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12 novembre 2024 2 12 /11 /novembre /2024 15:50

Vous partez déjà ? Pardonnez-moi de vous avoir peut-être retenu. Avec votre permission, vous ne paierez pas. Vous êtes chez moi à Mexico-City, j’ai été particulièrement heureux de vous y accueillir. Je serai certainement ici demain, comme les autres soirs, et j’accepterai avec reconnaissance votre invitation. Votre chemin... Eh bien... Mais verriez-vous un inconvénient, ce serait le plus simple, à ce que je vous accompagne jusqu’au port ? De là, en contournant le quartier juif, vous trouverez ces belles avenues ou défilent des tramways chargés de fleurs et de musiques tonitruantes. Votre hôtel est sur l’une d’elles, le Damrak. Après [16] vous, je vous en prie. Moi, j’habite le quartier juif, ou ce qui s’appelait ainsi jusqu’au moment où nos frères hitlériens y ont fait de la place. Quel lessivage ! Soixante-quinze mille juifs déportés ou assassinés, c’est le nettoyage par le vide. J’admire cette applica- tion, cette méthodique patience ! Quand on n’a pas de caractère, il faut bien se donner une méthode. Ici, elle a fait merveille, sans contredit, et j’habite sur les lieux d’un des plus grands crimes de l’histoire.

Albert Camus : La Chute

Photo JPB

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11 septembre 2024 3 11 /09 /septembre /2024 15:20

       Lorsque le personnage de l’Abbé Pierre défrayait les chroniques, j’ai entendu en écoutant parler l’architecte Louis Miquel, qui venait souvent rendre visite à mes parents, nous conter une amusante anecdote : Camus déjeunait chez Le Corbusier. Yvonne, épouse du grand architecte, était connue, pour ses plaisanteries familières. Elle s’adressa à Camus et lui dit :

      « -   Savez-vous que l’on a arrêté l’Abbé Pierre ?

  • Que lui-est-il arrivé ?
  • On l’a surpris en train de s’enfiler deux religieuses, dans une pâtisserie. »

Cette amusante plaisanterie garde une certaine actualité.

        J’ai d’ailleurs été souvent réservé sur l’Abbé Pierre, car je n’avais pas du tout apprécié   la façon dont il a défendu son ami Garaudy, accusé de négationnisme

Cela dit, tous les individus ont une part d’ombre et l’abbé que nous admirions n’est pas celui que nous révèle aujourd’hui la presse et son action en faveur des déshérités reste exemplaire.

 

              Jean-Pierre Bénisti

 

 

À propos de l‘Abbé Pierre.
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8 août 2024 4 08 /08 /août /2024 06:19
Villeneuve Loubet Peinture de Louis Bénisti 1950 (Photo JPB)

Villeneuve Loubet Peinture de Louis Bénisti 1950 (Photo JPB)

Villeneuve-Loubet le 7 août 2024 (Photo JPB)

Villeneuve-Loubet le 7 août 2024 (Photo JPB)

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14 juillet 2024 7 14 /07 /juillet /2024 08:13

La dernière pissotière de Paris, près de la prison de la Santé. Je ne sais toujours pas si il est prévu que la flamme olympique y passe en ce jour du 14 juillet 2024.  

JPBénisti

Photos JPB
Photos JPB

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Voir :Je me souviens des pissotières

Aurelia.myrtho.fr

 

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21 mai 2024 2 21 /05 /mai /2024 18:10

La parution d’un livre sur la peintre Baya par Alice Kaplan, a fait resurgir quelques souvenirs d’enfance sur les personnes qui ont côtoyé Baya : Marguerite et sa nièce Mireille

Sauveur Terracciano, ami intime de mon père était un peintre de talent, qui possédait un bateau et qui gagnait sa vie en travaillant à la Compagnie du Gaz et Electricité d’Algérie (EGA).

Un soir Sauveur rendit visite à mon père en compagnie de Madame Marguerite Mac Ewan, qu’il nous présenta comme étant la bibliothécaire du comité d’entreprise de l’EGA. Madame Mac Ewan voulait exposer dans sa bibliothèque des œuvres d’art. Après avoir obtenu des œuvres des deux Sauveur (Galliéro et Terracciano) elle venait chercher des œuvres de Bénisti. Elle repartit de chez Bénisti avec une sculpture :le Buste de Georgette et une peinture : Mohamed.

En ces temps, Marguerite avait découvert le talent d’une jeune Algérienne qui était la fille d’une de ses voisines de sa villa de Fort de l’Eau (Bordj el Kiffan). Elle avait donné à cette petite fille les papiers et les couleurs de l’atelier de son mari peintre Monsieur Mac Evan et cette petite fille devint la célèbre Baya. Plus tard Marguerite divorça de Monsieur Mac Evan et se maria avec Monsieur Benoura.

Marguerite était la sœur de Madame Simone Farge, qui, avec son mari, cultivait les fleurs et tenait une boutique de fleurs : Isely, rue Michelet. Les Farges avaient une fille prénommée Mireille, qui sera plus tard l’épouse de Jean de Maisonseul.

:

Un jour, Sauveur nous invita à une fête nautique. Les bateaux fleuris défilaient sur le port sur des thèmes variés. Sauveur avait fait défiler son bateau (le Salva) en ayant pris comme thème : la fête barbaresque. Le bateau avait été fleuri par la maison Isely. Louis Bénisti raconte : « C’était une course nautique fleurie Alors on a combiné chez Isly que sur le Salva on mettrait d'abord un garde-fou, on le remplirait de fleurs, de feuilles. On dresserait une estrade et l’on transformerait le Salva spécialement pour cette fête nautique, en bateau des courses barbaresque. Alors sur l'estrade, on installa Monsieur Dubus, habillé en Bachi Bouzouc. Autour de lui des femmes orientales habillées de vêtements merveilleux et qui représentaient son harem. Il y avait Marguerite, il y avait Mireille et il y avait Baya. Sauveur habillé en pirate barbaresque et son ami Petit Jean était aussi habillé en pirate. Ils avaient mis la barbe, le bandeau du corsaire, des turbans, des pantalons effilochés, on a vu toutes voiles dehors le grand pavois défiler depuis le port de l'Aga, jusque vers la nasse Marsa où l’on avait installé les tribunes. J’avais donc ma place tout près de l'eau, et j'ai vu arriver le Salva comme ça. J’étais stupéfait. C’était une merveille de décoration et de vérité humoristique, parce que c'était très humoristique, les femmes habillées à l'orientale, les belles draperies, les soieries, et puis Dubus en Bachi Bouzouc, et Sauveur en pirate. le bateau tournait et à la fin du corso, le Salva a eu le premier prix hors classe. Mais il faut dire une chose c'est qu’à l'arrivée du Salva, tous les hommes de la Casbah, se sont précipités sur les Boulevards pour voir le bateau barbaresque, et regarder ces femmes richement vêtues de draperie qui leur rappelaient peut-être le paradis d’Allah. »

 

J’ai vu par la suite des œuvres de Baya lors d’une exposition organisée par Jean Sénac et la revue Terrasses au Nombre d’or à Alger en 1953. Elle interrompit sa carrière de peintre jusqu’en1962. Elle se remit à peindre après l’Indépendance de l’Algérie sous l’injonction de Jean de Maisonseul, qui était devenu le neveu par alliance de Marguerite.

 

                                                                                       Jean-Pierre Bénisti

 

 

 

À propos de Baya et de Marguerite.
Louis Bénisti et Marguerite Benoura au Pradet en 1985 (Photo JPB)

Louis Bénisti et Marguerite Benoura au Pradet en 1985 (Photo JPB)

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18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 09:55

Article de Jean Sénac paru dans Atlas, revue algéroise, en avril 1963

La peinture algérienne en hélicoptère.
La peinture algérienne en hélicoptère.
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9 avril 2024 2 09 /04 /avril /2024 14:59

 

L'exposition Présence Arabe au Musée d'Art Moderne de Paris, comporte un grand nombre d'oublis. Cet article devrait pouvoir en rétablir quelques uns. 

Une seconde version de cet article a été publié sos le titre les peintres du soleil dans Mémoire en miroir, Algérie France, sous la direction de Nazim Benhabib, HD Diffusion 622170 Villiers Saint Georges, 2022

 

Au lendemain de la Libération, Alger qui avait été momentanément la capitale de la France libre, redevient l’importante ville coloniale toujours dépendante de la France métropolitaine, mais gardant son autonomie en raison de la situation insulaire de l’Afrique du Nord, territoire pris entre les deux déserts du sable et de la mer, selon l’expression d’Albert Camus.

