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10 décembre 2020 4 10 /12 /décembre /2020 19:49

 Souvenirs du 11 Décembre 1960   

 

    

                 La visite du Général en Algérie était annoncée pour le 9 décembre 1960. Les mouvements favorables au maintien de l’Algérie au sein de la République Française appelaient les Français d’Algérie à se mettre en grève et à manifester leurs hostilités à la politique de De Gaulle. Nous nous sommes réunis le 8 décembre au CEALD1  (Comité Étudiant d’Action Laïque et Démocratique), dont j’étais adhérant, pour définir notre position par rapport à cette grève. Devant le risque d’affrontements, il a été décidé de ne pas faire grève mais d’éviter tout affrontement avec les grévistes. Je me suis donc rendu au lycée le matin du vendredi 9 décembre. Il y avait peu de non-grévistes. Nous avions appris que des manifestations hostiles à la politique de De Gaulle avaient lieu et prenaient la forme d’une insurrection. Les forces de l’ordre encerclaient les bâtiments officiels. On craignait que l’armée, qui obéissait pour le moment au pouvoir légal, ne bascule du côté des insurgés. Il y eut quelques échauffourées et le Centre Culturel Américain a été mis à sac et transformé en « Centre Cul », le « turel Américain » étant ôté par les manifestants. J’ai appris que quelques jeunes dont H, un camarade de classe, qui avaient jeté des pavés dans la devanture du Centre culturel, avaient été arrêtés et incarcérés.  Dans la cour du lycée, j’ai rencontré Blanca2 et je lui ai fait allusion à la position du CEALD. Il me répondit de façon évasive et le lendemain je l’ai revu et il m’a dit : « Mais tu te rends compte, tu me parles librement devant tous mes collègues fascistes ! ». Inconsciemment, j’étais téméraire : l’être pour soi, c’est possible, mais il faut bien se garder de compromettre ses amis et son entourage et cela je ne l’ai compris que plus tard.

Cette insurrection des Français a tourné court, car de façon inattendue les Algériens se levèrent en masse et manifestèrent leur solidarité avec les combattants pour l’indépendance. Les manifestants ne pouvaient atteindre le centre-ville, car les forces de l’ordre en empêchaient l’accès. Les grandes manifestations se sont déroulées sur les hauteurs d’Alger, au Climat de France, près de la cité bâtie par Pouillon avec sa magnifique cour, (cité des colonnes), qui semblait avoir été conçue pour recevoir les manifestants - un autre forum, si l’on veut- à Dar el Maçoul, Birmandreis, le Ravin de la Femme sauvage, le Clos Salambier. Nous n’avions pas de télévision et nous nous sommes contentés d’entendre les reportages à la radio avec les commentaires d’un jeune reporter dénommé Jean-Pierre Elkabach. Nous entendions les slogans qui étaient scandés accompagnés par les youyous des femmes. Il y en avait d’acceptables : Algérie Indépendante ou Algérie Algérienne. D’autres étaient tout à fait inconvenants tel que : Algérie musulmane ou encore les pieds-noirs au crématoire. Et nous nous interrogions sur le désir réel de la population musulmane. Si les manifestants criaient Algérie musulmane, cela voulait dire que tous les chrétiens, les juifs, les athées et même les Algériens de parents musulmans mais ne voulant pas faire référence à leur religion d’origine, n’avaient pas de place dans ce pays et qu’il ne restait plus pour les non musulmans que de préparer les valises. Je minimisais ces inquiétudes en pensant que ces slogans étaient criés sans réflexion par une foule en colère. Tout cela nous interrogeait sur l’avenir du pays. De mon balcon, je vis passer des camions de parachutistes exhibant les drapeaux vert et blanc qu’ils avaient saisis chez les manifestants. Ces drapeaux avaient été confectionnés très vite et n’étaient pas frappés du croissant et de l’étoile rouge. Ils ressemblaient aux drapeaux vaudois des helvètes, mais ceux-ci n’étaient pas frappés de la devise : Liberté et Patrie. La tenue de ces manifestations nous interrogeait, il ne semble pas qu’il y eut beaucoup de Français d’Algérie égarés au milieu des manifestations pris à partie, blessés voire tués, il n’empêche que ceux qui ont traversé des cortèges, ont passé un fort mauvais quart d’heure. Un ami me racontait récemment qu’il s’était trouvé en voiture avec son père bloqué par les manifestants du côté du Ravin de la Femme sauvage et qu’ils n’étaient pas très rassurés. Il y eut aussi le saccage de la grande synagogue de la rue Randon : est-ce une opération voulue par le FLN, pour inciter les juifs à quitter le pays ou est-ce bien l’œuvre de jeunes voyous incontrôlés ? Mon père me disait qu’il ne fallait pas exagérer l’importance de cet acte, car une destruction de biens, furent-ils des édifices religieux, ne pèse pas lourd face aux destructions de vie.  Il y a des choses qui se sont déroulées au cours de ces journées dont on a peu parlé : les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes pour disperser les manifestants algériens, Ils ne l’ont pas fait vis-à-vis des manifestations Algérie Française et cela a été souligné par Jean-François Revel dans France Observateur, qui parlait de deux poids, deux mesures. On a vu avec émotion dans les journaux suivant ces manifestations, des photographies de manifestante brandissant le drapeau de l’indépendance à la manière de cette Liberté guidant les peuples de Delacroix. Mais cette jeune manifestante ne laissait pas son corsage tomber laissant apparaître un sein nu comme dans le tableau du Louvre.

