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25 janvier 2022 2 25 /01 /janvier /2022 07:44

IV

 

            En automne 1977, je me trouvais à Lyon où j’avais pris une fonction de médecin salarié dans le cadre de la Protection maternelle et infantile. La situation politique en France était dominée par la préparation des élections législatives. Des journalistes écrivaient des livres qui pouvaient nous éclairer : Pierre Viansson-Ponté, du Monde avait écrit des Lettres ouvertes aux hommes politiques, où il révélait le passé pétainiste de Mitterrand qui avait en son temps porté la francisque. Cela faisait partie des zones d’ombre de la personnalité de Mitterrand. Franz-Olivier Giesbert, appelé depuis quelques années FOG  était à cette époque au Nouvel observateur. Il avait publié une biographie de Mitterrand qui nous éclairait sur le parcours de cet homme politique hors du commun. Georges Dayan ami de Mitterrand, avait dit à FOG que si Mitterrand ne devenait pas président de la république, il manquerait quelque chose à sa biographie. Mitterrand  serait en mesure en cet automne 77 de battre Giscard, mais en cette saison, nous n’étions pas en campagne pour des élections présidentielles, mais pour des élections législatives. La victoire de la gauche semblait à portée de main, mais pourra-t-il, il Marchais était un grand tribun qui savait se faire écouter par ses partisans. La gauche perdit les législatives de 1978 et Rocard commença à faire des déclarations qui semblaient celles d’un prétendant à la candidature.

 

En octobre 1980, après un séjour de deux semaines en Tunisie je reprenais mes activités. J’appris par les journaux que Pivot faisait son émission Apostrophes sur les livres des médecins. Il recevait Minkowski, Milliez, Kouchner, Xavier Emmanuelli et Rapin. N’ayant pas de télévision, je m’invitais chez une copine qui me reçut avec plaisir. Peu avant l’émission, j’appris qu’un attentat avait eu lieu dans la synagogue de la rue Copernic à Paris. C’était la première fois depuis les années noires de la guerre 39 qu’un attentat visait la communauté juive en France. Si cet acte était unanimement condamné, chacun l’expliquait de façon différente : les uns accusaient la Libye sans preuves, d’autres l’OLP, d’autres l’extrême droite française. Tout était possible. Les commanditaires de ce crime n’ont toujours pas été identifiés. Il est probable qu’il s’agissait de groupes terroristes palestiniens dissidents.  Des ministres se rendirent sur les lieux et s’étonnèrent de l’absence de Giscard et de la présence de Mitterrand. Giscard avait, selon certains, perdu les élections ce soir-là en ne jugeant pas utile de faire un déplacement. Barre fit un malheureux lapsus. Les manifestations de protestation eurent lieu le lundi suivant. Je me suis rendu à celle de Lyon et je dois dire que j’aurais préféré qu’il n’y ait pas de banderoles ou de drapeaux israéliens brandis par les manifestants. Des ministres honnêtes comme Simone Veil ou Bernard Stasi jugèrent la présence de banderoles et de drapeaux – drapeaux israéliens ou drapeaux rouges des gauchistes -tout à fait inopportune dans une telle manifestation unitaire.

En Algérie, la ville d’El Asnam  (Orléansville) devait être de nouveau victime d’un séisme. La ville fut détruite à quatre vingt pour cent. J’ai pris des nouvelles de mes amis. Belkacem perdit deux membres de sa famille. Le Centre Albert Camus aurait subsisté. El Asnam après avoir été Orléansville devint Chlef. Ces changements de noms ressemblent à des actes conjuratoires face aux mauvais sorts.

La campagne présidentielle commençait. Michel Rocard, qui bien que socialiste ne s’entendait pas très bien avec Mitterrand prit l’initiative d’annoncer sa candidature ou plutôt sa candidature à la candidature du Parti socialiste. Il fit une déclaration solennelle mais peu convaincante, depuis sa mairie de Conflans-Sainte-Honorine et cette déclaration n’a eu pour effet que de donner une plus grande légitimité à la candidature de Mitterrand annoncée par l’intéressé peu de temps après. Rocard est pour moi, un homme politique honnête et sympathique. C’est un homme qui connaît très bien ses dossiers, mais il manque de stratégie et  dit souvent des vérités mais à contretemps. C’est pour cela qu’il devint un excellent premier ministre mais qu’il ne put accéder à la magistrature suprême. Il est toujours bon de parler vrai et d’éviter ce que l’on appelle la langue de bois, il faut savoir le moment pour dire une vérité dure à entendre. Il en est de même dans les entretiens que les médecins ou le psychologues ont avec leurs patients : une même vérité peut rassurer ou blesser selon le moment où on l’a dit.

