Un des derniers peintres de la génération des peintres non-figuratifs de l’immédiat après-guerre vient de nous quitter. Il avait largement dépassé la nonantaine.
Ce peintre originaire d’Algérie, commença à exposer à Alger dans la galerie d’André Thomas-Rouault en 1934. Cette galerie, fréquentée par Albert Camus, exposait de jeunes peintres comme Clot, Bénisti, Caillet ou Gallièro. Le jeune Louis Nallard connaissait bien Camus, car ses parents habitaient rue du Languedoc, près de la Boucherie de Monsieur Gustave Acault, l’oncle de Camus. Après des études à l’école des Beaux-arts d’Alger il rejoint le groupe des peintres de la Galerie Collin où exposent Assus, Bernasconi, Bénisti, Caillet, Tona, Terracciano, Galliero, Durand et Maria Manton, celle qui deviendra sa femme.
Attiré par la peinture non figurative, il part pour Paris en 1947, avec Maria Manton et ses amis Bouqueton et Fiorini. Il rejoint le groupe des Réalités Nouvelles et la galerie Jeanne Bucher, qui compte parmi ses peintres : Nicolas de Staël et Roger Bissière. Il ne coupe pas les ponts avec ses amis algérois et expose toujours avec eux. Le groupe de la galerie Collin, exposant depuis chez Charlot. Il participe avec Galliéro, Maisonseul et André Acquart aux revues dirigées par le poète Jean Sénac : Soleil, puis Terrasses.
Avec Maria Manton et son ami le journaliste Claude Krief,, il soutient Jean Sénac qui s’est exilé à Paris pendant la guerre d’Algérie. Ce dernier avait d’ailleurs essayé de promouvoir la jeune peinture d’Algérie. C’est d’ailleurs, sous son impulsion que Jean de Maisonseul, nouveau directeur du Musée national des beaux-arts d’Alger, organisa une exposition des Peintres Algériens au Musée des Arts décoratifs de Paris, où furent réunis Baya, Benaboura, Bouzid, Benanteur, Khadda, Martinez, Bénisti, Galliéro, Sintès et naturellement Maisonseul, Nallard et Maria Manton.
En été, Nallard passait ses vacances à Peñiscola , en Espagne près de Valence. On a pu parler de groupe de Peñiscola composé de Nallard, Bouqueton et Maria Manton. Sénac séjourna chez Nallard dans ce lieu. Bénisti vint aussi à Peñiscola, mais pour un très court séjour.
Après l’Indépendance de l’Algérie Nallard et sa femme ont aidé leurs amis d’Alger à se faire reconnaître et à exposer. C’est ainsi que Aksouh, Bénisti, Burel, Chouvet, Durand ont exposé à Paris grâce à eux dans une galerie de la rue Saint André des Arts aujourd’hui disparue et devenue une boutique de vêtements
Je m’étonne toujours lorsque je visite des expositions de constater que les conservateurs de musées ne s’intéressent qu’aux peintres déjà célèbres et semblent ignorer ces peintres de qualité.
Adieu Louis, tu vas rejoindre ta chère Maria et tes amis récemment disparus : André Acquart, le décorateur de théâtre et Hamid Nacer-Khodja, celui qui a édité les textes de Sénac sur les peintres (Visages d’Algérie) (1) où tu figures en bonne place.
Jean-Pierre Bénisti
1. Jean Sénac : Visages d’Algérie. Regards sur l’art. Documents réunis par Hamid Nacer-Khodja. Préface de Guy Dugas. Éditions Paris-Méditerranée. Paris 2002.
Claude Krief : Le défricheur des signes. Le Nouvel Observateur, 15 mars 1967.
Pierre Descargues : Louis Nallard, 224 pages, 24x30 Éditions Ides et Calendes, Neuchâtel, 1999
Signature Paris: Nallard, Maria Manton, Bouqueton , Catalogue de l'exposition chez Borzo, Hertogenbosh, Pays-Bas, Novembre Décembre 1993. Texte de Marike van der Knaap;
Les Peintres amis d'Albert Camus, Catalogue de l'exposition organisée par les Rencontres Méditerranéennes Albert Camus à Lourmarin en 1994
Louis Nallard et Maria Manton : le peintre et la vie. Dialogue avec Djilali Kadid. Algérie Littérature /action N°81-84 mai-octobre 2004