Quelques jours après les manifestations, ma mère, qui était médecin, s’était rendue en visite auprès d’une jeune accouchée au Climat de France. La voiture qui la transportait en compagnie du mari de la cliente, a été agressée par des jeunes qui brandissaient des bâtons et des barres de fer. L’accompagnateur, qui était algérien, s’adressa en arabe aux jeunes et leur dit : « Visite Toubiba » Les jeunes se dispersèrent. Ma mère, qui avait un tempérament particulièrement anxieux, a été très affectée par la frayeur qu’elle a ressentie à la vue des manifestants.

Le conflit algérien venait de franchir un point de non-retour. Les Algériens avaient montré qu’ils étaient majoritairement pour leur souveraineté. Quelques jours après ces folles journées, nous avons été à la Galerie Comte-Tinchant où exposaient trois peintres qui travaillaient dans une démarche commune : JAR Durand, Jean de Maisonseul et René Sintès. Ce fut probablement la dernière expo que je vis dans cette galerie. Durand, qui ne dissimulait pas sa tristesse et nous dit : « C’est désespérant ! On ne sait plus où l’on va ! Je serais tenté de mettre la clé sous la porte et de foutre le camp. »

Notre tante Suzanne, sentant que l’Algérie allait devenir indépendante voulut se débarrasser des petits biens qu’elle possédait dans ce pays. Malgré les conseils de la famille lui demandant de reporter son voyage, elle vint à Alger pendant cette période troublée. Elle fut étonnée de voir les vitrines achalandées de produits de luxe pour Noël. Cela est normal, la vie continue. Les fêtes de Noël étaient particulièrement tristes cette année, d’autant plus que le couvre-feu n’avait pas été levé les soirs de réveillons.

À l’occasion du nouvel an, Sauveur, un ami de la famille, nous rendit la visite traditionnelle de bonne année qu’il avait l’habitude de rendre chaque année avec sa femme. On entendait les joueurs de boule qui jouaient dans le boulodrome situé sous notre fenêtre. Ils terminaient leur partie de pétanque en chantant sur un air connu (un ami vient de ma dire qu’il s’agit de sur les grands flots bleus :

Ah ! le bateau !

Le bateau, le bateau, le bateau !

Ah ! Qu’il était beau !

Le bateau, le bateau, le bateau !

Ce chant annonçait un prochain départ. Le bateau viendra un jour prochain, les prendre pour les emmener vers une autre rive, laissant à jamais leur terre natale.

Sauveur nous dit à propos de ces joueurs de boule : « Regarde-moi ces mecs  qui jouent à la pétanque ! Nous avons tendance à les considérer comme des abrutis. Mais c’est eux qui ont compris la vie, ils ont compris que la vie est un jeu de cons, alors ils essaient d’oublier cette évidence en tapant la boule. »

 

                                               Jean-Pierre Bénisti

 

  1. CEALD voir Jean SPRECHER : À contre-courant. Étudiants libéraux et progressistes à Alger 1954-1962 Bouchène. Paris, 2000
  2. Antoine BLANCA (1936-2016) étudiant en espagnol était en 1960 surveillant au lycée. II devint ambassadeur à Buenos Aires en 1984.
La Liberté guidant les peuples (Nouvelle édition)
La Liberté guidant les peuples (Nouvelle édition)
La Liberté guidant les peuples (Nouvelle édition)
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2 décembre 2020 3 02 /12 /décembre /2020 15:39

 

Il y a quarante ans le 2 décembre 1980, Romain Gary mettait fin à ses jours. Je republie à cet occasion ce qu'il avait écrit dans la Promesse de l'aube à propos de Camus. 