Nous entrions dans la politique spectacle. Je me souviens avoir fait un rêve étrange, à la fin du septennat de VGE : Giscard renvoyait Barre pour le remplacer par Léo Ferré. Ce n’était qu’un rêve. Il n’empêche que Coluche annonça sa candidature et cette candidature a été salutaire car elle a réduit les prestations télévisées des hommes politiques à des numéros de clown. Une amie me disait qu’elle n’arrivait plus à distinguer un homme politique de son imitateur. Les imitateurs dépassaient les limites admissibles : Henri Tisot imitait de Gaulle avec des discours sur des sujets dérisoires et sur un mode burlesque. Thierry Le Luron faisait avec talent des mauvais discours de Mitterrand ou de Chirac et arrivait à leur faire dire des choses qu’ils n’avaient jamais dites. 

Des évènements affectaient le monde intellectuel. Romain Gary se donnait la mort peu de temps après le suicide de sa femme Jean Seberg. Pivot n’avait pas encore révélé l’identité d’Emile Ajar, qui n’était autre de Romain Gary. Ce n’est qu’en juin 1981, que ce fait ait été connu. Il est permis de penser que l’écrivain n’ait pas supporté cette double identité.

Un soir, j’allais voir un film de Bergman qui se termine par une scène horrible. Un homme tue par amour la femme qu’il aime. Le lendemain, j’apprenais par les journaux que le philosophe Louis Althusser avait  tué son épouse. Ce meurtre nous interrogeait sur la fragilité psychologique de beaucoup de grands esprits.

Je n’avais pas de télévision. Je sus que Mitterrand avait affirmé à Alain Duhamel et à Jean-Pierre El Kabbach qu’il s’engageait à supprimer la peine de mort. Je remarquais le courage de Mitterrand qui s’engageait sur un sujet très controversé alors que Giscard, n’osait pas s’engager pour ne pas décevoir sa clientèle.

Fin mars, je me rendais au grand meeting de Mitterrand au Palais des sports de Lyon. La salle était pleine à craquer. Je remarquais que Mitterrand semblait bien plus rassuré qu’à Grenoble en 1974. Il semblait croire à la victoire. Ce meeting nous remontait le moral et chacun pensait que la victoire de la Gauche était tout à fait possible. J’ai donc envoyé un chèque au Comité de soutien à Mitterrand.

Le premier tour des présidentielles était encourageant. Il fallait tirer deux semaines. J’avais été voir le débat Giscard Mitterrand chez ma collègue assistante sociale Simone Jacquin. Je remarquais l’assurance de Mitterrand face à Giscard,    cela contrastait avec le duel de  74.

Le 10 mai 1981, j’allais voter à Aix et  je rentrais  à Lyon le soir. Je devais être chez moi vers vingt heures dix et je pris la radio et j’entendis une déclaration de Jospin, faisant état de la victoire de Mitterrand. Je pris ma voiture et me rendis chez les Jacquin pour voir les commentaires à la télévision. Nous étions tous joyeux et prêts à faire la fête et nous regrettions que le bal de la Bastille fut mouillé. Les journalistes de télévision, notamment Cavada et El Kabbach semblaient affectés d’une certaine gène. Lorsque El Kabbach eut Marchais au téléphone, ce dernier lui dit : « Ah ! C’est El Kabbach ! » Entraînant les éclats de rire de l’assistance. Giscard avait perdu, mais avait gagné des voix par rapport à l’élection de 74. Il avait inconsciemment fait voter une loi  qui allait se retourner contre lui. La loi sur la majorité  civile à dix-huit ans avait augmenté le nombre des électeurs et les jeunes sont plus des électeurs de gauche que des électeurs de droite.

Le lendemain, tous mes collègues étaient joyeux. Au centre où je travaillais, les assistantes sociales fleurirent leurs bureaux de roses et me félicitèrent car elles avaient su que j’avais signé un appel à voter Mitterrand et cet appel était affiché sur les panneaux électoraux.

J’avais écouté, peu de temps avant le second tour, un entretien avec Jacques de Fontbrune sur les quatrains de Nostradamus. Jacques de Fontbrune s’appelait en réalité Jacques Pigeard de Gurbert et était le premier mari de Marie Salavert, notre voisine d’Aix qui avait eu de ce premier mariage deux enfants Béatrice et Guillaume, qui sont devenus mes amis. Fontbrune avait fait une nouvelle traduction des quatrains ; il refusa de parler des prédictions de Nostradamus sur l’élection présidentielle en raison de la discrétion qui s’imposait mais évoqua un possible assassinat du pape à Lyon.

