Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 17:56

    Pensée pour ce village sinistré. Je connais bien ce lieu, j’y ai séjourné avec mes parents durant les étés 63 et 64. Le village est très beau, mais il souffre de l’absence de soleil, car il reçoit l’ombre de la montagne.

      Ce n’est pas tout à fait la France, mais ce n’est pas encore l’Italie

        Les habitants de ce lieu se sont particulièrement bien conduits. Ils ont accueillis à la fin des années 30 des antifascistes italiens qui passaient la frontière par les chemins de montagne, loin des douaniers. De nombreux juifs y ont été aussi accueillis. JMG Le Glézio y en parle dans son roman Étoile errante. (Gallimard, 1992)

      Mon père, Louis Bénisti, a fait au cours de son séjour à Saint-Martin de Vésubie, quelques dessins et peintures.

 

                                                          Jean-Pierre Bénisti

Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964
Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964
Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964

Dessins et Peinture de Louis Bénisti août 1964

Partager cet article
Repost0
6 août 2020 4 06 /08 /août /2020 17:46

In memoriam

Beaucoup de jours.

(Souvenirs désordonnés)

Actes-Sud 2009

Fréderic-Jacques Temple (1921-2020)
Partager cet article
Repost0
29 juillet 2020 3 29 /07 /juillet /2020 07:35

La disparition de Gisèle Halimi  m'incite à republier cet article écrit le 21 mars 2012

 

La diffusion d’un film très moyen sur Djamila Boupacha me ramène à un souvenir personnel.

J’habitais chez ma tante Suzanne à Montmartre durant l’hiver 1962. En janvier, ma tante  reçut une partie de sa famille d’Alger :sa sœur  Cécile, avec son fils Hubert, sa belle-fille Hélène et sa petite fille Véronique, qui essayaient de s’installer à Paris.  Hubert et  Hélène qui furent en leur temps de gauche, avaient du fait de la tragédie algérienne, sombré dans la réaction extrémiste favorable à l’OAS. Je réussissais malgré tout à cohabiter avec eux car tout en étant d’opinions différentes nous nous estimions mutuellement. Il y eut cependant un incident. J’avais vu dans une librairie un livre de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir sur Djamila Boupacha publié chez Gallimard avec un dessin de Picasso comme couverture. J’achetais le livre, mais je renonçais à le montrer. Au cours du repas, je parlais de ce nouveau livre sur l’Algérie, et je déplorais l’usage de la torture pratiquée par l’armée pour essayer d’avoir des renseignements. : «  Cette poseuse de bombe a bien mérité ce qu’elle a subi ! Et j’espère que l’OAS plastiquera tous ces intellectuels qui prennent la défense de ces terroristes ! » Me disaient en substance Hubert et Hélène. J’essayais de répliquer en arguant que le fait d’être présumé terroriste ne justifiait pas l’usage de la torture. Puis Hubert éleva le ton et me dit en colère : « Je vais te casser la gueule ! Je vais te casser la gueule ! Petit con ! » La tante Cécile reprit son fils, lui fit les gros yeux et l’interpella : « Eh bien ! Hubert ! » Ce dernier se leva et partit se coucher. Il me fit  dire par sa mère  qu’il avait eu une journée fatigante,  qu’il avait perdu son contrôle et me demanda expressément d’oublier cet incident. J’ai depuis réfléchi à ce qui s’était passé. Dans le fond, je méritais la gifle que Hubert avait l’intention de me donner, car il était bien évident  que je déplorais l’usage de la torture sans pour autant approuver les poseuses de bombe, mais inconsciemment j’essayais de discréditer l’armée française, coupable d’exactions, dans le but de contrebalancer les exactions commises par le FLN. Les exactions étant des deux côtés, les négociations pour un cessez-le-feu s’imposaient. Il est certain que je ne condamnais pas toutes ces exactions seulement au nom d’une charité chrétienne. Si je méritais une claque, Hubert la méritait aussi, lui qui semblait justifier que l’on fasse usage de la torture pour lutter contre le terrorisme. Ces débats sur le terrorisme et sur la torture sont loin d’être clos et renvoient  aux positions de Camus sur le terrorisme, toujours actuelles après le FIS,    le GIA et le 11 septembre 2001. Je pense aussi à ce que nous avait dit Gardère, mon professeur de philosophie d’alors, qui répondait à un camarade communiste tentant de justifier les crimes de Staline en mettant en avant la mauvaise politique américaine et le mac carthisme : «  Vous justifiez une chose par une autre chose, mais les crimes des uns ne peuvent justifier ceux des autres et c’est cela que vous devez bien comprendre. »

