oh qui dira le prix d'un clou? mais c'étaient les chantiers de ce qui va venir, et qu'au rabot les copeaux étaient blonds, et douce aux pieds la boue, et plus forte que le vent la chanson d'homme à la lèvre gercée!
J'ai rêvé d'un pays tout le long de ma vie, un pays qui ressemble à la douceur d'aimer, à l'amère douceur d'aimer.
Aragon
Lait noir de l'aube nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or
écrit ces mots s'avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouez pour qu'on danse
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or
Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré
II crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez
il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu'on danse
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or
tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
II crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d'Allemagne
il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez une tombe alors dans les nuages où l'on n'est pas serré
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d'Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d'Allemagne son œil est bleu
il t'atteint d'une balle de plomb il ne te manque pas
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel
il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith.
Paul Celan
"Viva la muerte!" beugla un soir de 1936 Milan Astray, le chef hideux des sinistres milices franquistes à la face de Miguel de Unamuno. Le vieux philosophe catholique s'est alors avancé et, bravant une foule assoiffée de sang, a dit en substance d'une voix blanche: "Vous ne représentez aucune civilisation, aucune religion, aucune culture, vous êtes la négation de tout cela, la négation de la vie".
"Vive la mort!" hurlent aujourd'hui les légions d'assassins de Daech. Ils ne sont pas plus l'islam que les phalanges étaient le christianisme. Ils sont les séïdes d'une idéologie politique - le fondamentalisme wahhabite, qu'il faut enfin nommer et combattre - qui se revendique d'une religion. C'est fort différent. Ils sont les hordes de la mort, les petits télégraphistes de la Grande Faucheuse, les apôtres d'un nihilisme que mon père passa sa vie à scruter, étudier, dénoncer.
Lutter, vaincre. Et, c'est notre rôle à tous, sauver cette vie qu'ils veulent détruire. Dire notre amour pour ce monde, cette société, cette ville, ces quartiers ensanglantés. Opposer notre police, notre armée, nos services aux tueurs - c'est crucial et "tendre l'autre joue" n'est pas envisageable- mais créer, aussi, une chaîne de résistance et de résilience entre nous tous.
Ils veulent rendre impossible toute vie en commun, tout lien social? Alors rencontrons-nous, échangeons sur ce qui nous lie entre nous et ce qui nous lie à ce pays merveilleux que nous avons tous en partage.
Ils veulent montrer que notre société - mélangée, libre, ouverte - est fragile? Elle l'est, c'est indéniable, mais il nous incombe de faire de cette fragilité une force. En montrant qu'elle résiste à tout, et d'abord à eux.
Il fallait combattre Astray, il faut combattre Al Bagdadi.
Il faut aussi retrouver les mots d'Unamuno. Et, aussi fort qu'ils hurlent à la mort, crier "Vive la vie!"
Pour nos amis qui ne connaissent pas bien Paris
Depuis plus de vingt ans ,c'est un nom gourmand, précieux et candide, comme passer un temps de sa jeunesse aux pieds de Belleville. Un petit rade pas cher avec des soupes délicieuses. Et en terrasse le monde entier au bord du canal.Le Petit Cambodge c 'est là que tout à commencé quand dans le 10ème, le 20ème nous décidions de vivre dans les quartiers mixtes ,populaires et internationaux . Depuis , beaucoup ont migré vers les banlieues , moins chères, plus mixées justement aussi.Mais le soir ce quartier se réveillait encore de la jeunesse de Paris. Le Petit Cambodge c est un nom qui pour toujours me parle d'indépendance , d 'amitiés de débats politiques, et d 'amour. Je suis touchée au coeur de Paris, qui, chose comique, porte un nom de l 'Asie. Depuis plus de vingt ans aussi ,nous savons que les oeillères capitalistes et méprisantes envers les déchirures de nos sociétés sont dangereuses et mortifères. Nous savons que les guerres encouragées à l'International, les ventes d 'armes, le double langage diplomatique entretiennent le feu. Nous le savons malgré notre ignorance crasse , nous le sentons, nous votons et prenons part au débat malgré notre impuissance et nos doutes sur l 'efficacité du vote républicain . Plus de vingt ans et la jeunesse est presque entière : les dernières militances des copains ? Les inégalités, les flux migratoires, les conflits , la Cop 21 à venir, etc...etc... Je suis en colère et je ne culpabiliserai pas notre jeunesse qui régulièrement à Paris est rejointe par le monde entier pour réfléchir, créer et s 'aimer. Je ne laisserai pas dire que Paris n 'est pas accueillant et ouvert .Et en tant que femme, ayant sillonné les rues de nuit comme de jour, Paris est protecteur comme presque aucune ville au monde. Je suis triste et furieuse. J'envoie tout mon coeur à ma ville ouverte et blessée.
il existe quelque part
une parole
qui couvre la distance
plus vite qu'une balle
forcément
le poème l'inventera
ou l'a déjà trouvée
lovée dans le creux
d'une langue pacifiée