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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 15:21

 

Le musée du quai Branly consacre une exposition aux cheveux. Nombre d’ouvrages sur la barbe ou les poils paraissent. Cela témoigne de l’intérêt des humains pour un système pileux proprement humain, les autres mammifères ont un pelage permanent tout à fait différent du système pileux humain.

Les religions se sont emparées du problème : les juifs et les musulmans portent souvent la barbe. Les sikhs ne se coupent jamais les cheveux. Dans les trois religions monothéistes, les femmes traditionnellement ne doivent pas se présenter devant d’autres en cheveux.  Si cette tradition s’est perdue chez les Chrétiens où les femmes se couvraient encore lorsqu’elles pénétraient à l’intérieur d’une église jusqu’à une époque pas si lointaine, elle perdure chez les juifs et les musulmans. Chez les juifs, les femmes très religieuses auraient la tête rasée recouverte d’un foulard ou d’une perruque. Chez les musulmans, les femmes manifestent leur identité en se couvrant la tête d’un voile. Ce fameux voile a  alimenté  des polémiques sur le port de signes religieux ostensibles, sur les traditions ancestrales et sur  les prescriptions religieuses.

Le port de la barbe ou de la moustache chez les hommes varie selon les modes. Il s’agit souvent de manifestation de virilité.  En Afrique du Nord, il n’était pas convenable qu’un homme ne laisse pas subsister une moustache plus ou moins grosse. Je connais des barbus qui masquent une déformation de leur menton (retrognatisme) par une barbe. Brassens fait allusion dans une de ses chansons à une moustache pouvant dissimuler un bec de lièvre (la fessée). Souvent le port de la barbe traduit souvent une forte timidité ou une affirmation d’une autorité qui pourrait être défaillante. Pourquoi vouloir circonscrire son visage ? Si le barbu est con, sa connerie en sera aggravée. 

Les femmes à barbe ont toujours intrigué. Un tableau du peintre espagnol Ribera intitulé la mujer barbuda montre une femme barbue allaitant son bébé. Ce tableau est exposé à l’hôpital Tavera de Tolède. Il s’agit d’une femme atteinte d’un désordre endocrinien. Lorsque, enfant, je passais mes vacances en Auvergne, j’étais  effrayé de voir des vieilles paysannes avec des barbes grises. Ces visions de femme à barbe étaient pour moi surréalistes.

Dire que c’est barbant ou c’est la barbe signifient c’est ennuyeux et c’est ennuyeux de se raser, c’est la raison pour laquelle les hommes politiques méditent sur leur avenir en se rasant.

Une expression comme à poil signifiant tout nu est une expression empruntée au vocabulaire des cavaliers. Monter à cheval à poil signifie monter un cheval sans selle ou encore à cru.

Les anthropologues étudiant les différences anatomiques des différentes populations ont pu faire des classifications des individus selon leurs systèmes pileux selon la couleur des poils ou selon leur implantation. Les hommes d’origine asiatiques ont peu de poils sur les jambes et le torse. Aussi bien les hommes que les femmes asiatiques ont les aisselles  et le pubis très fournis. Ce sont presque des cheveux.

Cela rejoint cette chanson enfantine que nous chantions sur un air de tango, la dénégation était évidente :

Je ne suis pas curieux,

Mais je voudrais savoir,

Pourquoi les femmes blondes

Ont les poils du cul noirs

Je ne chanterais pas la suite. Il y a cependant quelques blondes qui le sont entièrement

Jusqu’au dix-neuvième siècle, les artistes ne figuraient pas dans leurs peintures les poils de leur modèle. Les femmes à poil étaient sans poils. Même Rembrandt dans sa gravure de « la Femme qui pisse » ne figure pas les poils C’est Courbet qui fut un des premiers artistes à figurer la pilosité de son modèle dans un tableau appelé l’Origine du mondequi à l’époque fit scandale. Ce qui est surprenant dans ce tableau, ce n’est pas pour ce qu’il représente mais le fait que ce n’est pas seulement l’observateur qui regarde le tableau mais c’est le  sexe velu  de la femme représentée  sur le tableau qui regarde son public. Ce regard est accentué par l’absence de visage du modèle peint. Depuis Courbet,   d’autres artistes n’ont pas censuré les poils de leur modèle, notamment Picasso, Manguin ou Marquet…