 

 

                                                                                   Jean-Pierre Bénisti

 

 

 

 

Djamila Boupacha (nouvelle édition)
Partager cet article
Repost0
6 juillet 2020 1 06 /07 /juillet /2020 16:52

ANIMATIONS PROPOSEES PAR

LES RENCONTRES MEDITERRANENNES ALBERT CAMUS.

 

 Trois après–midis en compagnie d’ Albert Camus

devant  LA LIBRAIRIE MEMOIRE DU MONDE

 36, rue  Carnot - Avignon

Description : librairi_0.tmp

         

 

 

 

 

Programme :

 

 

Vendredi 17 juillet 2020 – 17h30/19h : Les sources d’inspiration du livre  « LA PESTE ».

Michèle Stubbe-Robinet, membre du bureau de l’association.

 

 

La Peste, paru en 1947, a trouvé de violents échos avec l’épidémie de Covid-19.  Cet ouvrage connaît depuis le début de cette année, une hausse spectaculaire dans les ventes, en France, partout en Europe, en Chine, aux Etats unis, au Japon… Le lire ou le relire est une évidence :  ce livre nourrit nos interrogations, il nous montre les travers d’un monde égotiste, asservi aux lois du marché, il nous invite aussi à être imaginatif pour plus de solidarité. 
Cette actualité prégnante, ce confinement morbide, m’ont aussi, fortement poussée à approfondir la lecture de ce roman. 

Cet exposé s’attachera plus particulièrement à mettre en exergue les multiples sources d’inspiration de Camus pour la rédaction de cette œuvre magistrale. 

 

 

Mercredi 22 juillet 2020 – 17h30/19h : Albert CAMUS et l’amitié.

Jean-Pierre Bénisti, Andrée Fosty, Michèle Stubbe-Robinet, membres du CA de l’association. 

 

 

Ils auraient eu cent ans en 2020 :  Hommage à quatre amis d’Albert Camus : Jean Daniel, Mohamed Dib, Jean Pelégri, Albert Memmi par Andrée Fosty & Michèle Stubbe-Robinet 

 

 

 

 

Suivi de la présentation du livre sur La correspondance Camus/Bénisti

                       par Jean-Pierre Bénisti

 

Présentation du livre coécrit par Jean-Pierre, fils de Louis Bénisti, ami de Camus, il eut le privilège de fréquenter Albert Camus. 

Cette correspondance, commencée dès 1934, se renforce au moment de l’aventure du Théâtre du Travail en 1936, se poursuit quasiment jusqu’au terme de la vie de Camus. Elle se distingue de celles qui ont déjà été publiées par la précocité des rencontres qui la fondent,  la confiance et la simplicité avec lesquelles les uns et les autres se livrent, à commencer par Camus lui-même ; on peut ainsi approcher le futur Prix Nobel dans les affres d’un premier mariage courant à l’échec, dans les difficultés liées à sa santé ou à ses finances, dans les doutes et les espérances d’une carrière littéraire encore en devenir puis dans le tourbillon de la maturité de sa vie et de sa création.

L’ouvrage comprend une cinquantaine de lettres échangées entre Albert Camus et des amis d’Alger que sont le peintre et sculpteur, Louis Bénisti, son frère cadet Lucien, pharmacien, et leurs épouses respectives qui étaient sœurs : Solange, à qui il avait donné des cours de philosophie pour la préparer au baccalauréat (un généreux corrigé de dissertation en témoigne), et Mireille, grande amatrice puis spécialiste d’arts asiatiques.

Ce livre témoigne aussi de l’effervescence et des aspirations créatrices d’une jeune génération éprise d’art dans l’Algérie des années 1930.