            Une partie des artistes, des écrivains, mais aussi des passeurs de culture partent pour la France.

Albert Marquet (1875-1947) (ce grand peintre, dont on disait que s’il n’était pas venu à Alger, la peinture algérienne aurait été différente), quitte Alger et sa villa du Beaux-Fraisiers pour Paris. Il y mourra en 1947

Albert Camus qui avait quitté Oran pour soigner sa phtisie au Chambon sur Lignon ne rentre pas en Algérie tout en demeurant pour l’ensemble des intellectuels restés en Algérie, une figure tutélaire.

Edmond Charlot, qui avait été le grand éditeur de la Résistance et de la France libre, essaie de devenir un éditeur parisien.

              Max-Pol Fouchet, qui tenait des chroniques littéraires et artistiques dans la presse algéroise et qui dirigeait la revue Fontaine, part à Paris et poursuit pendant quelques temps l’aventure de Fontaine avant de créer les grandes émissions littéraires de la Télévision.
Jean Amrouche rejoint aussi Paris où il collabore aux éditions Charlot et continue à diriger la revue l’Arche. Il réalise pour la radio une série d’entretiens avec des écrivains : Gide, Claudel, Giono, Mauriac…

A Alger, les artistes plasticiens essaient de se maintenir. Ils ont perdu le soutien d’un grand nombre de leurs amis écrivains. Ils essaient de faire vivre une vie artistique, dans un milieu qui ne leur est pas toujours favorable.


            Si les frères Racim (Omar et Mohamed) se réclament dans leurs miniatures d’une tradition arabo-persane, la plupart des artistes d’Algérie se réclament d’une tradition européenne et sont influencés par l’École de Paris, en raison non pas de la dépendance de l’Algérie par rapport à la France, mais du fait que Paris est depuis la fin du XIX ème siècle la capitale mondiale de la peinture. Après 1960, les écoles de peinture disparaîtront et Paris sera détrôné par New York.

Après le 8 novembre 1942, Louis Bernasconi (1905-1987), un peintre de l ’Académie Figueras, avait organisé le salon de la Résistance à Alger où des peintres comme Bénisti, Assus, Caillet, Tona, Degueurce etc.... avaient offertleurs œuvres pour financer la Résistance Française. Un certain Monsieur Hyvert, qui travaillait chez un commerçant en instruments de musiques, Paul Colin, suggéra alors à Bernasconi d’organiser des expositions de peintures dans sa boutique située rue Dumont d’Urville (Ali Boumendjel aujourd’hui). C’est ainsi que furent d’abord organisées des expositions de groupe de peintres qui étaient très liés d’amitiés, à tel point qu’on les avait appelés les Copains. On comptait parmi ces peintres : Assus, Bénisti, Bernasconi, Terracciano, Tona, Louise Bosserdet, Chouvet, Caillet et puis des plus jeunes comme Galliero, JAR Durand, Louis Nallard et Maria Manton... Il y eut ensuite des expositions particulières.

Monsieur Hyvert était un homme très cultivé Il s'occupait de la gestion commerciale des établissements Colin qui étaient les principaux importateurs à cette époque-là, de machines parlantes et de phonographes à grosse tulipe. Dans ce magasin, il vendait des disques 78 tours et des Réfrigérateurs fonctionnant au pétrole. Quand on ne recevait pas les postes de TSF et les pianos, il vendait de la peinture. Il gérait sa boutique, assis devant sa table et autour de laquelle se regroupaient tous les amateurs d'art le soir pour faire la conversation. Il faut dire aussi que chez les peintres qui fréquentaient la galerie Colin, on sentait bien que non seulement ils s'étaient réunis autour du père Hyvert pour des raisons artistiques, mais aussi pour leurs sentiments libéraux, pro gaullistes. La peinture de ces artistes était très éloignée de la peinture orientaliste influencée par Dinet qui inondait les salons des appartements bourgeois. Les maîtres de ces peintres étaient, Marquet, Launois, mais aussi Matisse, Bonnard ou Picasso. Il n'y avait pas de discorde chez ces artistes et la Galerie Colin prenait le relais artistique de ce qu’avait été la Librairie des Vraies Richesses, avant le départ pour Paris de Charlot. Après les vernissages d’exposition, les artistes traversaient la rue et se réunissaient au Café́ du Ballon pour boire un ballon de rouge et quelque fois déguster une loubia, des sardines grillées ou une sépia au noir. Lorsque, quelques années après la guerre, vers 1949, les postes de TSF et les pianos recommencèrent à arriver dans la boutique Colin, Monsieur Hyvert pria gentiment les artistes de décamper et d’aller exposer ailleurs.

Quelques peintres remarquables exposaient chez Colin

Armand Assus1 (1892-1977) était un peintre qui était doté de grandes qualités Son père, Salomon Assus, portraitiste, avait été caricaturiste pour les quotidiens d’Alger et avait illustré Cagayous. Armand et son frère Maurice, étaient, tous les deux, peintres, mais c’est Armand qui s’illustra comme lauréat de l’École des Beaux-Arts d’Alger, monta à Paris pour étudier aux Beaux-Arts et fut second prix de Rome. Après son séjour en Europe, Armand Assus est revenu s’installer en Algérie avec ce titre très honorable qui lui fournissait d’abord une petite clientèle et ensuite les faveurs du Gouvernement Général. Il fréquentait la librairie de Benjamin-Constant2, dont il était l’ami intime. Camus lui consacra un article élogieux dans Alger-Étudiant en 1934. Il eut deux enfants André́ et Jacqueline qui ont participé au théâtre de l’Equipe. Son atelier, près du square Bresson servait souvent de lieux pour les répétitions du théâtre. Assusdonnait des leçons particulières à des jeunes peintres en herbe et il eut ainsi de nombreux élèves, dont Robert Martin, futur libraire et galeriste à Oran.

Louis Bernasconi3, avait étudié dans l’Académie Figueras et avait essayé avant la guerre d’étudier à Paris la décoration de cinéma. Il renonça à ce projet et fit à Alger une peinture de qualité. IL était un très bon photographe. Il avait mis sur pied avec Tona le salon de la Résistance et continuait après la guerre à organiser des expositions de groupe de peintres.


            Rafel Tona (1903-1987) originaire de Barcelone, était venu à Alger vers 1925 avec Alfred Figueras pour fonder l’Académie Art, fréquenté par un très grand nombre d’artistes. Il ne put retourner en Espagne après la guerre et s’installa définitivement à Alger.

Louis Bénisti4 (1903-1995) ancien de l’Académie Figuéras, avait participé à l’aventure du théâtre du travail et du théâtre de l’Equipe dirigés par Albert Camus. D’abord sculpteur, il fut obligé pour des raisons financières, de délaisser la sculpture pour la peinture.

Exposaient aussi chez Collin, des artistes qui fréquentaient la librairie les Vraies richesses : le peintre Etienne Chevalier (1910-1982), fils du peintre et professeur Henri Chevalier (1886-1945), et dont le frère Paul Chevalier acteur chez Camus, fit par la suite une honorable carrière théâtrale, Christian de Gastyne (1909-1969) peintre algérois, était aussi écrivain.  Il est l’auteur d’un livre illustré La Ville chante.

 

Pour diverses raisons quelques peintres d’Alger ne se sont pas joints au groupe issu de la galerie Collin. On pourrait citer : Louis Fernez, Azoua Mameri, Gustave Lino, Lucien Mainssieux, Jacqueline de Vialar ou André Grecq.

La galerie Colin fermée, les artistes exposèrent à la galerie Pasteur, puis au Nombre d’or, dont le directeur Monsieur Stiebel cède la place à Madame Paule Parenteau.