Le mercredi 13 mai, mon père me téléphona, je lui demandai des nouvelles, il me dit : « Moi, je vais bien, c’est le pape qui va mal. Il vient d’avoir été poignardé à Rome. » Je pensais à cette prédiction de Nostradamus qui n’était pas exacte mais troublante. L’un des plus beaux gestes du Pape Jean-Paul II a été de rendre visite à son meurtrier dans sa cellule, quelques années après le drame. Cela rappelle une scène célèbre des Justes de Camus.

La presse ne manque pas de faire allusion aux prophéties de Nostradamus revu par Jacques de Fontbrune. Il y aurait dans un des quatrains : « Dès que la rose éclora, le sang coulera. » Nostradamus dans ses quatrains aurait prédit  l’élection de Mitterrand, et l’attentat contre le pape.

Cette fin de septennat de Giscard  avant la prise de fonction de Mitterrand paraissait interminable. Giscard mit en scène son départ en laissant l’image d’un homme tournant le dos à ses téléspectateurs et une chaise vide. Mitterrand devait enfin rentrer dans l’Elysée et Giscard devait quitter le château sous les huées de quelques imbéciles qui semblaient ignorer que dans un combat politique le perdant  d’une élection doit être respecté.

Mitterrand avait soigné la mise en scène de son entrée en fonction : Arc de triomphe, Hôtel de Ville, Panthéon. Tout cela était fort émouvant et nous avions l’impression qu’une partie du peuple français éloignée longtemps des responsabilités reprenait ses droits. La Constitution élaborée par De Gaulle avait fonctionné et n’était donc pas aussi mauvaise qu’on le pensait auparavant.

Vers le 20 mai, je partis pour Venise avec mes parents. Nous sommes retournés dans nos lieux favoris et cette fois-ci nous avons fait une promenade en gondole. Nous avons été voir les confettis de la lagune : Burano avec ses maisons multicolores et Torcello avec les ruines de sa basilique. À  la fin du séjour, ma mère a été saisie du syndrome vénitien : se sentir prisonnier dans la Cité des Doges et ne plus pouvoir la quitter. Nous devions prendre un train de nuit vers vingt heures et des quatorze heures, nous avons été déposé les bagages à la consigne et nous avons fait des promenades à pied dans les quartiers comme le Cannareggio près de la gare. Et nous avons bien failli rater le train : nous avions égaré le reçu de la consigne et il a fallu parlementer un bon moment pour pouvoir récupérer nos valises.

Les élections législatives confirmèrent une poussée de gauche et Mitterrand eut presque une mariée trop belle. Tous les espoirs étaient permis : une grande partie de la population était réjouie, une autre faisait la tronche en annonçant la faillite économique voire la soviétisation du pays. Parmi les déçus, il y avait mes oncles tantes, Lucien et Jeanne d’un côté et de l’autre Mireille et Paul, qui sous couvert d’anticommunisme défendaient leurs situations de petits-bourgeois. Des médecins réactionnaires décrivaient la mitterrandite, petite dépression post-électorale.

                               Jean-Pierre Bénisti 

(à suivre)

Mais où sont les présidentielles d'antan ? (nouvelle édition) 3
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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 08:59

III

 

 En 1974, mes parents avaient quitté Alger et s’étaient installés à Aix-en-Provence. Je continuais à Grenoble des études de pédiatrie. Début avril, je partis à Paris pour passer quelques jours de vacances chez mon ami Emmanuel Jégo qui dirigeait un foyer de jeunes travailleurs. Un matin, Jégo me dit : « Il s’est passé un évènement important cette nuit : Pompidou est mort. »  Nous savions Pompidou malade et par indiscrétion, j’avais su qu’il souffrait de la Maladie de Waldenström, sorte de cancer de la moelle osseuse. D’autres chefs d’état : Boumediene, le Shah d’Iran et Golda Meïr moururent de cette même maladie. Le Professeur Jean Bernard avait dit que s’il y avait deux chefs d’état de plus, atteints de cette affection, on serait autorisé à entreprendre une étude scientifique sur la relation entre le métier de chef d’état et la maladie de Waldenström.