 

Dans la  Promesse de l'aube,  Romain Gary cite Camus :   

 Mon père avait quitté ma mère peu après ma naissance.

Parmi les lettres qui m'étaient parvenues à cette époque, il y en avait une qui me donnait les détails sur la mort de celui que j'avais si peu connu.

Dans sa lettre, sans doute pour me faire plaisir, il m'écrivait que mon père n'était pas arrivé jusqu'à la chambre à gaz qu'il était tombé raide mort de peur, avant d'entrer.

je suis resté longuement la lettre à la main; je suis ensuite sorti dans l'escalier de la N.R.F., je me suis appuyé à la rampe et je suis resté là, je ne sais combien de temps, avec mes vêtements coupés à Londres, mon titre de Chargé d'Affaires de France, ma croix de la Libération, ma rosette de la Légion d'honneur, et mon prix Goncourt.

j'ai eu de la chance : Albert Camus est passé a ce moment-là et, voyant bien que j'étais indisposé, il m'a emmené dans son bureau.

L' homme qui est mort ainsi était pour moi un étranger, mais ce jour-là, il devint mon père, à tout jamais."

 

Romain Gary : La promesse de l'aube, Chapitre XIV Gallimard 1960. Éditions Folio page 120

 

 

Le site Albert Camus de Facebook a publié aujourd'hui  un extrait d'une préface de ';édition américaine de la Peste par Romain Gary 

 

"Il est très difficile, curieusement, de se rappeler les paroles d’amis disparus ; c’est qu’on ne fait pas trop attention quand ils sont présents. Je me souviens du sourire de Camus et de la gravité de son visage – les deux expressions se succédaient parfois en quelques secondes – bien mieux que de sa conversation. Je n’ai jamais fait grand cas des paroles, de toute façon. Mais maintenant que sa voix s’est tue, les mots ne me font que mieux sentir à quel point elle me manque. Il me semble toutefois me rappeler qu’il disait… non en fait, rien de bien important. Juste qu’il est des vérités qui valent qu’on meure pour elles, mais aucune qui vaille qu’on tue en leur nom. C’est alors qu’il écrivit La Peste". ----

Romain Gary

Romain Gary fait un clin d'oeil à Camus (nouvelle édition)
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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 18:47

La douceur de l'anisette

 

 

La douceur de l'anisette

de Rosa CORTéS

C’est au temps de la Toussaint rouge et bien après la défaite des Républicains espagnols que se situe l’intrigue de ce livre. L’héroïne, une adolescente qui a suivi ses parents dans leur exil vers l’Algérie, raconte les péripéties qui ont jalonné sa vie, et celle de sa famille, durant les années cinquante. Voguant entre exaltations de la jeunesse et découvertes multiples, elle nous entraîne dans un Alger illuminé de mille soleils qui, pourtant, n’éteignent pas l’écho des drames à venir.

Cette tranche de vie et d’Histoire, qui va de 1956 à 1962, mêlée aux évènements décisifs et sanglants qui secouent le pays, nous est relatée par l’adolescente dans un récit drôle et poignant à la fois, servi par une écriture passionnée qui éclaire aussi bien la chute et la désespérance d’un peuple que l’émergence et les espoirs impatients de l’autre.

L’après-midi, je me réfugiais sous la tonnelle sur une chaise en fer ouvragé posée devant une table ronde aux pieds en esses. Tout était peint en vert et s’harmonisait étrangement avec la pâleur violacée des grappes de glycine qui croulaient de tous côtés quand elles fleurissaient. Ma mère s’inquiétait des abeilles par l’odeur alléchées mais mon père la rassurait. Et moi je m’immergeais sous la fraîcheur capiteuse de cet abri qui me paraissait idéal pour la lecture et la méditation. Je devenais une sève palpitante dans les lourdes senteurs vespérales.

