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19 décembre 2021 7 19 /12 /décembre /2021 15:53

 

Ce texte de Pierre Bourlier relatif à l’École Volta était disponible en ligne. Il a disparu. Il est donc important de le mettre à la disposition du public. J’ai cité ce texte dans un article que j’ai écrit sur les architectes amis de Camus dans la Revue Présence, d’Albert Camus, n°6, 2014.

Il faut rappeler que lorsque la villa de la famille Jouyne-Bourlier, occupée par Jean de Maisonseul, devait être démolie. Jean de Maisonseul transforma la villa en atelier. Il invita ses amis Louis Bénisti, sculpteur et René-Jean Clot, peintre à travailler dans cette villa en attendant sa démolition. C’est ainsi que René-Jean Clot fit une série de gravures illustrant les Histoires Saintes de Max-Pol Fouchet et que Bénisti fit les bustes de René-Jean Clot, Louis Miquel, Jean de Maisonseul et André Acquart.

Pierre -André Emery demanda à Marie Viton, celle qui faisait les décors de théâtre de la troupe de Camus de faire les fresques du hall de l’école.

Cette école eut des instituteurs et des élèves prestigieux comme Jacques et Bernard Attali, Jean-Pierre Castellani,  Daniel Mesguish ou Michel Wilson.

Dans un ouvrage collectif : À l'école en Algérie, des années 1930 à l'Indépendance, ouvrage dirigé par Martine Mathieu-Job, aux éditions Bleu Autour, en 2018, Daniel Mesguish et Jean-Pierre Castellani, lui-même fils d'un instituteur de l'École Volta, relatent leurs souvenirs.

 

             (Note de Jean-Pierre Bénisti)

 

 

HISTOIRE DE L’ECOLE VOLTA

 

Propos recueillis par Pierre ALTAIRAC et Françoise BOURLIER, son épouse

auprès de leur oncle Pierre BOURLIER né en 1912, ancien architecte à Alger.

 

 

A l’époque où les frères Barberousse gouvernaient la Régence d’Alger, au sud de la ville, sur le rivage de la baie, à un kilomètre environ dans les terres, au-delà des propriétés de l’Agha s’ouvrait un chemin turc, dénommé Sidi Brahim. Il était composé d’une chaussée en pas d’âne, ombragé d’oliviers. Son trajet escaladait les collines en direction d’El Biar. A mi parcours, sur sa rive sud, il longeait un petit plateau rocheux, saillant fortement sur la pente moyenne de la colline.

En 1830, après la reddition d’Alger à l’armée française, les militaires entreprirent sans tarder la réalisation de routes carrossables afin de faciliter la desserte et la défense du territoire. L’une de ces routes partait du faubourg Bab Azoun, cheminait en pente douce au flanc des collines en direction du sud-ouest, et croisait le chemin Sidi Brahim, juste avant de longer sur sa rive nord le plateau déjà évoqué. Elle poursuivait son trajet vers Mustapha Supérieur.

A partir de 1831, débarquèrent dans le port barbaresque les civils nécessaires à l’entretien des troupes, suivis d’immigrants de toutes classes sociales et de métiers les plus divers. Parmi eux, débarqua un jour un certain Monsieur Saulière. La tradition orale le dit entrepreneur de travaux publics et originaire de Lyon. Nous ignorons sa date exacte d’arrivée et l’importance de ses travaux, mais c’était déjà un homme fortuné lorsqu’il décida de construire sa Villa vers 1845-1850.

Dans ce but, il acheta le fameux plateau rocheux, soit à cause de sa double desserte routière, soit en raison de son exposition aux vents d’est, si rafraîchissants durant l’été, enfin peut être fut-il tout simplement séduit par la vue magnifique sur la Casbah, la baie, le Cap Matifou, le Bou Zegza et le Djurdjura. La parcelle formait un triangle bâtard d’environ un hectare bordé au nord-est par le chemin Sidi Brahim et au sud-est par la route de Mustapha Supérieur, plus tard devenue rue Michelet.

Le programme général de la Villa, fixé par le propriétaire, prévoyait deux bâtiments situés dans la zone supérieure du plateau : la maison de maître et les locaux de service. Le reste du terrain constituait un parc très accidenté du coté de la rue Michelet. Les plans d’ensemble de la Villa, des bâtiments et du jardin furent certainement dressés par le personnel de l’entreprise Saulière. Aucun de ces documents n’a subsisté.

  •         La maison de maître.

Elle fut implantée au centre d’une parcelle d’environ 5000m², bordée à l’ouest par une propriété voisine et vers le nord par le chemin Sidi Brahim. Le terrain était peu pentu et fut aplani. La maison occupa une surface d’environ 360 m². Les derniers propriétaires ont pu reconstituer son plan à partir de leurs souvenirs. Le rez-de-chaussée surélevé d’un mètre environ comportait : un portique d’accès, le hall d’entré, le salon, la salle à manger, et la cuisine. Cet ensemble entourait l’escalier aboutissant à l’étage au milieu d’une grande cour couverte, équipée d’une lanterne d’éclairage et de ventilation, sur laquelle ouvraient toutes les chambres ; elles prenaient jour sur le jardin mais pouvaient aussi être ventilées sur la cour durant l’été. Cet agencement original fut peut-être inspiré par l’architecture locale ou les atriums romains. Il ne subsiste aucune photographie du bâtiment permettant de connaître le style des façades. Toutefois un croquis d’amateur datant de 1930 permet de savoir que Monsieur Sauliere avait opté pour le style néo-classique, déjà utilisé à Alger pour la reconstruction des rues Bab Azoun et Bab El Oued.