Brassens chantait à l’époque que les morts étaient tous des braves types. Cela est vrai, mais je dois dire que si je n’étais pas en accord avec le parti de Pompidou, l’UDR, j’ai toujours eu de la sympathie pour ce président qui était un honnête homme. La radio et la télévision ne diffusaient que de la musique classique, comme si cette musique était une musique de deuil. Dans la rue, la ville restait semblable à elle-même. Les jours suivant Chaban et  Edgar Faure déclaraient leurs candidatures de façon assez précipitée. Je devais suivre à la télévision la messe célébrée à Notre-Dame, qui se déroulait comme celle de De Gaulle en 1970. Le principe d’une telle messe officielle est tout à fait contraire avec les principes de laïcité de la République française. En 1996, il y eut aussi une messe pour Mitterrand.

Tous les chefs d’État importants étaient présents et beaucoup étaient  en fin d’activité : Nixon devait démissionner peu de temps après pour cause de Watergate et Willy Brandt, en raison d’une affaire d’espionnage. Je pensais que si un fou avait l’idée de bombarder Notre-Dame, les nations du  monde entier seraient en deuil et ils  pourraient, à cette occasion, mettre fin à leurs rivalités.

Poher assurait de nouveau l’interim de la présidence et comme le disait un des personnages de la pièce en alexandrin écrite par Bernard Kouchner et Michel-Antoine  Burnier : les Voraces : Poher à force de faire les intérims finira bien par faire un septennat.

Rentré à Grenoble, je retrouvais les camarades se disputant au sujet des prochaines présidentielles. Mitterrand venait de se déclarer et l’on attendait la candidature de Giscard. Giscard avait choisi Chamalières, la banlieue cossue de Clermont-Ferrand,  pour annoncer sa candidature. La télévision avait retenu de ce personnage sa prestation à l’accordéon de : Je cherche fortune tout autour du chat noir. La victoire de la gauche semblait difficile mais pas impossible. Beaucoup de gens de gauche se seraient accommodés d’une victoire de Chaban, car c’était un démocrate très orienté sur les questions sociales. Il avait d’ailleurs des conseillers remarquables, proches de la gauche : Jacques Delors et Simon Nora l’avaient aidé à rédiger les lois sur la formation permanente. Mais tous les gens de droite et les réactionnaires se tournaient vers Giscard. Il était considéré comme plus compétent que Chaban et tout en ayant été ministre de De Gaulle ou de Pompidou, il avait pris ses distances vis-à-vis de ces présidents. Voilà que Lecanuet, un homme politique tout à fait sans intérêt se prétendant du Centre, mais qui était tout simplement de droite se rallie sans conditions à Giscard et voici que Jacques Chirac essaie de saboter la candidature de Chaban.

Je vis Mireille et Paul, .mes oncles et tantes. Ils avaient confiance en Giscard, tout comme d’ailleurs Lucien et Jeanne, autres oncles et  tantes.

La campagne électorale battait son plein. Poher assurait les fonctions de président et l’on disait tous qu’à force d’assurer les intérims, il finirait bien par faire un septennat. André Malraux vint à la télévision pour soutenir Chaban et fit une prestation inintelligible. Malraux était connu pour avoir des tiques et les cameramen de la télévision ont su insister là-dessus. À chaque tique, des voix passaient de Chaban à Giscard. Giscard a dû envoyer des boites de chocolat à ces cameramen.

La candidature Chaban se marginalisait. La droite dans son ensemble rejoignait Giscard. Des personnes de gauche, inquiètes du soutien apporté à Mitterrand par les communistes et du sort tragique de l’Unité Populaire de Salvador Allende au Chili, rejoignaient aussi Giscard. L’affaire Soljenitsyne nourrissait la méfiance de beaucoup d’entre nous vis-à-vis des communistes. On parla même de menaces d’invasion de la France par l’Armée Soviétique, vieille rumeur entretenue depuis la fin de la guerre.

Il y eut des candidatures accessoires : Jean-Marie Le Pen, connu pour ses sentiments nationalistes, sortit son catéchisme anti-émigrés.  Royer, le maire de Tours, axa sa campagne sur la défense des bonnes mœurs. Ses réunions furent l’objet de chahut. On vit au cours d’une de ses réunions, une fille se dénuder et exhiber ses seins. L’orateur resta impassible. Arlette Laguiller fut la première femme candidate et fit une campagne honorable. René Dumont, ce sympathique professeur, fut le premier candidat écologiste. Je l’avais entendu récemment  à Aix. Il  préconisait non seulement de lutter contre les pollutions mais aussi contre le gaspillage des riches entraînant la pénurie pour les pauvres.

Je devais aller à un meeting du Parti communiste avec Jacques Duclos, un orateur extraordinaire avec son accent pyrénéen et ses bons mots. Il devait mourir l’année suivante.

