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9 septembre 2022 5 09 /09 /septembre /2022 10:06

 

 

Extraits de Souvenir d’enfance

 

 

 

Au cours de l’été 1953, Lucien et Mireille, mon oncle et ma tante, nous ont emmenés à Chantilly, ce château où je comptais voir les manuscrits des Très riches heures du Duc de Berry, dont j’avais vu les enluminures qui ornaient les publicités médicales que recevait ma maman. Ces manuscrits n’étaient pas exposés, il n’y avait que les enluminures reproduites. Par contre, Mireille m’a montré les dessins coloriés de Clouet et les miniatures de Fouquet qui m’ont émerveillé. Mon père a fait part de ses critiques de ce musée : il renfermait des chefs-d’œuvre qui étaient très mal présentés : c’était un fatras. Dans le parc du château, des carpes apparaissaient dans la rivière qui alimentait la pièce d’eau entourant le château. C’était, paraît-il, des carpes baguées et certaines, dit-on auraient été placées sous François 1er.. Cette légende est peu vraisemblable. Les carpes vivent longtemps, mais sont au plus centenaires.

Carpes que vous vivez longtemps

Est-ce que la mort vous oublie

Poissons de la mélancolie !

Disait Apollinaire.

Ah ! ces carpes, comme on voudrait les farcir à la juive !

Au bar près du château, il n’y avait point de crème Chantilly.

Avec ma grand-mère, j’ai eu l’occasion de visiter le Panthéon, ce monument où reposent des hommes illustres comme Voltaire, Victor Hugo ou autres.

L’oncle Henri m’avait parlé du musée de l’Homme et manifestant le désir de visiter ce musée, Mireille me proposa une visite guidée avec Paul Monié, une personne connaissant bien l’Afrique. Paul m’avait été présenté comme étant un ami de Lucien et Mireille et bien plus tard, j’ai compris que Paul était l’amant de Mireille. Paul me fit une visite très instructive et me dit que ce musée était fait pour étudier comment vivent les hommes dans les différents continents. Il me dit que si on devait étudier notre peuple, il y aurait en vitrine une chaise comme nous en avons chez nous, les vêtements que nous pourrions portés et les ustensiles qui sont dans nos cuisines. Il me présenta les salles consacrées à l’Afrique. Nous sommes passées devant la statue d’une dame aux grosses fesses : c’était la Vénus Hottentote. Les théories anthropologiques tournant autour de cette dame callipyge ne semblaient pas intéresser notre guide qui s’évertua plutôt à me commenter les masques africains. J’ai été étonné d’apprendre que ces masques étaient utilisés pour des cérémonies qui n’étaient pas forcément des réjouissances et que certaines tribus dansent avec ces masques pour des mariages, mais aussi des obsèques. Je pensais que, né en Algérie, j’appartenais au continent africain, mais que ce monde des Africains des colonies nous paraissait lointain car le Sahara est bien plus difficile à traverser que la Méditerranée.

Après l’Afrique avec Paul, Mireille essaya de me mener en Asie en me faisant visiter le musée où elle travaillait le Musée Guimet. Elle me montra quelques sculptures khmères. Elle avait particulièrement étudié les sculptures qu’elle me montrait, pour sa thèse sur le Médaillon Lotiforme dans la sculpture indienne, qu ‘elle venait de soutenir.

Le mardi, jour de fermeture des musées, Mireille m’invita au cinéma pour voir « Une reine est couronnée » film documentaire sur le couronnement de la reine Élisabeth II.  Il était étrange de voir le couronnement d’une Reine qui se faisait en 1952 de la même façon qu’il se serait fait au Moyen-âge, seul le cinéma qui filmait l’événement était nouveau. Cet intérêt des Français pour la Reine d’Angleterre traduisait peut-être une certaine nostalgie de nos monarchies de jadis. Nous remarquions qu’en Angleterre une Reine n’est pas forcément l’épouse du Roi. L’épouse du Roi devrait être dans ce cas une Princesse Consort. Je pensais à la chanson d’enfants que nous chantions en Algérie :

C’est la Reine d’Angleterre

Terre terre

Qui s’est fichue par terre

Terre terre terre

Avec Abdel Kader

Der der der

Sur une toile d’emballage

 

 

                                                         Jean-Pierre Bénisti.

                                                      (écrit à Lyon en 2012)

 

 

La Reine à Tipaza en octobre 1980

La Reine à Tipaza en octobre 1980

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