 

17€

 

 

 

 

 

 

La couverture du livre reproduit un tableau de Louis Bénisti : le petit jardin vu d'en-haut. Ce tableau avait retenu l'attention de Jean Sénac qui disait dans un article d'Oran Républicain en juillet 1947 : " Dans le petit jardin vu d'en haut (...), le peintre crée avec des moyens très simples, très plastiques et des éléments lyriques familiers une harmonie subtile et vibrante d'ingénuité."  Voir Jean Sénac : Visages d'Algérie. Documents réunis par Hamid Nacer-Khodja.Paris-Méditerranée éditeur, 2002;

La couverture du livre reproduit un tableau de Louis Bénisti : le petit jardin vu d'en-haut. Ce tableau avait retenu l'attention de Jean Sénac qui disait dans un article d'Oran Républicain en juillet 1947 : " Dans le petit jardin vu d'en haut (...), le peintre crée avec des moyens très simples, très plastiques et des éléments lyriques familiers une harmonie subtile et vibrante d'ingénuité." Voir Jean Sénac : Visages d'Algérie. Documents réunis par Hamid Nacer-Khodja.Paris-Méditerranée éditeur, 2002;

Parution de deux livres ayant des peintures de Bénisti comme couverture

 

Pour commander notre dernière publication, "La douceur de l'anisette" de Rosa Cortés, 3 solutions :

1- Chez votre libraire préféré s'il pratique le "Clique et collecte" ou "Click and collect "

2- directement sur notre site et il arrivera en 48H en métropole et en une semaine environ à l'étranger. https://www.editionsfemmeschevrefeuille.fr/.../la.../

L'Algérie à cœur 

Récits croisés

Éditions de Anamnèse. Lyon 2020

12€

Parution de deux livres ayant des peintures de Bénisti comme couverture

Pour commander l'ouvrage voir:

coupdesoleilra@gmail.com

 

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9 novembre 2020 1 09 /11 /novembre /2020 10:35

En octobre 70, je finissais des études de Médecine et la faculté de Grenoble, où j’étais inscrit m’avait envoyé à l’hôpital Camille Blanc d’Évian pour y effectuer un stage.

Cette saison, beaucoup de personnalités disparurent : Nasser, Mauriac. De Gaulle avait dit à la mort de Mauriac : « Son souffle s’est arrêté. C’est un grand froid qui nous saisit. » Agacé par l’insistance des informations télévisées sur les conséquences de la mort de Nasser, des personnes avaient des réactions méprisantes sur la façon dont les musulmans faisaient le deuil de leur leader, d’autre comme le Docteur L nous dit : « J’appréhende le jour où De Gaulle va partir. Pendant trois mois, la télévision ne va parler que de ça. »  Et le 10 novembre, alors que nous étions en  visite avec le Docteur C, une malade qui semblait préoccupée nous dit : « Je viens d’écouter la radio, le Général De Gaulle vient de s’éteindre à l’âge de quatre-vingts ans. Il aurait eu une rupture d’anévrysme alors qu’il était en train de faire une réussite, auprès de sa femme ! Pauvre Tante Yvonne ! ». Le docteur  C interrompit un instant sa visite et nous dit : « Ce fut un grand personnage. Une page de notre histoire se tourne. » Le lendemain, c’était le 11 novembre, Un des amis, Bernard , est venu me voir et m’a fait faire une promenade à Montreux. Nous avons remarqué au passage de la frontière franco-suisse que le drapeau français était en berne, alors que deux mètres plus loin, le drapeau helvète ne l’était pas. Les Suisses, il est vrai, n’étaient pas en deuil. Il eut été cependant normal qu’aux postes frontières, les drapeaux soient en berne des deux côtés, par solidarité entre voisins et oui, il ne faut surtout pas prendre l’Helvétie pour des lanternes !

Le lendemain 12 novembre, c’était le jour des obsèques et j’ai assisté en compagnie des malades, à la retransmission télévisée de la messe à Notre-Dame. Je n’ai pu assister à la retransmission des obsèques à Collombey, car j’étais de service. Un étrange silence régnait sur Évian, où les rares magasins ouverts en automne avaient baissé leurs rideaux. On entendait seulement le croassement des corbeaux qui volaient autour du lac. Un médecin de l’hôpital nous dit : « Celui-là , même sa mort, il ne pas raté. Dans les jours qui suivaient, j’étais étonné de voir les réactions de certaines personnes admiratrices du Général qui allaient jusqu’à l’idolâtrer. Il y eut un car qui partit d’Évian pour Collombey et quelques employés de l’hôpital Camille Blanc firent le voyage.

Quand je vis mes parents à Alger, au mois de décembre, ils me racontèrent comment la mort de De Gaulle avait été ressentie à Alger. La communauté française avait été vexée car, le drapeau, en berne en raison du deuil consécutif à la mort de Nasser cessait de l’être le jour même de l’annonce de la disparition du Général. Quelle ingratitude envers l’homme qui avait permis à l’Algérie de devenir indépendante. Mes parents se rendirent à la cathédrale où Monseigneur Duval avait célébré une messe. L’Ambassadeur de France, Monsieur Jean Basdevant y assistait et reçut les condoléances de l’assistance.