Vers cette époque, le Cardinal Daniélou mourrait d’une crise cardiaque au domicile d’une soi-disant danseuse. Cela rappelait un autre Président de la République terrassé dans les bras d’une maîtresse dans une chambre d’hôtel minable. Quand le médecin appelé au chevet du président demanda au valet de chambre si le Président avait toujours sa connaissance. On lui répondit qu’elle venait juste de quitter l’hôtel.

Le premier tour donna les résultats que l’on sait avec Mitterrand arrivant en tête, mais sans réserve de voix pour le second tour et Giscard en second, mais avec des réserves de voix. L’entre deux tours fut pénible. Le débat télévisé Giscard-Mitterrand tourna à l’avantage de Giscard avec sa sortie : «  Vous n’avez pas le monopôle du cœur. » 

Ce qui était remarquable, c’est que Giscard, comme Mitterrand, étaient appréciés aussi bien par leurs partisans que par leurs adversaires, les considérant comme des hommes politiques de talent.

Je reçus une lettre circulaire qui s’adressait aux médecins et qui appelait les médecins à apporter leurs suffrages à Giscard. Je me suis aperçu que les adresses étiquetées sur l’enveloppe postale étaient  de même nature que toutes les adresses étiquetées des courriers de l’Ordre des médecins. L’Ordre des médecins avait prêté son carnet d'adresse. Il y avait de quoi saisir la justice sur les agissements partisans de cet ordre professionnel

 

Le vendredi avant le second tour, j’étais à Grenoble, ville où Mitterrand devait faire son dernier meeting. Je rejoignis le Palais de Glace vers dix-huit heures, alors qu’il ne devait parler que vers vingt heures. Je rencontrais un copain qui me dit : « Et si entre les deux tours, l’un des deux candidats décédait ? » Je réfléchissais et je pensais que cette éventualité n’avait pas été étudiée. Cette élection du président au suffrage universel fut un rajout à la Constitution de 1958, conçue essentiellement pour De Gaulle. De Gaulle n’avait pas imaginé pouvoir être en ballottage et n’aurait pas modifié sa constitution, s’il avait pensé à cette éventualité. Les Français dans leur ensemble ont apprécié cette forme d’élection. Nous étions tous joyeux, car si nous étions loin d’êtres sûrs d’une victoire de la Gauche, la campagne avait été fructueuse et avait remonté le moral des électeurs. En attendant notre « futur » président, nous avons eu droit à un petit récital de Juliette Gréco, arrivée avec sa robe noire et une rose à la main,    qui nous chanta le petit poisson et l’accordéon. Le Président Mendès-France devait arriver sous les applaudissements et prendre place au premier rang. Vers vingt heures, Mitterrand arriva entouré d’une armée de gorilles, de photographes et de journalistes. Nous sentions que le monde entier nous observait. Mitterrand fit un discours enthousiaste, mais semblait loin de tenir la victoire pour acquise, ce qui donnait à la réunion un petit parfum de mélancolie. La soirée devait se clôturer par une Marseillaise que nous avons tous chantée. Il n’y eut pas d’Internationale, sans doute pour ne pas effrayer les électeurs modérés.

Le lendemain, je devais arriver à Aix et voter le dimanche 19 mai. J’étais domicilié à Aix chez mes parents et je votais dans cette ville. Le soir nous avons été chez Padula pour voir les résultats à la télévision. Mitterrand avait été battu par un nombre très réduit d’électeurs. Le coup d’état au Chili et l’affaire Soljenitsyne  ont  contribué à la victoire de Giscard. Les électeurs sont quelquefois frileux. Giscard commit sa première erreur en répondant en anglais à un journaliste américain et Mitterrand depuis Château-Chinon devait nous dire : « Je mesure votre tristesse à la mesure de votre espoir. » Il fallait donc se mobiliser pour les prochaines échéances.

Entre les deux tours, il y eut un évènement important : le coup d’état militaire du Général Spinola devait renverser la dictature au Portugal et permettre la révolution des œillets qui devait instituer la démocratie. et donner l’indépendance aux pays de l’empire colonial portugais

En juillet, au festival d’Avignon, Mitterrand devait assister à un spectacle et quand il pénétra dans la Cour d’honneur, il eut une grande ovation.