Le groupe de la Galerie Collin resta soudé. Les peintres se réunissaient en dehors des salles d’exposition dans des cafés du centre d’Alger comme le Coq Hardy ou l’Otomatic ou dans des villas comme la villa Djenan Ben Omar chez un peintre qui s’appelait Louise Bosserdet (1889-1972). Dans sa jeunesse, elle militait au Parti Communiste et ramena d’un voyage en Russie un livre : Une Française en URSS, qui sera le premier livre édité́ par Charlot aux éditions de la Maurétanie. C’était une ardente voyageuse, une anglophone, ce qui lui valut d’être surnommée par ses amis : Miss Louise. Elle avait loué une villa du nom de Djenan Ben Omar, de très belle architecture mauresque dans un vallon de la Bouzaréah qui s’appelait le Beaux-Fraisiers. L’atmosphère de cette villa était très agréable. Les peintres eurent l’idée des rencontres les dimanches et les jours fériés à Ben Omar, au cours desquelles Tona confectionnait le déjeuner et Chouvet se dépensait en mots d'esprit. Ainsi cette ambiance festive attirait les artistes qui ne manquaient pas de s’y rendre, moyennant une petite contribution qui devait à la fois payer le repas et apporter quelques subsides à Louise Bosserdet. Louis Bénisti raconte : « Il y avait d'un côté́ le grand ravin qui menait à une petite source et puis nous poursuivions notre promenade en montant au-dessus d’une colline et nous nous trouvions en haut dans le ciel. En haut de cette colline nous étions entre la terre et le ciel, il n'y avait rien d'autre que quelques cactus, quelques asphodèles et puis quelques oliviers et puis le ciel. Cela s'appelait ′′ haut dans le ciel′′. Un jour nous avons eu la visite de Pelayo qui est arrivé́, habillé de salopette avec quelques-uns de ses camarades tous armés de guitares faisant un concert de flamenco dans les jardins de Ben Omar. Marquet habitait une villa voisine : Djenan Sidi Saïd. La villa Djenan Ben Omar était d'un style voisin de la Villa Abdeltif, mais la villa Abdeltif était beaucoup plus belle, beaucoup plus grande. »

Une autre villa mauresque recevait  des peintres. Il s’agissait de la villa Abdeltif 5. Cette résidence  était une sorte de Villa Médicis, où des artistes métropolitains séjournaient grâce à une bourse qui leur était accordée. Cette villa se situait tout près du musée des Beaux-arts, dirigé par Jean Alazard et la grotte de Cervantès, où vécut le plus célèbre visiteur de la ville d’Alger. Cette villa avait eu des pensionnaires prestigieux : Etienne Bouchaud, Jean Launois6, André Héburtène7  André Bourdil8, Émile Sabouraud9, Marcel Damboise10, Richard Maguet11  Paul -Eugène Clairin12, François Caujean13  Attirés par la lumière d’Alger  et par la beauté du paysage, les peintres qui avaient séjourné dans cette villa, prolongeaient souvent leurs séjours et pour certains s’installaient en Algérie. C’était le cas de Jean Launois, de Maurice Bouviolle, de Marius de Buzon ou de Jean-Désiré Bascoules.  D’autres artistes, comme le sculpteur Marcel Damboise, faisaient des séjours fréquents en Algérie Après  la guerre, la villa eut de nouveaux pensionnaires comme Jacques Houplain, un graveur qui illustra Noces de Camus,  R.Martin, et Jack Chambrin, qui  participèrent avec Georges Le Poitevin à l’expédition d’Henri Lhote au Tassili pour les relevés des fresques préhistoriques, Gruais, Le Mab, François Cacheur, Pierre Pruvost, Albagnac, Gachet, Gisèle Mianès, Jean-Pierre Blanche, et Pierre Clément, qui fut le dernier pensionnaire de cette institution.

 

 

 

Les arts plastiques à Alger du lendemain de la seconde guerre mondiale jusqu’au début de la guerre d’Algérie

Si des artistes venus de Métropole s’installent à Alger, d’autres artistes originaires d’Afrique du Nord sont tentés par un trajet inverse et s’installent à Paris. Ce mouvement des artistes vers Paris est très net au lendemain de la guerre. Camus, qui était devenu la figure titulaire des écrivains et des artistes, ne retourne pas en Algérie et s’installe à Paris. Edmond Charlot tente une aventure parisienne. Le sculpteur Paul Belmondo (1898-1982) avait lui aussi choisi s’était installé Paris dans les années 30. Jean-Michel Atlan, peintre originaire de Constantine, était parti pour la capitale sans même passer par Alger. Après avoir évité de partir dans les camps de concentration, il fit une très grande carrière parisienne. Maurice Adrey14, quitte Oran pour Paris et n’’arrivant pas à trouver sa place, il se suicide. Son ami Camus, bouleversé fait écho de ce drame dans ses CarnetsRené-Jean Clot (1913-1997), rejoint  lui aussi à Paris et poursuitune carrière plus littéraire qu’artistique. Jean Simian (1910-1992 devient parisien et peu après Pelayo, Jean Peyrissac (1895- 1974), Louis Nallard et Maria Manton, devenus non figuratifs partent avec le graveur Marcel Fiorini rejoindre les artistes parisiens.

Les peintres et les écrivains continuent à se fréquenter. En mars 1948, une manifestation très importante dans les relations entre écrivains et peintres français et algériens eut lieu non loin d’Alger dans les gorges de la Chiffa. Le directeur général des services des Mouvements de Jeunesse et d’Éducation Populaire, Monsieur Charles Aguesse avait chargé une de ses collaboratrices Christiane Faure, sœur de Francine Camus, d’inviter des artistes peintres et écrivains résidant en métropole à séjourner pendant deux mois dans un hôtel désaffecté transformé en centre éducatif : l’hôtel Sidi Madani15. Et c’est dans cet établissement que séjournèrent Camus, Francis Ponge, le sculpteur Damboise, Louis Guilloux etc....C’est à l’occasion de ces séjours que les artistes installés en Algérie, comme Louis Bénisti, Sauveur Galliero, Jean de Maisonseul, Simon Mondzain, Mohamed et Omar Racim, Emmanuel Robles, Mohamed Dib, Edmond Brua, Jean Sénac, El Boudali Safir rencontrèrent les prestigieux pensionnaires.

En 1946, à l’initiative de la revue parisienne Lélian, du nom d’un personnage de Verlaine, Sénac fonde avec Geneviève Baïlac16, le cercle artistique et littéraire éponyme. Sénac délaissera ce cercle après son hospitalisation au sanatorium de Rivet (Meftah aujourd’hui). C’est Jean-Richard Smadja qui prit la suite de Sénac et organisa des expositions originales. C’est ainsi qu’il réunit un certain nombre d’artistes pour exposer dans la villa d’une riche amatrice d’art. Il installa une galerie dans une cave de la rue Michelet et organisa une importante exposition d’Arts composée des pièces de la collection de Robert Randau, il exposa aussi Galliero et surtout Bénaboura. Il fit aussi une exposition d’art sacré original puisque les trois religions monothéistes y e étaient présentes dans les œuvres exposées. Smadja disparut d’Alger dans les années 50 et le Cercle Lélian cessa d’exister

Dans les années 50, des revues littéraires et artistiques voient le jour. Après Rivages que Charlot avait éditée avant-guerre et qui n’eut que deux numéros. Fontaine de Max-Pol Fouchet et l’Arche de Jean Armrouche revues nées à Alger qui terminèrent leurs carrières à Paris. Forge dirigée par Robles et Safir eut une existence éphémère. En 195O, Sénac crée la revue Soleil, revue à vocation littéraire et artistique. Soleil devait paraître jusqu’en 1952, la couverture est dessinée par Galliero (1914-1963). Des peintres comme Galliero, Baya, André́ Acquart17(qui sera plus tard un célèbre décorateur de théâtre), Bachir Yelles16, Jacques Houplain17, Orlando Pelayo20, Jean de Maisonseul, Marcel Bouqueton illustrent la revue de leurs dessins. En 1953 Soleil disparaît et laisse la place à Terrasses. La parution de cette revue créée par Sénac et qui n’aura qu’un seul numéro fut un évènement considérable dans la vie littéraire et artistique de l’Algérie. On a oublié que Retour à Tipasa de Camus ouvrait cette revue aux cotés de textes d’écrivains aussi divers que Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, Emmanuel Roblès, Jean Daniel, Kateb Yacine, Jacques Lévy, Francis Ponge. Ce numéro fut une véritable anthologie de la littérature d’Algérie.