Charles S, un cousin médecin qui était installé à Nice et gaulliste de la première heure nous fit part de son écœurement en voyant des pieds-noirs se réjouissant de la mort de De Gaulle en ouvrant une bouteille de Champagne. J’ai toujours pensé que quelle que soit l’aversion que l’on peut avoir envers une personne, il est inconvenant  de se réjouir de sa mort et j’ai eu de vives discussions avec des collègues, pourtant médecins, qui se sont réjouis en novembre 1975 de la mort de Franco. Je détestais ce personnage, mais je n’avais aucune raison de me réjouir de sa disparition physique.

Pour ma part, j’avoue n’avoir pas été toujours en accord avec la politique du Général.

Vis à vis de ce grand homme, j’ai eu une position ambivalente. J’étais gaulliste lorsque je me trouvais hors de France et je ne l’étais plus lorsque j’étais à l’intérieur de l’hexagone. Je n’ai pas apprécié la façon dont il est revenu au pouvoir en 1958 et sur la Constitution de la V ème République. J’admire surtout l’homme du 18 juin et celui qui a permis à la France d’avoir sauvegardé son indépendance par rapport aux Etats-Unis.

Il a aussi le mérite d’avoir résolu le problème algérien. Je sais que beaucoup de gens lui reprochent d’avoir  traité l’affaire d’une manière trop chirurgicale en négligeant  les pieds-noirs et  les harkis. Cela est vrai. Mais, la France était au bord de la guerre civile. Le problème était extrêmement complexe, et il l’a résolu.

 

                                               Jean-Pierre Bénisti.

 

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De Gaulle par Picasso

De Gaulle par Picasso

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22 octobre 2020 4 22 /10 /octobre /2020 09:11

Réponse de Monsieur Germain à Albert Camus le 30 Avril 1959 :

 

Mon cher petit,

(...) Je ne sais t'exprimer la joie que tu m'as faite par ton geste gracieux ni la manière de te remercier. Si c'était possible, je serrerais bien fort le grand garçon que tu es devenu et qui restera toujours pour moi « mon petit Camus».

(...) Qui est Camus ? J'ai l'impression que ceux qui essayent de percer ta personnalité n'y arrivent pas tout à fait. Tu as toujours montré une pudeur instinctive à déceler ta nature, tes sentiments. Tu y arrives d'autant mieux que tu es simple, direct. Et bon par-dessus le marché ! Ces impressions, tu me les a données en classe. Le pédagogue qui veut faire consciencieusement son métier ne néglige aucune occasion de connaître ses élèves, ses enfants, et il s'en présente sans cesse. Une réponse, un geste, une attitude sont amplement révélateurs. Je crois donc bien connaître le gentil petit bonhomme que tu étais, et l'enfant, bien souvent, contient en germe l'homme qu'il deviendra. Ton plaisir d'être en classe éclatait de toutes parts. Ton visage manifestait l'optimisme. Et à t'étudier, je n'ai jamais soupçonné la vraie situation de ta famille, je n'en ai eu qu'un aperçu au moment où ta maman est venue me voir au sujet de ton inscription sur la liste des candidats aux Bourses. D'ailleurs, cela se passait au moment où tu allais me quitter. Mais jusque-là tu me paraissais dans la même situation que tes camarades. Tu avais toujours ce qu'il te fallait. Comme ton frère, tu étais gentiment habillé. Je crois que je ne puis faire un plus bel éloge de ta maman.

J'ai vu la liste sans cesse grandissante des ouvrages qui te sont consacrés ou qui parlent de toi. Et c'est une satisfaction très grande pour moi de constater que ta célébrité (c'est l'exacte vérité) ne t'avait pas tourné la tête. Tu es resté Camus: bravo. J'ai suivi avec intérêt les péripéties multiples de la pièce que tu as adaptée et aussi montée: Les Possédés. Je t'aime trop pour ne pas te souhaiter la plus grande réussite: celle que tu mérites.

Malraux veut, aussi, te donner un théâtre. Je sais que c'est une passion chez toi. Mais.., vas-tu arriver à mener à bien et de front toutes ces activités ? Je crains pour toi que tu n'abuses de tes forces. Et, permets à ton vieil ami de le remarquer, tu as une gentille épouse et deux enfants qui ont besoin de leur mari et papa. A ce sujet, je vais te raconter ce que nous disait parfois notre directeur d'Ecole normale. Il était très, très dur pour nous, ce qui nous empêchait de voir, de sentir, qu'il nous aimait réellement. « La nature tient un grand livre où elle inscrit minutieusement tous les excès que vous commettez.» J'avoue que ce sage avis m'a souventes [sic] fois retenu au moment où j'allais l'oublier. Alors dis, essaye de garder blanche la page qui t'est réservée sur le Grand Livre de la nature.