Lucien Clergue  a su tirer parti de l’esthétique du système pileux dans ses admirables photos de nus en contre-jour, photos qu’il fit pour illustrer le poème d’Eluard : Corps mémorable

Baudelaire dans un poème des Fleurs du mal rend hommage à ces toisons :

«  Et sous un ventre uni, doux comme du velours,

Bistré comme la peau d'un bonze,

Une riche toison qui, vraiment, est la sœur

De cette énorme chevelure,

Souple et frisée, et qui t'égale en épaisseur,

Nuit sans étoiles, Nuit obscure ! »

 

(Les promesses d’un visage in les Fleurs du mal)

Jules Verne n’a pas écrit que le Tour du monde en quatre-vingts jours, il a aussi écrit un poème intitulé : Lamentation d’un poil de cul de femme. (1)

Au cinéma, la première actrice qui ait montré sa pilosité dans un film d’auteur  est Jane Birkin dans Blow up d’Antonioni. Dans le Dernier tango à Paris, un film qui fit scandale, Maria Schneider soulève sa robe et exhibe une gigantesque touffe  qui apparaît en gros plan sur l’écran et qui regarde les spectateurs comme dans l’Origine du monde de Courbet.

Près du Pont de la Concorde, la Piscine Déligny était dans les années 70 un lieu très fréquenté. Sur la terrasse de cette défunte piscine, les femmes retiraient le haut de leurs maillots et exhibaient leurs seins. Une dame tricotait au crochet des petits triangles en coton. Ces triangles pouvaient être portés comme cache-sexe. Un cordon noué au haut des fesses permettait d’accrocher le triangle. La tricoteuse vendait ces vêtements minimums pas trop chers. Des baigneurs et surtout des baigneuses les essayaient. Ainsi, non seulement les seins étaient à l’air, mais aussi les fesses. À cette époque, les femmes ne se rasaient pas et laissaient voir leurs poils plus ou moins abondants dépasser les contours de ces  triangles : il y en avait de toutes les couleurs : des poils bruns, des poils roux, des blonds… Aujourd’hui les femmes se rasent comme pour se libérer des dernières contraintes et l’on a plus l’occasion de voir le moindre poil. Tout le mystère qui se cache derrière ces toisons disparaît. Il y eut aussi la mode du rasage sélectif laissant  sous le maillot un simple ticket de métro. Je préfère que les poils restent apparents et je regrette  aussi les aisselles non épilées. Catherine Millet, l’écrivaine célèbre pour avoir raconté en détail ses exploits sexuels, avouait ne pas avoir cédé à la mode du rasage. Peut-être qu ‘en s’épilant, les femmes veulent retrouver un sexe de petite fille. Il ne faut pas oublier que l’étymologie  du mot puberté signifie apparition de la pilosité pubienne et cette apparition marque souvent le commencement de la fin de l’enfance.


 

    Jean-Pierre Bénisti

 

  1. Voir : http://www.audiocite.net/livres-audio-gratuits-charme/jules-verne-lamentations-dun-poil-de-cul-de-femme.html
  1. J’ai lu dans Libération un article issu d’un blog intitulé les 400 culs. L’auteure de l’article s’insurgeait contre la mode de l’épilation qui sévit actuellement

http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/2012/09/epilation-cest-une-mode-ou-une-dictature-.html

 http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/2013/06/larachnophobie-et-les-poils-de-pubis.html

 

 

Voir aussi:

Sylvie Kerviel et Macha Séry : La tyrannie de l'épilation.Le Monde 07.03.10

 

http://polyamour.info/discussion/-hi-/L-epilation/

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