Vers la fin 1950, Charlot21 après les déconvenues de ses aventures parisiennes, retourne à Alger et ouvre une librairie rue Michelet qui prit le nom de Rivages, du nom de la revue qu’il avait créée.  Dans cette nouvelle boutique, on ne rencontrait plus les personnalités aussi attirantes que celles que l'on croisait dans la petite librairie des Vraies Richesses à l'époque de sa création mais enfin Charlot réservait toujours à ses visiteurs un accueil aussi agréable, Il fit des expositions de peinture dans le sous-sol de cette librairie. C’est ainsi qu’il exposa les peintres de la revue Soleil puis Sauveur Galliero, Louise Bosserdet, le céramiste Maurice Chaudière, JAR Durand, Celui-ci exposa un chemin de Croix, qui devait inspirer les fresques qui lui étaient commandées pour l’église Sainte Rita à Belcourt. Charles Brouty exposa ses dessins sur Alger et avec l’aide de Rivages, publia sa série de dessins sous le titre, un certain Alger, préfacé par Emmanuel Roblès (1914- 1995). Orlando Pelayo, oranais devenu parisien fit une remarquable exposition dans cette galerie. De jeunes peintres métropolitains comme Jacques Burel ou Rollande installés à Alger montrent chez Charlot une peinture de qualité́. Ils exposent aussi des peintres et  sous l’impulsion d’Henri Caillet (1897-1959) se mettent à faire des peintures non figuratives : Marcel Bouqueton (1921-2006), Louis Nallard (1918-2016) et Maria Manton (1915-2003). La galerie Rivages étant trop exiguë̈ pour exposer des peintures de grande dimension, on., y exposait surtout des dessins et des aquarelles Les expositions de peintures de plus grandes dimensions se tenaient  au Nombre d’Or, boulevard Victor Hugo, à quelques mètres de la librairie Rivages et les visiteurs faisaient le va et vient entre les deux galeries s’arrêtant quelquefois au carrefour des deux rues à la Brasserie Victor Hugo, l’abreuvoir des deux galeries. Au Nombre d’or, il y eut les expositions de Assus, Tona, Bénisti, Sauveur Galliero, Sauveur Terracciano et bien d’autres...

Peu de temps après la parution de la revue Terrasses, Jean Sénac organisa au Nombre d’Or une exposition collective du 21 au 31 octobre 1953 qui eut un très grand retentissement. Participaient à cette exposition : Marcel Bouqueton, Hacène Benaboura (1898-1960), Baya (1931-1998), Louis Nallard, Maria Manton, Henry Caillet, Jean de Maisonseul, Jean Simian et Sauveur Galliero. Dans la préface de l’exposition, Jean Sénac dit : « Nous n’avons ni la naïveté́, ni la prétention de croire (...) à une École d’Alger mais nous sommes dans le feu de tendances dont il nous parait salutaire de distinguer les plus certaines. Nous affirmerons donc un parti pris, d’autant plus librement que seule la qualité́ plastique d’une expression et sa résonance dynamique dans le fait pictural contemporain ont provoqué́ ce choix. » Pour la première fois on exposait à coté́ d’artistes reconnus un peintre de la tradition de l’art brut : Baya 20(1931-1998), et un peintre que l’on pourrait qualifier de naïf : Benaboura, dont nous parlerons plus tard lorsqu’il obtiendra le Grand Prix Artistique de l’Algérie. Marguerite Caminat21 (ex MacEwan devenue Benhoura par la suite), s’occupait d’une petite fille nommée Baya. Celle- ci se mit à dessiner et devant la beauté́ des dessins de cet enfant. Marguerite lui fournit du papier et des couleurs et Baya composa des chefs d’œuvre. Par la suite Marguerite partit avec Baya à Paris pour la présenter à Picasso et à d’autres peintres. Au cours d’une exposition de Jean Peyrissac, Aimé Maeght, de passage à Alger pour s’occuper de la succession Bonnard, découvrit Baya et exposa ses œuvres dans sa galerie parisienne. Baya fit aussi des modelages et des sculptures polychromes que Madoura, céramiste de Vallauris, édita.

Vers 1954, Charlot déménage de nouveau. Il quitte la librairie qu’il avait rue Michelet à l’angle du Boulevard Victor Hugo pour s’installer dans la galerie passage en haut de la rue Michelet, à l'angle de la rue Claude Debussy. C’est à ce moment-là̀, que Charlot prit aussi possession d'un hall de commerce de la société́ Comte et Tinchant, hall dans lequel on pouvait organiser des expositions. Charlot s'occupait à la fois de la librairie de la rue Michelet et de l'organisation, deux fois par mois, d'expositions de peinture. C’est ainsi que Assus, Bénisti, Tona, Galliero, Jacques Burel (1922-2000), Rollande, Maria Moresca (1924-1995), Benaboura, Mohamed Bouzid, Claro (1897-1977), Caillet, Louise Bosserdet, Freddy Tiffou (1936-2002), François Fauck (1911-1979), Durand (qui faisait souvent tandem avec le sculpteur Chouvet), la sculptrice Nicole Algan22, le céramiste Maurice Chaudière exposèrent dans le hall de Comte Timchant. Il y eut aussi l’architecte Roland Simounet 24(1927-1996) qui exposa ses dessins d’architecture et une exposition des maquettes des décors de théâtre de l’Equipe théâtrale d’Henri Cordreaux (1913-2003), metteur en scène remarquable qui essayait de diffuser en Algérie les conceptions de Vilar. On a pu ainsi admirer les travaux pour le théâtre de Galliero, Roland Simounet, Marie Fontanel et surtout d’André́ Acquart, qui par la suite rejoignit Vilar.

       Comme Charlot à Alger, dirigeait à la fois une librairie et une galerie, Robert Martin à Oran25 exposait des peintres oranais comme Jean Launois, Maurice Adrey ou Abdelkader Guermaz, mais aussi des peintres algérois ou parisiens. La revue littéraire Simoun, dirigée par Jean-Michel Guirao rendait compte des activités culturelles oranaises

La guerre d’Algérie s’installe peu après la journée de la Toussaint rouge. Des artistes algériens comme Mohamed Issiakhem, Abdallah Benanteur ou Mohamed Khadda ont quitté l’Algérie pour Paris. D’autres artistes restent à Alger et continuent leurs œuvres contre vents et marées et l’on peut alors parler d’école d’Alger au sens où Camus la définissait, dans une conférence en 195826 « Quand je dis école, je ne veux pas dire un groupe d’hommes obéissant à une doctrine, des règles, je veux dire simplement un groupe d’hommes exprimant une certaine force de vie, une certaine terre, une certaine manière d’aborder les hommes. »

Si les artistes plasticiens travaillent avec les écrivains en illustrant les livres, où les hommes de théâtre en exécutant les décors de théâtre. Ils collaborent aussi avec les architectes77 Parmi les personnes qui avaient participé à Alger à l’aventure du théâtre de Camus à Alger, deux architectes s’étaient installés à Alger : Louis Miquel (1913-1987) et Pierre André Emery (1903-1982)  .. Ils seront rejoints par Roland Simounet. Ces architectes partagent les idées de le Corbusier et font partie du groupe des CIAM. Pierre-André Emery, qui avait déjà demandé à Marie Viton de faire les décorations de l’école de la rue Volta à Alger, demanda à Sauveur Galliero de faire les décorations de l’usine de l’Ouenza. Il demanda à Mohamed Bouzid de faire la décoration de la Préfecture de Tizi Ouzou à Abdelkader Guermaz celle de l’hôpital de Mostaganem et à Jean de Maisonseul de faire le vitrail du temple protestant d’Hussein-Dey. Simounet demanda à Galliero de faire les décorations de l’église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun.  Ces dernières décorations ne verront pas le jour.

Nous allons faire un tour d’horizons de différents artistes, qui pour la plupart exposaient chez Comte Tinchant.

Tout d’abord Sauveur Galliero28 (1914-1963) était une des figures les plus marquantes de l’ambiance artistique de l’époque. Il avait été remarqué par son professeur de dessin : Henri Chevallier.  Le jeune lycéen de dix-sept ans rencontrait les artistes dans la boutique de André Thomas- Rouault, il devait par la suite rentrer à l’école des beaux-arts. Camus fut un des premiers admirateurs de Sauveur Galliero et il préfaça sa première exposition à Paris17 : « Galliero s’est jeté́ dans la peinture comme on se jette à la mer... »). Il habitait la Casbah, ce qui était peu fréquent chez les Européens. Très généreux, il hébergea Jean Sénac et il initia ce dernier à la peinture. Il devait faire entrer le poète dans un milieu de peintres et d’écrivains amoureux du port d’Alger que l’on a appelé́ les artistes de la génération du môle et qui comptait Maisonseul, Bénisti, Benaboura, Brouty, Terracciano, Famin, Himoud Brahimi. . Burel écrivit à son propos : « On retrouve chez Galliero, quoique d’une toute autre manière la mélancolie de Dubuffet qui vient de la résistance de la matière à l’homme et de la victoire de celle-ci sur l’homme. ». Très généreux, il organisait aussi des expositions de jeunes peintres, c'est ainsi qu'il encouragea et exposa notamment chez Charlot des artistes comme Freddy Tiffou, Annie Ckzarneki, Mohamed Bouzid, Choukri Mesli, André Cardona, René́ Sintès... Bénisti raconte sa dernière rencontre peu avant son départ d’Alger : « L'annonce d'une maladie très grave dont Galliero venait d'être atteint sonna dans les rues d'Alger comme un évènement tragique et triste, nous étions consternes et nous savions Galliero perdu.. » Il disparaîtra dans un hôpital parisien au printemps 1963.