                                                                                       Jean-Piere Bénisti

                                

Mais où sont les présidentielles d'antan ? (2). (Réédition)
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21 janvier 2022 5 21 /01 /janvier /2022 08:24

 

I


Les Français s’apprêtent à voter pour un nouveau président. La campagne est un peu terne par rapport aux élections présidentielles que j’ai connues. Mais où sont les présidentielles d’antan. Sous la IVe République, les présidents présidaient, mais ne gouvernaient pas  Ils ne se contentaient pas d’inaugurer les chrysanthèmes. Je me souviens dans une enfance très lointaine du voyage du Président Vincent Auriol à Alger. Me promenant sur les boulevards d’Alger, nous vîmes passer un Monsieur debout dans une voiture découverte. Ma famille appréciait Vincent Auriol, qui avait été en son temps ministre des finances de Léon Blum, autre homme politique aimé de la famille. Il y eut peu avant Noêl 53 des élections présidentielles au suffrage indirect : les députés et sénateurs réunis en congrès devaient choisir entre deux candidats : l’ancien gouverneur général de l’Algérie Marcel Edmond Naegelen  présenté par la gauche et le Président du  conseil Joseph Laniel, homme politique de droite bien oublié aujourd’hui.  Le congrès n’arrivait pas à départager les deux candidats. Le débat portait sur l’attitude des deux hommes lors du débat sur la CED (Communauté européenne de défense). Dans les cafés, les gens s’amusaient à faire des paris sur le gagnant. Finalement le gagnant fut un troisième homme : René Coty, un sénateur qui n’avait pas participé au débat sur la CED pour cause d’hospitalisation pour ablation de la prostate. « Voilà a quoi tient une présidence de la République » disait à ce sujet Jacques Fauvet, l’ancien directeur du Monde. . Clemenceau qui était aussi médecin disait qu’il y avait deux choses parfaitement inutiles : la prostate et la présidence de la république. S’il y a  un étudiant en médecine qui cherche un sujet de thèse, je pourrais l’aider sur un sujet à la fois médical et historique : Prostate et politique. Le président Coty laissa peu de souvenirs aux Français, on se souvient surtout de sa femme, une brave dame obèse que l’on verrait bien faire de bons petits plats cuisinés.  Germaine Coty ne ressemblait ni à Tante Yvonne ni à Carla. Elle mourut pendant le mandat de son mari et eut droit à des funérailles grandioses.

Étant en Algérie, loin de la France hexagonale que l’on appelait métropole, les évènements politiques n’étaient  pas perçus de la même façon qu’à l’intérieur de la France. Nous voyons les choses avec une certaine distance. En 1958, j’étais au lycée et j’ai eu un professeur d’histoire, René Pillorget qui n’était pas de droite, mais d’extrême droite et qui nous a appris à lire les constitutions à l’aide de petits schémas. J’ai pu comprendre toutes les constitutions depuis 1789. Si je rencontrais Monsieur Pillorget, je lui dirais que son enseignement  d’un homme de droite m’a  aidé à rester à gauche. En 1958, à la suite des complots  fomentés par les activistes et les militaires d’Alger, la IV ème république agonisait et De Gaulle, dernier président du Conseil de la IVéme république fit un référendum pour approuver une Constitution où le président de la république gouvernerait. Ce référendum ressemblait fort à un plébiscite, sorte de consultation populaire utilisée naguère par Napoléon III. L’ambiance pré-electorale en  France comme en Algérie était fiévreuse. Le référendum approchait. Les gens plaisantant en chantonnant : « Dis-moi oui, dis-moi non, dis- moi si tu m’aimes. . » .Des caricatures montraient notre chère Marianne déguisée en Brigitte Bardot au corsage largement dégrafé, comme pour distraire le peuple et faire en sorte qu’ils ne réfléchissent pas trop aux problèmes politiques. Marianne bardotisée  disait : « Pour  qui votait-on ? » ou  «  Pour qui vos tétons ? » Le Oui l’emporta et en décembre 58, Coty démissionna et De Gaulle devint président après une élection dont les électeurs étaient à cette époque, les députés, sénateurs, conseillers généraux et autres notables. De Gaulle avait un concurrent le communiste Georges Marrane qui obtint 13% des voix. Beaucoup de rues des banlieues communistes de Paris ou de Lyon portent le nom de Georges Marrane et  si vous demandez aux nombreuses femmes voilées passant rue Georges Marrane  à Vaulx en Velin : « Qui est Georges Marrane ? » Vous serez certainement surpris de la réponse.