  •         Le bâtiment de service.

Il était séparé de la Villa de maître et bordait le chemin Sidi Brahim sur une quarantaine de mètres à partir de la limite ouest. Il comportait : les logements du personnel, le fenil, l’écurie, le garage à voitures, l’atelier, et la buanderie. Ce bâtiment, conçu avec un étage sur rez-de-chaussée, était d’une architecture très simple : murs de façade sans décoration et toiture à deux pentes couvertes en tuiles canal. Certains appartements de l’étage, bâtis en retrait, disposaient d’une terrasse.

  •         Le jardin.

Son plan d’aménagement fut conditionné par l’obligation d’aménager sur le terrain Saulière un accès aux véhicules lourds montant de la rue Michelet à la plate-forme du futur chantier. Le chemin Sidi Brahim, muletier par destination, n’était pas utilisable. L’entreprise construisit donc une véritable route au tracé fort sinueux en raison de l’important dénivelé. A la fin du chantier, cette route devint l’allée principale du jardin. Sur cette parcelle, d’environ 3000 m² autour des bâtiments, furent ensuite plantés de nombreux arbres exotiques, peut-être fournis par le ‘Jardin d’essais’. On pouvait dénombrer des ficus, des yuccas, des cyprès, des bellombras et des faux-poivriers. Deux oliviers plusieurs fois centenaires furent conservés en place.

Après son achèvement et en raison de son site et de la qualité des bâtiments, la Villa du Plateau Sauliere devint le point de mire d’un vaste quartier, qui prit le nom même de Plateau Saulière, nom attribué plus tard au 6éme arrondissement d’Alger. A la même époque la portion du chemin Sidi Brahim allant du carrefour Michelet au Telemly prit le nom de chemin de la Solidarité.

A la fin du XIXe siècle, la ville s’étant rapidement développée la municipalité se trouva dans l’obligation d’organiser un vaste programme de transports en commun couvrant toute l’agglomération d’Alger. Il en résulta la création d’une ligne de tramways électriques allant de l’hôpital du Dey à Mustapha Supérieur en passant par les rues Bab El Oued, Bab Azoun, Isly et Michelet. Sa réalisation fut confiée à la Société des Transports Algérois (T.A.). Le terminus de la première tranche des travaux se situa rue Michelet à hauteur de la Villa Saulière. Ce fut la cause du morcellement de cette propriété. En effet, les T.A. acquirent deux grandes parcelles du jardin pour y installer leur dépôt de matériel. La fameuse Villa se trouva réduite aux deux bâtiments d’habitation entourés d’un jardin de 1800 m², heureusement encore orné des nombreux arbres.

Elle passa ensuite de main en main et fut en particulier habitée par la famille Dalaise puis par le Docteur Bullinger, bien connu des vieux algérois. Mise en vente en 1918, elle fut rachetée par le Docteur Charles Bourlier -père de Pierre Bourlier-.

En 1928 la Ville d’Alger recherchait dans le 6éme arrondissement un terrain en vue d’y construire une école. Elle jeta son dévolu sur l’ex-Villa Saulière. Des pourparlers s’engagèrent et le contrat d’acquisition fut signé, avec une clause spéciale qui permettait au vendeur de rester dans les lieux jusqu'à la mise en chantier. Le Docteur Bourlier ne déménagea qu’au printemps 1932.

L’administration désigna P.A. Emery (ancien élève de Le Corbusier) comme architecte de la future école. Puis lors de l’élaboration du projet, Jean de Maisonseul (connu par la suite comme peintre et vieil ami d’Albert Camus) dessina les plans du bâtiment. L’emprise au sol du futur bâtiment imposa l’abattage de tous les arbres.  Monsieur Emery obtint de son client l’autorisation de maintenir dans la cour un ficus planté 87 ans plus tôt. Avec l’âge, il avait pris des proportions majestueuses et de ses branches surplombant la rue Volta avaient poussé des radicelles descendant jusqu’à la chaussée de la rue Volta. Cependant le chantier lui imposa quand même un élagage important.

Après la fin des travaux, elle fut inaugurée sous le nom d’Ecole Volta et fonctionna sous ce nom au moins jusqu’à l’Indépendance de l’Algérie. Depuis, elle doit poursuivre ses activités scolaires mais très vraisemblablement sous un nom différent ?(1)

Chacun de nous aimerait savoir si le vieux ficus, témoin des temps révolus, orne encore la cour de récréation !

 

Paris, mars 2001.

 

 

 

 

 

Vor/ Jean-Pierre Bénisti : Albert Camus et les architectes d’Alger Revue Présence, d’Albert Camus, n°6, 2014.

e

 

https://www.aurelia-myrtho.com/article-camus-et-les-architectes-d-alger-123962441.html

 

 

 

  1. L’École Volta a e-été débaptisée et porte le nom de l’Émir Khaled. Je ne pense pas que les familles de Volta et de l’Émir Khaled aient été consultées au sujet de cette débaptisation. Grace à Volta, l’école bénéficie d’un éclairage électrique.

 

 

 

 

L' École Volta en 2007 Photo JPB
L' École Volta en 2007 Photo JPB
L' École Volta en 2007 Photo JPB

L' École Volta en 2007 Photo JPB

Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)
Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)
Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)

Les fresques de Marie Viton (Photos Jean-Pierre Castellani)

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