Henri Chouvet (1906-1987), le sculpteur, était un des leaders du groupe des artistes qui exposaient chez Charlot. Il faisait une sculpture assez sentimentale et humoristique et exposait souvent avec JAR Durand (1914-2001). En 1956, Edmond Charlot présentait l’exposition de Chouvet et Durand : « L’exposition à laquelle je vous convie ne comporte pas d’œuvres de "dessus de buffet". Il s’agit d’une exposition engagée, d’œuvres qui portent et qui souvent font mouche. Chouvet et Durand, chacun dans sa discipline, avec sa propre technique, poursuivent le même but, marchent dans le même sens, celui de l’humain. Je souhaite que chacune de ces sculptures, chacune de ces toiles vous fasse participer à la joie qui fut mienne à leur contact. »

Émile Claro (1897-1977), frère de l’architecte Léon Claro, peintre d’inspiration cézannienne, exposait aussi chez Comte-Tiinchant. Il avait compris l’atmosphère de la Casbah d’Alger. Il séjournait à Ibiza à une époque où l’île avait gardé́ son originalité́ et nous rapportait dans ses expositions d’excellentes peintures.

Oscar Spielman (1901-1973), d’origine tchèque, était passé par l’Académie Figuéras. Il faisait une peinture très influencée par l’Orient. Il y avait toujours dans un coin du tableau un chat, comme chez Balthus. Sa peinture s’apparentait à des peintres comme Kokoschka.

Mohamed Bouzid, (1929-2014) un instituteur originaire de Palestro (aujourd’hui Lakhdaria) nous fait partager ses visions de la vie paysanne de la Kabylie

Pierre Raffi (1919-1987), dont Bénisti avait fait le buste, exposait aussi à Alger. Lorsqu’il s’installa en France, il retint l’attention de Max-Pol Fouchet : « À regarder les œuvres de Pierre Raffi l’une des formes les plus subtiles de l’art révèle ses sortilèges et sa puissance...La réflexion de l’artiste est d’abord dans l’art de créer. Ici, non figuratif, le voici d’autre part révélateur du concret. Et toujours animé par ces deux forces : l’intelligence et l’émotion. »

Pierre Famin était un très bon peintre. Il se voulait ′′ gidien′′. On l’apercevait dans la boutique de son frère : l’atelier du Minaret. Jean de Maisonseul disait de lui : « Il est maitre de l’art de vivre et comme les anciens Chinois- un peintre. ». Il a compté́ parmi les artistes et écrivains de la génération du mole

Des peintres sont attirés par l’abstrait et quelques-uns commencent à professer leurs opinions picturales. Le premier qui s’est orienté vers l’abstraction fut Henri Caillet (1897- 1959). Il avait commencé́ par réaliser une peinture très influencée par les peintres de Montparnasse comme Othon Friesz ou Derain et puis vers 1940, inspirée par les peintres abstraits est devenu l’un des leurs.

Aux côtés de Caillet, il y avait Marcel Bouqueton, Louis Nallard29 et Maria Manton qui ont évolué́ vers l'abstrait, eux aussi. Au sortir de l'école des beaux-arts où ils avaient fait d'excellentes études réalistes, ils se sont tournés vers l’abstrait. Nallard a eu vers 1945, la chance d'être admis parmi les peintres exposant à la galerie Jeanne Bucher qui lui a signé́ des contrats, puis il prit la tête du Salon des Réalités Nouvelles, qu’il dirigea avec Maria Manton. Celle-ci poursuivit sa carrière à Paris aux cotés30 de son mari dans un style assez différent. Bouqueton fut leur complice. Bien qu’ils s’installassent à Paris, l’Algérie resta présente dans leurs œuvres. Une critique hollandaise Marike van der Knaap, présentant leur exposition commune de 1993 à Hertogenbosch (Bois le duc) disait à propos d’eux : « Est-il possible que les sources de leurs œuvres se situent en Algérie plus qu’ils ne se rendent compte eux-mêmes ? Albert Camus, (...) donnent peut-être la réponse dans une caractéristiques de son pays natal : L’Algérie, pays à la fois mesuré et démesuré́. Mesuré dans ses lignes, démesuré́ dans sa lumière. »    

Maisonseul qui n’avait pas encore trouvé ses moyens d’expression définitifs, s’est mis vers 1945 à l’abstraction avec un très grand bonheur. En 1958, il exposa à Paris à la Galerie Lucie Weil. Albert Camus préfaça cette exposition.

Plus tard JAR (Jean-Aimé -Roger) Durand (1914-2001) et son jeune ami René́ Sintès se sont aussi mis à la peinture non figurative. JAR Durand, originaire de Bordeaux, avait été mobilisé en Algérie, il se maria avec une algéroise et, démobilisé́, resta en Algérie. D’abord attiré par les paysages et les marines, il composa  toute une série d’études sur les pêcheurs de Bou Haroun. Il ne tarda pas à devenir abstrait, lui aussi.

René́ Sintès 31(1933-1962) qui était instituteur, s'était mis à peindre sous les conseils de ses amis Jean de Maisonseul, JAR Durand, Benanteur. Il peignait aussi bien le jour que la nuit. Il habitait un petit appartement  dominant la baie d’Alger et c'est en regardant les reflets dans l'eau du port d'Alger, que René́ Sintès a tiré́ le maximum de ses peintures abstraites dans lesquelles on devine les reflets dans l'eau, les lumières du port ou le ciel et les nuages. C'était un très bon peintre, qui a apporté́ à la peinture algéroise, un œil nouveau et qui aurait certainement fait une très belle carrière si à la fin des évènements d'Algérie, il n'avait pas disparu dans une embuscade.

On ne peut parler d’Alger sans parler de Brouty (1897-1984). Brouty se définissait non pas comme un peintre mais comme un journaliste. Louis Bénisti rapporte : « Brouty était un solitaire et un solitaire qui ne fréquentait pas du tout les peintres algérois. Quand par la suite, j’ai pu rencontrer Brouty et avoir une conversation avec lui, bien après l’indépendance de l’Algérie, Brouty nous a expliqué́ gentiment sa position. Il m’a dit : « Moi, à un certain moment j’ai absolument abandonné la peinture, quand j’ai perdu Launois qui était pour moi un mentor, j’ai abandonné́ la peinture et je suis devenu un journaliste. Un reporter qui faisait des reportages dessinés sur l’Algérie au lieu de faire des reportages par écrit, j’étais donc un journaliste, je n’étais plus un peintre et je n’avais pas à fréquenter le milieu artistique de cette époque-là. espagnol, son caractère français, son caractère arabe et la naissance de cette affection que la population avait pour la mer Méditerranée et les bains de mer dans la Méditerranée. . Brouty dans les années 30 s’était laissé aller à de vieux clichés de l’Algérie coloniale s et après la guerre, il s’est ressaisi par la fréquentation de gens comme Charlot, Roblès ou Mouloud Feraoun (1913-1962) et il s’est mis notamment à faire un très bel album sur Alger, préfacé́ par Roblès et a illustré́ un recueil de Mouloud Feraoun sur la Kabylie (Jours de Kabylie). Il illustra aussi les Fables Bônoises de Edmond Brua (1901-1977) et Jeunes Saisons de Emmanuel Roblès.