Andrée me rappelle que nous t'avons vu et entendu à une émission littéraire de la télévision, émission concernant Les Possédés. C'était émouvant de te voir répondre aux questions posées. Et, malgré moi, je faisais la malicieuse remarque que tu ne te doutais pas que, finalement, je te verrai et t'entendrai. Cela a compensé un peu ton absence d'Alger. Nous ne t'avons pas vu depuis pas mal de temps...

Avant de terminer, je veux te dire le mal que j'éprouve en tant qu'instituteur laïc, devant les projets menaçants ourdis contre notre école. Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu'il y a de plus sacré dans l'enfant: le droit de chercher sa vérité. Je vous ai tous aimés et crois avoir fait tout mon possible pour ne pas manifester mes idées et peser ainsi sur votre jeune intelligence. Lorsqu'il était question de Dieu (c'est dans le programme), je disais que certains y croyaient, d'autres non. Et que dans la plénitude de ses droits, chacun faisait ce qu'il voulait. De même, pour le chapitre des religions, je me bornais à indiquer celles qui existaient, auxquelles appartenaient ceux à qui cela plaisait. Pour être vrai, j'ajoutais qu'il y avait des personnes ne pratiquant aucune religion. Je sais bien que cela ne plaît pas à ceux qui voudraient faire des instituteurs des commis voyageurs en religion et, pour être plus précis, en religion catholique. A l'École normale d'Alger (installée alors au parc de Galland), mon père, comme ses camarades, était obligé d'aller à la messe et de communier chaque dimanche. Un jour, excédé par cette contrainte, il a mis l'hostie « consacrée» dans un livre de messe qu'il a fermé ! Le directeur de l'École a été informé de ce fait et n'a pas hésité à exclure mon père de l'école. Voilà ce que veulent les partisans de « l'École libre » (libre.., de penser comme eux). Avec la composition de la Chambre des députés actuelle, je crains que le mauvais coup n'aboutisse. Le Canard Enchaîné a signalé que, dans un département, une centaine de classes de l'École laïque fonctionnent sous le crucifix accroché au mur. Je vois là un abominable attentat contre la conscience des enfants. Que sera-ce, peut-être, dans quelque temps? Ces pensées m'attristent profondément.

Sache que, même lorsque je n'écris pas, je pense souvent à vous tous.

Madame Germain et moi vous embrassons tous quatre bien fort. Affectueusement à vous.

Monsieur Germain

 

 

 

 

Hommage à Samuel Paty
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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 17:56

    Pensée pour ce village sinistré. Je connais bien ce lieu, j’y ai séjourné avec mes parents durant les étés 63 et 64. Le village est très beau, mais il souffre de l’absence de soleil, car il reçoit l’ombre de la montagne.

      Ce n’est pas tout à fait la France, mais ce n’est pas encore l’Italie

        Les habitants de ce lieu se sont particulièrement bien conduits. Ils ont accueillis à la fin des années 30 des antifascistes italiens qui passaient la frontière par les chemins de montagne, loin des douaniers. De nombreux juifs y ont été aussi accueillis. JMG Le Glézio y en parle dans son roman Étoile errante. (Gallimard, 1992)

      Mon père, Louis Bénisti, a fait au cours de son séjour à Saint-Martin de Vésubie, quelques dessins et peintures.

 

                                                          Jean-Pierre Bénisti

Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964
Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964
Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964

Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964

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6 août 2020 4 06 /08 /août /2020 17:46

In memoriam

Beaucoup de jours.

(Souvenirs désordonnés)

Actes-Sud 2009

Fréderic-Jacques Temple (1921-2020)
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29 juillet 2020 3 29 /07 /juillet /2020 07:35

La disparition de Gisèle Halimi  m'incite à republier cet article écrit le 21 mars 2012

 

La diffusion d’un film très moyen sur Djamila Boupacha me ramène à un souvenir personnel.