 

 

Vendredi 24 juillet 2020 – 17h30/20 h : NOCES entre l’homme et la nature -   Parallèle entre les paysages de l’Algérie,  exaltés  par Camus  et ceux de la Camargue chantés par  les Félibres 

 

par Annelyse Chevalier, auteur de Le bois des Rièges, cœur de la Camargue, Actes Sud, 2014.

       

"Noces", une ode à la nature, des couleurs, des saveurs, des odeurs, la lumière sublimée,  la présence obsédante du vent, la vie rude des hommes, la pauvreté de ceux qui vivent dans et avec cette aridité, mais pourtant comblés, notamment par la mer et le soleil... Deux terres   inspiratrices des artistes :  La Camargue,  racontée par les Félibres,  Tipasa, Djémila, célébrées par Camus. 

 

 

 

ANIMATIONS PROPOSEES PAR LES RENCONTRES MEDITERRANENNES ALBERT CAMUS.
Partager cet article
Repost0
29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 16:12

 

1° Les grands vainqueurs de ces élections sont les abstentionnistes. Ils n'ont par définition pas d'élus, mais ils ont favorisé les scores de partis politiques qui n'ont pas une implantation locale évidente.

2° L'abstention n'est pas imputable uniquement à la pandémie proprement dite. Peu d'électeurs se sont abstenus par peur d'attraper le virus en se rendant au bureau de vote. Elle est due au désintérêt pour une élection où les candidats n'ont pas pu exprimer leur programme et présenter leur bilan , s'ils sont sortants. Pas de réunions publiques, ni de poignées de mains sur les marchés.

3° Pour la première fois, l'abstentionnisme a atteint l'électorat frontiste. La fille n'a pas hérité du talent du père et le discours du rassemblement national s'est édulcoré.

4° Le score élevé des écologistes à  Lille, où ils faisaient cavalier seul montre qu'il existe une réelle poussée écologiste indépendante des électeurs  socialistes en déshérence, comme cela a été le cas dans des villes comme à Lyon

5° À Lyon, le succès des écologistes est du en partie à la division de l'équipe sortante qui s'est divisée en deux et à l'attitude de Gérard Collomb qui  a fait plus de cuisine que de politique en s'alliant avec la droite classique.

6¨Le résultat des macronistes n'a rien d'étonnant. Elle ne constitue pas une censure de la politique nationale. Le parti  LREM ne repose que sur la personnalité de Macron. Ce parti peut gagner dans une élection nationale mais ne peut pas gagner localement, faute d'implantations et de militants.

 

                                                             Jean-Pierre Bénisti

Après le second tour des élections municipales
Partager cet article
Repost0
20 juin 2020 6 20 /06 /juin /2020 16:08

 

 

Il vient de paraître aux éditions Actes Sud un récit écrit par un certain Claro qui a pour titre « La maison indigène »

   Ce texte évoque une villa bâtie par son grand-père, l’architecte Léon Claro. Elle avait été bâtie à la demande du Gouvernement Général de l’Algérie pour montrer une maison reprenant les caractéristiques architecturales des maisons arabes  à l’occasion du centenaire de la conquête de l’Algérie, célébrée avec arrogance en 1930. Cette villa  dite « maison du Centenaire « »a été décrite par Camus  dans un texte de jeunesse intitulé « La maison mauresque »  Ce texte ne sera publié qu’après la mort de Camus dans le Cahier Albert Camus n°2 : à la suite del’étude de Paul Viallaneix. Le premier Camus. Gallimard, Paris, 1973)  Des biographes de Camus  comme Roger Grenier ont situé cette maison  au Jardin d’essai à Belcourt, en fait cette maison mauresque est bien la maison dessinée et bâtie par Léon Claro située en haut de la Casbah. Louis Bénisti, mon père  l’avait signalé  à Roger Grenier. Maisonseul  avait aussi reconnu la maison (cf.  Texte relatif à Roland Simounet  Djenan el Hassan, texte dédié à Léon Claro in Roland Simounet  Monographie Le Moniteur, 1956 p. 19)

L’erreur avait été reprise dans le fameux dictionnaire Camus de Jeanyves Guérin (Robert Laffont, coll ;Bouquins 2010) .  À la suite de cette erreur, j’ai écrit  à la demande de mon ami Hamid Nacer-Khodja  (1953-2016) un petit billet d’humeur dans une revue algérienne L’Ivresq en 2013, que j’avais intitulé : Errare humanum est , perseverare diabolicum (Voir fac-Similé) 

 

Le livre de Claro répare  définitivement cette erreur et nous donne une idée de tout ce monde intellectuel de l’Alger de 1930 à 1970. 