En 1957, en même temps qu’Albert Camus recevait son Prix Nobel, le peintre Hacène Benaboura32    fut récompensé enfin par le Grand Prix Artistique de l’Algérie. Peut-être que le jury de ce prix, souhaitait-il, en pleine guerre d’Algérie, favoriser un artiste musulman. Il n’empêche que Benaboura méritait ce prix. On connaissait les peintures de ce peintre que Famin avait exposées dans l’Atelier du Minaret et celles de cette fameuse exposition de groupe organisée au Nombre d’or en 1953 par Sénac et la revue Terrasses... C’était avant tout un peintre du port et de la ville. Le port d’Alger est très difficile à traiter pour un peintre, il y a excès de lumière. Bénisti rapporte : « Nous avons été d’abord impressionnés par les peintures de Benaboura, avant de connaitre le personnage. C’étaient des peintures qui, généralement, représentaient le port d’Alger. Alors dans sa naïveté́, Benaboura avait une manière tout à fait vraie et tout à fait charmante de représenter la qualité́ subtile de l’eau du port d’Alger. L’eau du port d’Alger à cette époque- là était très difficile véritablement à rendre dans sa vérité́ et personnellement je connais seulement deux peintres qui ont véritablement rendu cette ambiance calme et mystérieuse du port d’Alger, c’est Marquet et Benaboura. » Port d’Alger, ruelles de Belcourt et de la Casbah, Bénaboura savait aussi traiter la blancheur de sa ville, et l’Alger de Bénaboura pouvait faire penser au Paris d’Utrillo ou de Vivin. Au cours de conversation, Bénaboura confiait ses réflexions. : « Moi, je suis peintre et je suis peintre par jalousie, oui, oui, oui, je suis peintre par jalousie. Moi, peintre en carrosserie, un jour, j’ai vu au cimetière d’El Kettar où je me promenais, j’ai vu un homme qui avait posé́ le chevalet et qui avait posé́ la toile et qui faisait la peinture du cimetière d’El Kettar, alors j’ai regardé́ ce peintre, je me suis approché et j’ai vu qu’il peignait et j’ai dit moi, peintre en carrosserie, je peux faire la même chose et je suis devenu jaloux, alors, je me suis approché du peintre et je lui ai dit : Monsieur, Cher Maitre, qui êtes-vous ? Il se tourna vers moi et me dit : Je suis le Maitre De Buzon Ah ! Bon ! C’est parce que j’ai été jaloux du Maitre De Buzon que je me suis mis à faire de la peinture sur la toile et quand j’ai fait de la peinture sur la toile, elle a été aussi solide que la peinture que je faisais sur les carrosseries ». Pour honorer ce peintre d’Alger qui avait eu le grand prix. Charlot et ses amis organisèrent un hommage au restaurant des Sept Merveilles, hommage imitant celui que Picasso et Apollinaire avaient fait au Douanier Rousseau. Louis Bénisti, présent à ce diner raconte : « Le frère de Jean Armrouche assistait à ce repas et il n’était pas le seul à vouloir mettre Benaboura en boite ; il interpella le peintre : « Mais, Monsieur Benaboura, Cher Maitre, dites –nous quelle est cette femme que j’ai aperçue sur une de vos peintures assises sur le banc de la place d’Armes de Blida ? » Et Benaboura s’est levé́ et a dit : « Mais Monsieur Armrouche, cette femme que j’ai peinte sur les bancs de la place de Blida, c’était une blidééne » Armrouche en était pour ses frais. » La dernière fois que nous avons vu Bénaboura, c’était au printemps 1960, dans la salle du Crédit Municipal où le peintre avait lui-même organisé son exposition. On rentrait dans la salle, et sur une affichette on pouvait lire : « Pour toute commande ou pour tout achat d’une peinture, on est prié de verser des ARTS et le mot arrhes était écrit A.R.T. » L’exposition était annoncée par une petite banderole au niveau de la salle du Crédit Municipal, où il y avait écrit : « L’art naïf vu par un enfant d’Alger. Bénaboura devait nous quitter peu après en 1961, renversé par une motocyclette.

Simon Mondzain33 (1890-1979), s’était installé́ à Alger et faisait une peinture très honnête. Il avait comme Soutine quitté son pays natal pour cause d’antisémitisme et était arrivé à Montparnasse vers 1920. Il avait naturellement connu Modigliani, Max Jacob, Derain, Picasso et avait des tas de souvenirs à nous conter lorsqu’on le rencontrait. Vu  sa connaissance qu’il avait des milieux parisiens, il importait à l’intention de collectionneurs algérois, des tableaux de maitres  maîtres parisiens. On l’avait surnommé l’ambassadeur de Montparnasse.

Sauveur Terracciano (1908-1981), ami intime de Bénisti, de Bernasconi et de Tona était un enfant de Belcourt. Fils d’un tonnelier napolitain, il avait été élève, comme Camus, de Monsieur Germain à l’école de la rue Aumerat et était un amoureux de la mer. Très attiré par les remorqueurs du port d’Alger, il faisait une peinture de bonne tenue. Partageant sa vie entre la peinture, l’usine à gaz où il travaillait et son bateau qu’il avait presque construit lui-même et qui n’avait fait que des ronds dans l’eau entre Alger et La Pérouse. Navigateur de rêve, il racontait toujours des histoires de marins, et lorsqu’il prit sa retraite à Toulon, il eut finalement l’occasion de réaliser une traversée de l’Atlantique sur le bateau d’un riche yachtman

À la fin de l’année 1961, la librairie de Charlot est plastiquée. Charlot interrompt alors ses activités de libraire et de galeriste et s’entretient avec les peintres à Radio Alger. La galerie Comte Tinchant cesse ses activités, et face à l’actualité́ pesante, la vie artistique s’interrompt. Une des dernières expositions fut consacrée aux œuvres des peintres amis de Camus. Elle eut lieu en avril 1961 pour l’inauguration du Centre Cultuel d’Orléansville (devenue El Asnam puis Chlef) bâti par Louis Miquel et Roland Simounet et qui devait prendre le nom de Centre Culturel Albert Camus. Dans le hall du centre il y avait des peintures et sculptures de Assus, Bénisti, Clot, Galliero, Caillet, Nicole Algan, Jean Degueurce33, Damboise, Marie Viton, Maurice Girard, Thomas-Rouault, Etienne Chevallier, etc. Exposition éphémère car elle ne dura qu’une seule journée.  

 

                                                                       Jean-Pierre Bénisti

                                                                       Août 2021

 