En 1962, après la fin de la guerre d’Algérie, De Gaulle modifia la  Constitution de 58 en faisant approuver par referendum l’élection du président au suffrage universel. Je suivais les choses de loin, j’étais dans l’Algérie nouvelle et j’étais plus intéressé par la politique du pays nouvellement indépendant. Toutefois, j’aurais probablement voté non à ce référendum, car le Président devenait aussi puissant que  l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale. Cette élection au suffrage universel  mettait en concurrence le Président et le Parlement

La première élection présidentielle au suffrage universel eut lieu fin 1965. J’étais toujours en Algérie.  Tout en m’intéressant à cette élection, je la voyais avec une certaine distance. Vu d’Alger, nous voyions la campagne électorale en France avec un certain plaisir dû à la l’absence d’élections libres en Algérie où les changements de gouvernement se faisaient par coup d’état  Il  y avait l’embarras du choix : De Gaulle, un homme poli,  insipide et sans intérêt : Lecanuet, un fasciste authentique ; Tixier-VIgnancourt, un homme dit de gauche : Mitterrand et un candidat folklorique : Marcel Barbu.  J’étais décidé à voter Mitterrand, par fidélité envers la gauche, mais aussi parce que je n’appréciais pas la Constitution de la cinquième république et l’élection du président de la république au suffrage universel. Mes parents auraient voté De Gaulle, en raison d’une fidélité envers l’ancien chef de la France libre et d’une certaine méfiance vis-à-vis de Mitterrand, homme politique dont l’action passée était contestable En fait, nous n’avons pu nous inscrire sur les listes électorales et nous n’avons pas voté du tout. J’ai déjà dit à ce sujet que lorsque l’on réside hors du territoire national, on a une position politique toute différente que lorsque l’on réside à l’intérieur. Vu de l’extérieur, la stature du chef de l’état et sa politique extérieure priment sur la vie quotidienne des citoyens. Mes camarades algériens s’étonnaient qu’il y ait tant de français prêts à voter pour un autre candidat que De Gaulle : « Les Français sont cons, qu’est-ce qu’ils reprochent à De Gaulle ? » me disait un de mes amis algériens.

 

II

 

En 1969, je faisais mes études à Grenoble et j’allais de temps en temps à Alger voir mes parents. Au printemps 1969, au retour d’un voyage à Alger, je trouvais la France en pleine campagne électorale pour le référendum sur la décentralisation que De Gaulle avait organisé. J’aurais pu voter oui, car la réforme proposéée ne me déplaisait pas,  mais considérant qu’il était malhonnête de la part des présidents de mettre son mandat en jeu, je pouvais tout au plus voter blanc.  En fait je n’ai pas pu voter car je n’étais pas encore inscrit sur les listes électorales, vu ma situation de nomade. Je n’ai pas été étonné des résultats et j’ai pensé que De Gaulle, vexé de ne pas avoir maîtrisé le mouvement de mai 68 et ne devant son salut qu’à l’habileté de son premier ministre Pompidou, était à la recherche d’une nouvelle légitimité. Le peuple français ne la lui a pas donnée. On peut aussi assimiler le coup de dès du président à un acte suicidaire d’un homme politique épuisé. Il ne devait d’ailleurs pas survivre longtemps à son départ de l’Élysée.

De Gaulle devait démissionner et le Président du Sénat, Alain Poher  assurait l’intérim de la présidence. Si De Gaulle avait démissionné en 68, l’intérim aurait été assuré par Gaston Monnerville et la France aurait eu à sa tête un brillant homme politique originaire de Guyane.

La campagne présidentielle devait suivre. Heureusement que je ne votais pas, car je ne savais pas si il fallait voter pour Deferre président avec Mendès-France premier ministre ou pour Rocard. Il est probable que j’aurais voté Rocard. Il y avait aussi Duclos, dont les interventions télévisées étaient extraordinaires : « Monsieur Pompidou, ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or, on sait dans quel panier il les met les œufs d’or ! » En aucun cas je n’aurai voté pour Poher, dont les idées politiques ne se différentiaient pas beaucoup de celles de la droite et qui n’avait pas l’intelligence de Pompidou. . Il est probable que j’aurais voté pour Pompidou au second tour. Tout en n’étant pas en accord avec sa politique, je le considérais comme un homme intelligent, cultivé et honnête.

 

(à suivre)

                                                          Jean-Pierre Bénisti  

 

Mais où sont les présidentielles d'antan  ? (nouvelle édition)
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22 décembre 2021 3 22 /12 /décembre /2021 16:59

Lors des dernières années de la présence française en Algérie, des édifices religieux, surtout chrétiens, virent le jour.

En dehors des églises qui se substituaient à des mosquées, dans les quartiers où théoriquement la clientèle était davantage chrétienne que musulmane, des églises furent bâties selon les modèles des églises françaises : petits clochers des églises de France et surtout prédominance des styles sulpiciens pour les sculptures et vitraux décorant ces lieux.