     Je regrette cependant le découpage de la photographie de Jean Sénac et Jean de Maisonseul issue d’une photographie prise à Alger devant la Galerie le Nombre d’or en 1953. Il aurait mieux valu que cette photo fût publiée dans son intégralité.

Je regrette aussi le peu de place laissé au peintre Émile Claro (1897-1977),  frère de Léon Claro, un des meilleurs  peintres d’Alger, qui exposait chez Comte-Tinchant , la galerie dirigée par Edmond Charlot, avec Assus, Bénisti, Galliero er beaucoup d’autres. 

 

                                                                      Jean-Pierre Bénisti 

 

Voir :

http://www.aurelia-myrtho.com/article-errare-humanum-est-perseverrare-diabolicum-96344179.html

 

Jean-Pierre Bénisti  Camus et  les architectes d’Alger in Présence d’Albert Camus n°6, juin 2014

 

Edmond Brua : Léon Claro. La revue algérienne, n°6, avril, mai 1939 

Photographie extraite de Visages d'Algérie de Jean Sénac, écrits sur l'art publié par Hamid- Nacer-Khodja. éditions Paris-Méditerranée , 2002

Photographie extraite de Visages d'Algérie de Jean Sénac, écrits sur l'art publié par Hamid- Nacer-Khodja. éditions Paris-Méditerranée , 2002

Maison indigène p.49

Maison indigène p.49

Au  sujet de la maison indigène de  Claro
Au  sujet de la maison indigène de  Claro
Au  sujet de la maison indigène de  Claro

Partager cet article
Repost0
20 mai 2020 3 20 /05 /mai /2020 09:39

 

Je me souviens de Michel Piccoli

 

Hier 17 mai 2020, un journal signalait que le poète Jules Supervielle nous avait quitté il y a soixante ans.  Si le soixantième anniversaire de la mort de Camus en janvier 1960 a été célébré, celui du grand poète semble bien ignoré. Il est victime d’une « oublieuse mémoire » selon ses propres termes.

J’ai un disque 33 tours où Michel Bouquet dit des poèmes de Supervielle. N’ayant de lecteurs de disque vinyle, j’ai essayé de retrouver Michel Bouquet sur Internet, comme j’avais réussi à trouver Laurent Terzief disant René Char ou Olivier Hussenot lisant Robert Desnos. Je n’ai pu retrouver ce disque mais en me promenant sur la toile, je remarquais que Michel Bouquet est l’un des derniers grands  acteurs  encore vivants de théâtre ayant joué chez Camus et chez Vilar. Je pense  alors qu’il y a encore un autre acteur présent il s’agit de Michel Piccoli. 

Je ne suis donc pas étonné d’apprendre la disparition de cet artiste qui nous a tellement accompagné au théâtre ou au cinéma que nous pouvons le considérer comme une personne de notre famille.

 

Je me suis aperçu que je connais ce monsieur depuis fort longtemps. Lorsque j’étais enfant, mes parents avaient des amis polonais et communistes dont une fille Clara venait d’épouser Louis Daquin, un cinéaste aujourd’hui oublié. Ces amis fiers de leur gendre, nous avaient invité à une séance de cinéma organisée par le Parti Communiste où l’on avait  projeté un magnifique film consacré à la condition des mineurs du Nord. : Il s’agissait du Point du jour. Le premier rôle de cinéma de Piccoli est dans ce film. Il est bien évident que je ne l’avais pas remarqué.