NOTES
 

  1. Voir : Albert Camus : Armand Assus Alger-Étudiant n°174   mars OC Tome 1p.5571934 .et André Assus ; Armand Assus. Préface de Emmanuel Roblès. Éditions Porte du sud 1979
  2. André Benjamin-Constant (1878-1930), était bibliothécaire et aussi libraire à Alger, il publia des recueils de poèmes sous le pseudonyme d’André Baine, notamment   « Vierge univers. « (Éditions José Corti)
  3. Louis Bernasconi : Voir Danièle Richier : Louis Bernasconi, mon oncle, artiste-peintre algérois. 2005
  4. Louis Bénisti : voir Albert Camus ; À propos du salon des Orientalistes. Alger-Étudiant n°172 14 janvier 1934 p.2 repris dans Œuvres complètes OC Tome I p 152 et Jean Sénac : Visages d’Algérie Louis Bénisti Oran républicain 1947 repris dans Jean Sénac Visages d’Algérie. Éditions Paris -Méditerranée, 2002. Sur l’Académie Figuéras, voir Louis Bénisti : On choisit pas sa mère. L’Harmattan. Paris, 2016.
  5. Voir Albert Camus : les Abdeltif Alger-Étudiant n°177 (OC I) et Élisabeth Cazenave : Élisabeth Cazenave Albert Camus et le monde de l’art. Atelier Fol’fer, 2009 voir aussi Marion Vidal-Bué et Alger et ses peintres et L’Algérie des peintres éditions Paris Méditerranée, 2000 et 2002. L’école d’Alger1870-1962) Collection du Musée National des Beaux-Arts d’Alger. Catalogue de l’exposition du musée de Bordeaux de 2003. Préface d’Alain Juppé.
  6. Jean Launois (1998-1942) est un peintre né en Vendée, venu à Alger comme pensionnaire de la villa Abdeltif et qui s’est ensuite installé à Oran. Il a été avec Marquet, l’un des plus importants peintres de l’Afrique du Nord. Jean Grenier disait : « Dans l’histoire de l’art français inspiré en Afrique du Nord, il y a une période avant Launois et une période après lui. »)
  7. André Hébuterne (1894-1992), surtout connu pour être le frère de Jeanne Hébuterne, compagne de Modigliani
  8. André Bourdil (1911-1992)  a été l'époux de Taos Amrouche, sœur de Jean Amrouche avec qui il a eu une fille l'actrice Laurence Bourdil. Il fut l'ami d'André Gide dont il fit le portrait
  9. Émile Sabouraud (1900-1998) est le fils de Raymond Sabouraud, dermatologue célèbre- ayant travaillé sur les champignons poussant sur la peau et les muqueuses comme le champignon de la teigne ou le Candida Albicans responsable du muguet- qui était aussi sculpteur. Sa sœur était la femme de Jean de Brunoff, auteur des albums du Roi Babar. La famille de Brunoff est une illustre famille dont fait partie le biologiste Etienne Beaulieu, qui a découvert la pilule abortive (EU 486) et le ministre Vincent Peillon
  10. Le sculpteur Marcel Damboise (1903-1992), qui à Paris avait travaillé dans l’atelier de Maillol revint à Alger après la guerre. À la mort de Camus, il réalisa son buste d’après des documents photographiques.
  11. Richard Maguet (1896-1940), qui a été l’une des premières victimes de la guerre.  Il fut abattu lors d’un bombardement à Sully-sur-Loire. Jean Grenier lui rendit hommage en septembre 1941 dans la revue Fontaine: « Il avait une parenté avec Chardin, sa palette était différente, l’esprit était semblable (...) Rien d’éclatant dans la couleur, mais une atmosphère
  12. Pierre-Eugène Clairin (1897-1980) illustra les œuvres de Camus dont la Femme adultère
  13. François Caujan (1902-1945) sculpteur. Ses œuvres (dont certaines sont au Musée des Beaux-Arts d’Alger étaient admirées par Albert camus et Jean de Maisonseul.
  14. Maurice Adrey : (1899-1950) peintre oranais ami de Francine et d’Albert Camus. Ami de Jean-Paul de Dadelsen et de Jean Daniel, avec qui il participa à la libération de Paris. Il mit fin à ses jours en 1950. Voir Carnets I de Camus (OC IV p1089) et Jean-Paul de Dadelsen : Jonas. Gallimard, 1962
  15. Jean-Claude Xuereb : Sidi Madani in Camus, Char en commune présence. Rencontres de Lourmarin 2000. Éditions Folle Avoine. 33137. Beset. 2002 et Jean Dejeux : Les rencontres de Sidi Madani (Janvier, février, mars 1948) Revue de l’Occident et de la Méditerranée. Année   1975    Volume   20   N° 20 pp. 165-17
  16. Geneviève Baïlac (1922-2019), avait une troupe théâtrale le CRAD (Centre Régional d’art dramatique et créera un spectacle inspiré du folklore algérois la Famille Hernandez.
  17. André Acquart (1922-2016)Voir André Acquart, architecte de l’éphémère par Jean Chollet Actes Sud, 2006.
  18. Bachir Yelles, (1921-2022) deviendra après l’Indépendance de l’Algérie le directeur de l’École nationale des Beaux-Arts
  19. Jacques Houplain (1920-2020) Voir Gut Basset : Jacques Houplain Revue l’Écho des rencontres, n°20 août 2021.
  20. Orlando Pelayo. (1920-1990) peintre espagnol originaire des Asturies, qui s’est réfugié en 1939 à Oran, ami de Camus, de Roblès et de Sénac. Il fit des portraits de Camus et de Jean Grenier. Il participa aux Œuvres illustrées de Camus (Récits et théâtre) publiées en 1958 aux éditions Gallimard en illustrant l’Exil et le royaume. Voir Jean Sénac : Visages d’Algérie. op.cit.
  21. Sur Charlot, on peut se reporter à l’ouvrage de Marcel Puche : Edmond Charlot, éditeur, Pézénas, éditions Domens, 1995, au film de Geoffroy Pyère de Mandiargues et Frédéric-Jacques Temple : Alger au temps des vraies richesses1992 et celui de Michel Vuillermet : Edmond Charlot, éditeur algérois, 2005. (Réalisé pour l’émission Dossiers de l’histoire - FR 3) Voir aussi : Jean-Pierre Bénisti : Edmond Charlot et les peintres. Revue l’Ivresque, revue littéraire algérienne n° 38 février-mars 2015. Numéro spécial consacré à EdmondCharlot pour le centenaire de sa naissance, dirigé par Hamid Nacer-Khodja.Voir aussi Jean-Pierre Bénisti : À propos de Camus de la trêve civile et de Sénac. L'Harmatan.2023)
  22. Baya voir Jean de Maisonseul Baya la magicienne. Révolution Africaine. 1963
  23. Marguerite Caminat (1903-1987) marié d’abord à Franck Mac Ewan, puis à Mohamed Benoura, découvrit le talent de Baya. Elle était la tante de Mireille de Maisonseul.
  24. Nicole Algan 1925-1986) : sculpteur, modèle et élève de Derain, amie de Camus, vint en Algérie en 1957, pour enseigner la sculpture au sein des mouvements de jeunesse.   Voir Albert Camus : Carnets III
  25. Roland Simounet (1927-1996) Architecte algérois qui a bâti entre autres le Musée de Villeneuve d’Ascq (Lille-Métropole) et le Musée Picasso de Paris.Voir Camus et les architectes Jean-Pierre Bénisti : À propos de Camus de la trêve civile et de Sénac. L'Harmatan.2023)
  26. Robert Martin (1915-2002) a soutenu les artistes oranais et algérois. IL devint galeriste à Paris après l’Indépendance de l’Algérie.
  27. En novembre 1958, Camus participa à une réunion amicale à l’association l’Algérienne et tint des propos que l’on a pu entendre dans les disques " Présence de Camus. « Édité par Lucien Adès en 1966. Les auditeurs de France-Culture ont eu depuis souvent l’occasion de réentendre ces propos. Voir Bulletin de la SEC n° 65, janvier 2003.
  28. Voir : Jean-Pierre Bénisti : Camus et les architectes d’Alger. Présence d’Albert Camus. Revue publiée par la Société des études camusiennes p.82 N°6 -2014
  29. Sauveur Galliéro (1914-1963) Voir Albert Camus : Préface à l’exposition de Galliero. Voir Les peintres amis de Camus, catalogue de l’exposition de Lourmarin en 1994. Et Jean Sénac : Visages d’Algérie. L’article n’a pas été repris dans les Œuvres complètes (Pléiade) de Camus
  30. Louis Nallard voir Pierre Descargues. Louis Nallard. Ides et Calendes. Neuchâtel 1999 
  31. René Sintès (1933-1962) peintre algérois, assassiné (probablement par l’OAS) en mai 1962.voir Algérie-Littérature-Action n°173-176, sept-déc. 2013
  32. Benaboura Voir Jean de Maisonseul. L’art naïf d’un fils d’Alger. Révolution Africaine. 1963
  33. Simon Mondzain (1888-1979) voir Jean Guéhenno : Simon Mondzain. Collection Les peintres nouveaux. Gallimard .1931
  34. Jean Degueurce (1912-1962) peintre ami de Camus, Bénisti, Miquel etc.. Collabora au théâtre du Travail. Il hébergea Camus dans son chalet de Lucinges (Haute-Savoie), près de Genève. Ce chalet se nommait le Château des Affamés. Voir : Albert Camus : Correspondances avec ses amis Bénisti 1954-1958. Bleu Autour, Saint –Pourçain p.101-105.

 

 

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 10:22

Avant d'aller voir l'exposition présence arabe au Musée d'Art Moderne, deux articles anciens de Jean-Pierre Peroncel-Hugoz (Le Monde, avril 1973) et de Bruno Etienne (Libération, septembre 1984)

Sur les relations culturelles franco-algériennes
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4 avril 2024 4 04 /04 /avril /2024 08:33

        En 1974, mes parents, ayant quitté Alger s’étaient installés à Aix-en-Provence. Moi,  je continuais à Grenoble des études de pédiatrie. Début avril, je partis à Paris pour passer quelques jours de vacances chez mon ami Emmanuel J qui dirigeait un foyer de jeunes travailleurs. Un matin, Emmanuel J me dit : « Il s’est passé un évènement important cette nuit : Pompidou est mort. » Nous savions Pompidou malade et par indiscrétion, j’avais su qu’il souffrait de la Maladie de Waldenström, sorte de cancer de la moelle osseuse. D’autres chefs d’état : Boumediene, le Shah d’Iran et Golda Meïr moururent de cette même maladie. Le Professeur Jean Bernard avait dit que s’il y avait deux chefs d’état de plus, atteints de cette affection, on serait autorisé à entreprendre une étude scientifique sur la relation entre le métier de chef d’état et la maladie de Waldenström.

       Brassens chantait à l’époque que les morts étaient tous des braves types. Cela est vrai, mais je dois dire que si je n’étais pas en accord avec le parti de Pompidou, l’UDR, j’ai toujours eu de la sympathie pour ce président qui était un honnête homme. La radio et la télévision ne diffusaient que de la musique classique, comme si cette musique était une musique de deuil. Dans la rue, la ville restait semblable à elle-même. Les jours suivant Chaban et Edgar Faure déclaraient leurs candidatures de façon assez précipitée. Je devais suivre à la télévision la messe célébrée à Notre-Dame, qui se déroulait comme celle de De Gaulle en 1970. Le principe d’une telle messe officielle est tout à fait contraire avec les principes de laïcité de la République française. En 1996, il y eut aussi une messe pour Mitterrand.