J’habitais chez ma tante Suzanne à Montmartre durant l’hiver 1962. En janvier, ma tante  reçut une partie de sa famille d’Alger :sa sœur  Cécile, avec son fils Hubert, sa belle-fille Hélène et sa petite fille Véronique, qui essayaient de s’installer à Paris.  Hubert et  Hélène qui furent en leur temps de gauche, avaient du fait de la tragédie algérienne, sombré dans la réaction extrémiste favorable à l’OAS. Je réussissais malgré tout à cohabiter avec eux car tout en étant d’opinions différentes nous nous estimions mutuellement. Il y eut cependant un incident. J’avais vu dans une librairie un livre de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir sur Djamila Boupacha publié chez Gallimard avec un dessin de Picasso comme couverture. J’achetais le livre, mais je renonçais à le montrer. Au cours du repas, je parlais de ce nouveau livre sur l’Algérie, et je déplorais l’usage de la torture pratiquée par l’armée pour essayer d’avoir des renseignements. : «  Cette poseuse de bombe a bien mérité ce qu’elle a subi ! Et j’espère que l’OAS plastiquera tous ces intellectuels qui prennent la défense de ces terroristes ! » Me disaient en substance Hubert et Hélène. J’essayais de répliquer en arguant que le fait d’être présumé terroriste ne justifiait pas l’usage de la torture. Puis Hubert éleva le ton et me dit en colère : « Je vais te casser la gueule ! Je vais te casser la gueule ! Petit con ! » La tante Cécile reprit son fils, lui fit les gros yeux et l’interpella : « Eh bien ! Hubert ! » Ce dernier se leva et partit se coucher. Il me fit  dire par sa mère  qu’il avait eu une journée fatigante,  qu’il avait perdu son contrôle et me demanda expressément d’oublier cet incident. J’ai depuis réfléchi à ce qui s’était passé. Dans le fond, je méritais la gifle que Hubert avait l’intention de me donner, car il était bien évident  que je déplorais l’usage de la torture sans pour autant approuver les poseuses de bombe, mais inconsciemment j’essayais de discréditer l’armée française, coupable d’exactions, dans le but de contrebalancer les exactions commises par le FLN. Les exactions étant des deux côtés, les négociations pour un cessez-le-feu s’imposaient. Il est certain que je ne condamnais pas toutes ces exactions seulement au nom d’une charité chrétienne. Si je méritais une claque, Hubert la méritait aussi, lui qui semblait justifier que l’on fasse usage de la torture pour lutter contre le terrorisme. Ces débats sur le terrorisme et sur la torture sont loin d’être clos et renvoient  aux positions de Camus sur le terrorisme, toujours actuelles après le FIS,    le GIA et le 11 septembre 2001. Je pense aussi à ce que nous avait dit Gardère, mon professeur de philosophie d’alors, qui répondait à un camarade communiste tentant de justifier les crimes de Staline en mettant en avant la mauvaise politique américaine et le mac carthisme : «  Vous justifiez une chose par une autre chose, mais les crimes des uns ne peuvent justifier ceux des autres et c’est cela que vous devez bien comprendre. »

 

 

                                                                                   Jean-Pierre Bénisti

 

 

 

 

Djamila Boupacha (nouvelle édition)
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6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 16:52

ANIMATIONS PROPOSEES PAR

LES RENCONTRES MEDITERRANENNES ALBERT CAMUS.

 

 Trois après–midis en compagnie d’ Albert Camus

devant  LA LIBRAIRIE MEMOIRE DU MONDE

 36, rue  Carnot - Avignon

Description : librairi_0.tmp

         

 

 

 

 

Programme :

 

 

Vendredi 17 juillet 2020 – 17h30/19h : Les sources d’inspiration du livre  « LA PESTE ».

Michèle Stubbe-Robinet, membre du bureau de l’association.

 

 

La Peste, paru en 1947, a trouvé de violents échos avec l’épidémie de Covid-19.  Cet ouvrage connaît depuis le début de cette année, une hausse spectaculaire dans les ventes, en France, partout en Europe, en Chine, aux Etats unis, au Japon… Le lire ou le relire est une évidence :  ce livre nourrit nos interrogations, il nous montre les travers d’un monde égotiste, asservi aux lois du marché, il nous invite aussi à être imaginatif pour plus de solidarité. 
Cette actualité prégnante, ce confinement morbide, m’ont aussi, fortement poussée à approfondir la lecture de ce roman. 

Cet exposé s’attachera plus particulièrement à mettre en exergue les multiples sources d’inspiration de Camus pour la rédaction de cette œuvre magistrale. 

 

 

Mercredi 22 juillet 2020 – 17h30/19h : Albert CAMUS et l’amitié.