 

Je savais l’existence de cet acteur sans pour autant l’avoir remarqué. Ce n’est que en 1966, au cours du festival d’Avignon, je feuilletais un ouvrage sur le poète André de Richaud qui était orné d’une photo du poète en compagnie de Piccoli. Je l’avais déjà vu dans le Mépris de Godard, mais j’avoue que si le film m’a intéressé, le rôle de Piccoli avec son éternel chapeau ne m’a pas impressionné. Je l’ai par contre apprécié dans Belle de Jour, ce chef d’œuvre de Buñuel avec Catherine Deneuve, puis il est devenu Monsieur Dame dans les Demoiselles de Rochefort  et depuis il ne nous a plus quitté. Je pense aux films de Sautet comme Vincent, François, Paul et les autres ou de Demy comme une Chambre en Ville. J’ai une certaine affection pour le Saut dans le vide de Mario Bellochio avec Anouk Aimée, autre grande actrice,  Milou en mai et surtout la Belle Noiseuse, avec la magnifique Emmanuelle Béart, film qui traite du dialogue difficile entre peintre et modèle. Il est doublé par le peintre Bernard Dufour, ou peut-être c’est lui-même qui double le peintre, dont on ne perçoit que la main d’une texture différente de celle de l’acteur ;

J’ai eu aussi l’occasion de le voir au théâtre, à Grenoble dans le Misanthrope, mise en scène par Bluwal et une merveilleuse Cerisaie mise en scène par Peter Brook dans le vieux théâtre des Bouffes du Nord, le Conte d’hiver de Shakespeare, mise en scène par Luc Bondy au TNP de Villeurbanne. Dans ce même théâtre, que je fréquente depuis longtemps, j’ai assisté  d’une part à la représentation de John Gabriel Borkman de Ibsen et plus récemment en 2009 de Minetti  de Thomas Bernard. Dans ces deux dernières pièces, Piccoli excelle dans de longs dialogues silencieux, comme d’ailleurs dans son rôle de peintre dans la Belle Noiseuse.

Alain Delon ressasse souvent une idée déjà exprimée par Louis Jouvet sur la différence entre l’acteur qui habite un personnage et le comédien qui est habité par le personnage. Si Delon est acteur, Belmondo comédien. Piccoli me semble être les deux à la fois. 

 

Commencé à Capri avec le mépris, sa carrière cinématographique s'achève toujours en Italie avec Habemus papam

 

Salut l’artiste !

 

 

 

Jean-Pierre Bénisti

 

 

La Belle Noiseuse

La Belle Noiseuse

Partager cet article
Repost0
14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 16:53

Le Platane 

 

  Tu borderas toujours notre avenue française pour ta simple membrure et ce tronc clair, qui se départit   sèchement de la platitude des écorces,   

 Pour la trémulation virile de tes feuilles en haute lutte   au ciel à mains plates plus larges d'autant que tu fus tronqué,  

  Pour ces pompons aussi, ô de très vieille race, que tu   prépares à bout de branches pour le rapt du vent   

 Tels qu'ils peuvent tomber sur la route poudreuse   ou les tuiles d'une maison….. Tranquille à ton devoir   tu ne t'en émeus point : 

   Tu ne peux les guider mais en émets assez pour qu'un   seul succédant vaille au fier Languedoc    

    A perpétuité l'ombrage du platane. 

 

Francis Ponge : Pièces . Gallimard

 

 

Le Platane Dessin de Jean-Pierre Blanche in Les Alentours Kopilote éditions 30 980 Langlade

Le Platane Dessin de Jean-Pierre Blanche in Les Alentours Kopilote éditions 30 980 Langlade

Partager cet article
Repost0
14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 16:40

L'arbre 

 

L'arbre 

de ma rue 

tout gris 

tout nu 

tremble 

dans le vent 

  

il attend 

ses habits 

menus 

verdoyants 

bien luisants 

  

il attend 

les feuilles 

du printemps 

  

  

Anne-Marie Chapouton

Paris 1977 PhotoJPB

Paris 1977 PhotoJPB

Partager cet article
Repost0
13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 15:45

           

 

               

 

 