       Tous les chefs d’État importants étaient présents et beaucoup étaient en fin d’activité : Nixon devait démissionner peu de temps après pour cause de Watergate et Willy Brandt, en raison d’une affaire d’espionnage. Je pensais que si un fou avait l’idée de bombarder Notre-Dame, les nations du monde entier seraient en deuil et ils pourraient, à cette occasion, mettre fin à leurs rivalités.

       Poher assurait de nouveau l’interim de la présidence et comme le disait un des personnages de la pièce en alexandrin écrite par Bernard Kouchner et Michel-Antoine Burnier : les Voraces : Poher à force de faire les intérims finira bien par faire un septennat.

       Rentré à Grenoble, je retrouvais les camarades se disputant au sujet des prochaines présidentielles. Mitterrand venait de se déclarer et l’on attendait la candidature de Giscard. Giscard avait choisi Chamalières, la banlieue cossue de Clermont-Ferrand, pour annoncer sa candidature. La télévision avait retenu de ce personnage sa prestation à l’accordéon de : Je cherche fortune tout autour du chat noir. La victoire de la gauche semblait difficile mais pas impossible. Beaucoup de gens de gauche se seraient accommodés d’une victoire de Chaban, car c’était un démocrate très orienté sur les questions sociales. Il avait d’ailleurs des conseillers remarquables, proches de la gauche : Jacques Delors et Simon Nora l’avaient aidé à rédiger les lois sur la formation permanente. Mais tous les gens de droite et les réactionnaires se tournaient vers Giscard. Il était considéré comme plus compétent que Chaban et tout en ayant été ministre de De Gaulle ou de Pompidou, il avait pris ses distances vis-à-vis de ces présidents. Voilà que Lecanuet, un homme politique tout à fait sans intérêt se prétendant du Centre, mais qui était tout simplement de droite se rallie sans conditions à Giscard et voici que Jacques Chirac essaie de saboter la candidature de Chaban.

        Je vis Mireille et Paul, .mes oncles et tantes. Ils avaient confiance en Giscard, tout comme d’ailleurs Lucien et Jeanne, autres oncles et tantes.

       La campagne électorale battait son plein. Poher assurait les fonctions de président et l’on disait tous qu’à force d’assurer les intérims, il finirait bien par faire un septennat. André Malraux vint à la télévision pour soutenir Chaban et fit une prestation inintelligible. Malraux était connu pour avoir des tiques et les cameramen de la télévision ont su insister là-dessus. À chaque tique, des voix passaient de Chaban à Giscard. Giscard a dû envoyer des boites de chocolat à ces cameramen.

        La candidature Chaban se marginalisait. La droite dans son ensemble rejoignait Giscard. Des personnes de gauche, inquiètes du soutien apporté à Mitterrand par les communistes et du sort tragique de l’Unité Populaire de Salvador Allende au Chili, rejoignaient aussi Giscard. L’affaire Soljenitsyne nourrissait la méfiance de beaucoup d’entre nous vis-à-vis des communistes. On parla même de menaces d’invasion de la France par l’Armée Soviétique, vieille rumeur entretenue depuis la fin de la guerre.

       Il y eut des candidatures accessoires : Jean-Marie Le Pen, connu pour ses sentiments nationalistes, sortit son catéchisme anti-émigrés. Royer, le maire de Tours, axa sa campagne sur la défense des bonnes mœurs. Ses réunions furent l’objet de chahut. On vit au cours d’une de ses réunions, une fille se dénuder et exhiber ses seins. L’orateur resta impassible. Arlette Laguiller fut la première femme candidate et fit une campagne honorable. René Dumont, ce sympathique professeur, fut le premier candidat écologiste. Je l’avais entendu récemment à Aix. Il préconisait non seulement de lutter contre les pollutions mais aussi contre le gaspillage des riches entraînant la pénurie pour les pauvres.

Je devais aller à un meeting du Parti communiste avec Jacques Duclos, un orateur extraordinaire avec son accent pyrénéen et ses bons mots. Il devait mourir l’année suivante.

Vers cette époque, le Cardinal Daniélou mourrait d’une crise cardiaque au domicile d’une soi-disant danseuse. Cela rappelait un autre Président de la République terrassé dans les bras d’une maîtresse dans une chambre d’hôtel minable. Quand le médecin appelé au chevet du président demanda au valet de chambre si le Président avait toujours sa connaissance. On lui répondit qu’elle venait juste de quitter l’hôtel.

Le premier tour donna les résultats que l’on sait avec Mitterrand arrivant en tête, mais sans réserve de voix pour le second tour et Giscard en second, mais avec des réserves de voix. L’entre deux tours fut pénible. Le débat télévisé Giscard-Mitterrand tourna à l’avantage de Giscard avec sa sortie : « Vous n’avez pas le monopôle du cœur. » 

Ce qui était remarquable, c’est que Giscard, comme Mitterrand, étaient appréciés aussi bien par leurs partisans que par leurs adversaires, les considérant comme des hommes politiques de talent.

      Je reçus une lettre circulaire qui s’adressait aux médecins et qui appelait les médecins à apporter leurs suffrages à Giscard. Je me suis aperçu que les adresses étiquetées sur l’enveloppe postale étaient de même nature que toutes les adresses étiquetées des courriers de l’Ordre des médecins. L’Ordre des médecins avait prêté son carnet d'adresse. Il y avait de quoi saisir la justice sur les agissements partisans de cet ordre professionnel

 

      Le vendredi avant le second tour, j’étais à Grenoble, ville où Mitterrand devait faire son dernier meeting. Je rejoignis le Palais de Glace vers dix-huit heures, alors qu’il ne devait parler que vers vingt heures. Je rencontrais un copain qui me dit : « Et si entre les deux tours, l’un des deux candidats décédait ? » Je réfléchissais et je pensais que cette éventualité n’avait pas été étudiée. Cette élection du président au suffrage universel fut un rajout à la Constitution de 1958, conçue essentiellement pour De Gaulle. De Gaulle n’avait pas imaginé pouvoir être en ballottage et n’aurait pas modifié sa constitution, s’il avait pensé à cette éventualité. Les Français dans leur ensemble ont apprécié cette forme d’élection. Nous étions tous joyeux, car si nous étions loin d’êtres sûrs d’une victoire de la Gauche, la campagne avait été fructueuse et avait remonté le moral des électeurs. En attendant notre « futur » président, nous avons eu droit à un petit récital de Juliette Gréco, arrivée avec sa robe noire et une rose à la main, qui nous chanta le petit poisson et l’accordéon. Le Président Mendès-France devait arriver sous les applaudissements et prendre place au premier rang. Vers vingt heures, Mitterrand arriva , entouré d’une armée de gorilles, de photographes et de journalistes. Nous sentions que le monde entier nous observait. Mitterrand fit un discours enthousiaste, mais semblait loin de tenir la victoire pour acquise, ce qui donnait à la réunion un petit parfum de mélancolie. La soirée devait se clôturer par une Marseillaise que nous avons tous chantée. Il n’y eut pas d’Internationale, sans doute pour ne pas effrayer les électeurs modérés.

        Le lendemain, je suis  arrivé à Aix et j’ai voté le dimanche 19 mai. J’étais domicilié à Aix chez mes parents et je votais dans cette ville. Le soir nous avons été chez les P. pour voir les résultats à la télévision. Mitterrand avait été battu par un nombre très réduit d’électeurs. Le coup d’état au Chili et l’affaire Soljenitsyne ont contribué à la victoire de Giscard. Les électeurs sont quelquefois frileux. Giscard commit sa première erreur en répondant en anglais à un journaliste américain et Mitterrand depuis Château-Chinon devait nous dire : « Je mesure votre tristesse à la mesure de votre espoir. » Il fallait donc se mobiliser pour les prochaines échéances.

         Entre les deux tours, il y eut un évènement important : le coup d’état militaire du Général Spinola devait renverser la dictature au Portugal et permettre la révolution des œillets qui instituera la démocratie et donnera l’indépendance aux pays de l’empire colonial portugais

En juillet, au festival d’Avignon, Mitterrand assista  à un spectacle et quand il pénétra dans la Cour d’honneur, il eut une grande ovation.

                                                                            Jean-Pierre Bénisti

 

Paris 1974, Photo JPB

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14 mars 2024 4 14 /03 /mars /2024 17:14

.Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Aragon

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