Jean-Pierre Bénisti, Andrée Fosty, Michèle Stubbe-Robinet, membres du CA de l’association. 

 

 

Ils auraient eu cent ans en 2020 :  Hommage à quatre amis d’Albert Camus : Jean Daniel, Mohamed Dib, Jean Pelégri, Albert Memmi par Andrée Fosty & Michèle Stubbe-Robinet 

 

 

 

 

Suivi de la présentation du livre sur La correspondance Camus/Bénisti

                       par Jean-Pierre Bénisti

 

Présentation du livre coécrit par Jean-Pierre, fils de Louis Bénisti, ami de Camus, il eut le privilège de fréquenter Albert Camus. 

Cette correspondance, commencée dès 1934, se renforce au moment de l’aventure du Théâtre du Travail en 1936, se poursuit quasiment jusqu’au terme de la vie de Camus. Elle se distingue de celles qui ont déjà été publiées par la précocité des rencontres qui la fondent,  la confiance et la simplicité avec lesquelles les uns et les autres se livrent, à commencer par Camus lui-même ; on peut ainsi approcher le futur Prix Nobel dans les affres d’un premier mariage courant à l’échec, dans les difficultés liées à sa santé ou à ses finances, dans les doutes et les espérances d’une carrière littéraire encore en devenir puis dans le tourbillon de la maturité de sa vie et de sa création.

L’ouvrage comprend une cinquantaine de lettres échangées entre Albert Camus et des amis d’Alger que sont le peintre et sculpteur, Louis Bénisti, son frère cadet Lucien, pharmacien, et leurs épouses respectives qui étaient sœurs : Solange, à qui il avait donné des cours de philosophie pour la préparer au baccalauréat (un généreux corrigé de dissertation en témoigne), et Mireille, grande amatrice puis spécialiste d’arts asiatiques.

Ce livre témoigne aussi de l’effervescence et des aspirations créatrices d’une jeune génération éprise d’art dans l’Algérie des années 1930.

 

 

Vendredi 24 juillet 2020 – 17h30/20 h : NOCES entre l’homme et la nature -   Parallèle entre les paysages de l’Algérie,  exaltés  par Camus  et ceux de la Camargue chantés par  les Félibres 

 

par Annelyse Chevalier, auteur de Le bois des Rièges, cœur de la Camargue, Actes Sud, 2014.

       

"Noces", une ode à la nature, des couleurs, des saveurs, des odeurs, la lumière sublimée,  la présence obsédante du vent, la vie rude des hommes, la pauvreté de ceux qui vivent dans et avec cette aridité, mais pourtant comblés, notamment par la mer et le soleil... Deux terres   inspiratrices des artistes :  La Camargue,  racontée par les Félibres,  Tipasa, Djémila, célébrées par Camus. 

 

 

 

ANIMATIONS PROPOSEES PAR LES RENCONTRES MEDITERRANENNES ALBERT CAMUS.
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29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 16:12

 

1° Les grands vainqueurs de ces élections sont les abstentionnistes. Ils n'ont par définition pas d'élus, mais ils ont favorisé les scores de partis politiques qui n'ont pas une implantation locale évidente.

2° L'abstention n'est pas imputable uniquement à la pandémie proprement dite. Peu d'électeurs se sont abstenus par peur d'attraper le virus en se rendant au bureau de vote. Elle est due au désintérêt pour une élection où les candidats n'ont pas pu exprimer leur programme et présenter leur bilan , s'ils sont sortants. Pas de réunions publiques, ni de poignées de mains sur les marchés.

3° Pour la première fois, l'abstentionnisme a atteint l'électorat frontiste. La fille n'a pas hérité du talent du père et le discours du rassemblement national s'est édulcoré.

4° Le score élevé des écologistes à  Lille, où ils faisaient cavalier seul montre qu'il existe une réelle poussée écologiste indépendante des électeurs  socialistes en déshérence, comme cela a été le cas dans des villes comme à Lyon

5° À Lyon, le succès des écologistes est du en partie à la division de l'équipe sortante qui s'est divisée en deux et à l'attitude de Gérard Collomb qui  a fait plus de cuisine que de politique en s'alliant avec la droite classique.

6¨Le résultat des macronistes n'a rien d'étonnant. Elle ne constitue pas une censure de la politique nationale. Le parti  LREM ne repose que sur la personnalité de Macron. Ce parti peut gagner dans une élection nationale mais ne peut pas gagner localement, faute d'implantations et de militants.

 

                                                             Jean-Pierre Bénisti

Après le second tour des élections municipales
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