                 Après le rude hiver de 1956, on vit apparaître le squelette des oliviers. Jusque-là ils avaient été grecs de la belle époque ; brusquement, ils s'étaient dépaysés, ils avaient voyagé dans le temps et dans l'espace jusqu'à la brutalité et la sauvagerie des totems ; ils couvraient désormais les collines de diagrammes rituels. Ce que les poètes avaient fait du chevalier, de la dame du moine, du roi, du pape, de l'empereur du Moyen Âge dans les danses macabres, le gel l'avait fait avec les arbres, et surtout avec les arbres éternels, sur lesquels les saisons passaient sans marquer. Du jour au lendemain, après des nuits de moins trente, leur sort fut réglé ; après quelques semaines, ils apparurent dans leur véritable identité. Sur l'emplacement du verger donneur d'huile avec lequel on avait jusqu'ici l'habitude de vivre en bonne compagnie (c'est-à-dire en hypocrisie naturelle), apparut une atroce simplification avec laquelle désormais il n'était plus possible de ruser, et qui ne pouvait plus servir à aucun mensonge. Comme le pape enfin dépouillé de ses turpitudes, réduit à une cage d'os où seul le vent peut siffler, comme le chevalier bouilli dans le dernier combat jusqu'à n'être plus qu'osselets, comme la femme devenue simple agencement de leviers très mathématiques, les squelettes d'arbres nous contraignaient à l'enquête toujours retardée sur la réalité et sur l'aspect du monde. Brusquement, à l'époque du plus flamboyant progrès, il nous était demandé de rejoindre une plus haute pensée. Tout ce qui nous paraissait merveilleusement esprit froid, méthodique, automatique, logique, technique, il nous était commandé de le penser à nouveau avec un esprit vraiment froid, méthodique, automatique, logique, technique, dépouillé de tout le romantisme de la science moderne, repris par la magistrale précision du poète du fantastique.

     Les paysages qui, jusqu'alors avaient été naturels devenaient magiques, et leur transformation faisait comprendre l'extraordinaire complication du naturel. Certains vallons de délices virgiliens étaient devenus les places d'armes de l'enfer. Dépouillées de tout un apparat d'espérances, les collines dressaient le théâtre d'un « après la mort » où l'on entrait tremblant de peur et de curiosité. On entendait une voix bien plus moderne que celle des temps modernes, le cliquetis des petites machines à calculer sonnait faux, c'est-à-dire composait une architecture sur l'erreur, une symphonie sur le désaccord, tout aussi équilibrée l'architecture, tout aussi spirituelle la symphonie, que celles dont le monde avait été construit jusqu'à présent, et les grandes machines à calculer commencèrent à ronronner comme des tigres, c'est-à-dire avec un manifeste instinct de conservation. Alors qu'au Moyen-Âge la danse macabre était la fin de toute vanité, les huit cent mille squelettes des oliviers de Provence morts de gel installaient une vanité nouvelle à partir de laquelle le monde pouvait se reconstruire à reculons. Un décharnement qui laissait l'esprit nu, libre et léger, et, comme dans les anciennes danses macabres, on voyait le squelette du pape, de l'empereur, du chevalier ou de la dame esquisser un pas de polka, et même « jeter la jambe en l'air », ici c'était l'esprit qui se dévergondait, changeait de morale, faisait des découvertes dans l'espace (comme il y a une géométrie dans l'espace).

      Que les anciens mythes de Pan étaient reposants à côté de cette réalité si objective, si concrète, de ce mystère si clair, de ces tombeaux qui ne laissaient plus échapper les os des jugements, mais les nudités d'une sorte de super french-cancan, plein d'humour puisqu'il préludait à des recommencements sans fin, et toujours pour des fins dérisoires.

      De là dans la construction de ces « corps morts » le concours de toute la géométrie plane, aussi sèche que dans l'âme de Monsieur Euclide, mais combien émouvante, car, au simple souvenir du feuillage gris, grec de la belle époque, qu'elle avait si longtemps porté, nous comprenions enfin qu'elle était la charpente de notre joie avant d'être (comme il se doit, et comme on sait) la charpente de l'univers.

 

                                                             19 décembre 1958

 

Jean Giono  Provence  Gallimard, 1995

Lourmarin août 1961 © Jean-Pierre Bénisti

Lourmarin août 1961 © Jean-Pierre Bénisti

Les oliviers de Lourmarin Peinture de Louis Bénisti (huile sur bois 65x50).

Les oliviers de Lourmarin Peinture de Louis Bénisti (huile sur bois 65x50).

L’hiver de 1956 semble avoir tué ces oliviers, mais de leurs souches sont apparues des pousses, et  ces surgeons sont devenus des rejetons aussi robustes que leurs aïeux.(note de Louis Bénisti)

Partager cet article
Repost0