En France, les nouvelles constructions religieuses subirent l’influence du renouveau de l’art sacré, inspiré par le Père Marie-Alain Couturier (1997-1954) qui orienta les constructions religieuses vers des architectures d’avant-garde souvent décorées par des peintres contemporains. C’est ainsi que l’architecte Novarina fit les plans de l’église du plateau d’Assy (Notre-Dame de toute Grace) décorée par Bonnard, Chagall, Rouault, Germaine Richier, Fernand Léger et Lipchitz Matisse décora la chapelle du Rosaire à Vence. Le Corbusier fit les plans de l’église de Ronchamps, dont l’architecture s’inspirait des mosquées du M’Zab

En Algérie, à partir de 1945, les nouvelles constructions religieuses subirent aussi l’influence du Père Couturier. Alger était presque une capitale artistique. Des architectes qui étaient souvent élèves ou disciples de Le Corbusier furent chargés de faire les plans de nouveaux édifices, souvent décorés par leurs amis peintres et des sculpteurs.

Des artistes d’Algérie s’intéressaient particulière à l’art sacré. Vers 1954, le Cercle Lélian, cercle culturel dirigé à l’époque par Jean-Richard Smadja, organisa une exposition d’art sacré où les trois religions monothéistes étaient représentées.

 

Entre 1956 et 1957, Roland Simounet (1927-1996) construisit une petite église 5sainte Marguerite -Marie) de briques rouges dans le village de Tefeschoun, non loin de Tipaza. Des peintures de Sauveur Galliero devaient orner les murs de la nef ; Ils restèrent dans l’atelier de l’artiste. Aujourd’hui cette église n’est pas devenue mosquée et abrite une association culturelle.

 

À Alger dans le quartier de Belcourt, l’architecte Tony Socard (1901-1996) construisît l’église de Sainte Rita. Il fit appel au sculpteur Henri Chouvet (1906-1987) qui fit une sculpture de Sainte Rita que les autorités religieuses de l’époque ont refusée. C’est le peintre JAR Durand (1914-2001) qui fit dans la crypte des fresques inspirées des peintures des Catacombes de Rome. Aujourd’hui, l’église est devenue mosquée et les fresques ne sont plus visibles. (1)

 

Vers 1957, le peintre Henri Caillet (1997-1958), fit les maquettes des vitraux qui devaient orner la Chapelle de l’hôpital de Mustapha, qui ne furent pas réaliser

 

Toujours à Alger, une basilique de béton dite du Sacré-Cœur (, Architectes P.Herbé, J ;le Couleur, R.Sarger) :  finit par voir le jour au lendemain de l’Indépendance, remplaçant la vieille cathédrale redevenue mosquée. Elle répondait au désir des chrétiens de maintenir une présence chrétienne dans un pays musulman.

 

Les architectes Pierre-André Emery (1903-1982) et Louis Miquel (1913-1987) bâtirent en 1959 un petit temple protestant dans le quartier d’Hussein-Dey. Ils firent appel au talent   Jean de Maisonseul (1912-1999) pour les vitraux. (1)

 

Enfin, après le séisme d’Orléansville (aujourd’hui Chlef) , on fit appel à Claude Séror pour bâtir une synagogue et à Robert Hansberger pour bâtir une mosquée.

 

 

            Jean-Pierre Bénisti

 

 

  1. Voir ; https://belcourtois.com/index.php/projet/eglise-saint-paul-sainte-rita/
  2. Voir : Bernard Roussel Pasteur en Algérie : https://journals.openedition.org/emam/683

 

 

 

Église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun. (Photos JPB) Peinture Sauveur Galliero (Descente de croix)
Église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun. (Photos JPB) Peinture Sauveur Galliero (Descente de croix)
Église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun. (Photos JPB) Peinture Sauveur Galliero (Descente de croix)
Église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun. (Photos JPB) Peinture Sauveur Galliero (Descente de croix)

Église Sainte-Marguerite-Marie de Tefeshoun. (Photos JPB) Peinture Sauveur Galliero (Descente de croix)

Eglise Sainte Rita. Fresque de JAR Durand et sculpture de Henri Chouvet
Eglise Sainte Rita. Fresque de JAR Durand et sculpture de Henri Chouvet
Eglise Sainte Rita. Fresque de JAR Durand et sculpture de Henri Chouvet
Eglise Sainte Rita. Fresque de JAR Durand et sculpture de Henri Chouvet

Eglise Sainte Rita. Fresque de JAR Durand et sculpture de Henri Chouvet

Crucifixion de Henri Caillet (Projet de vitrail)

Crucifixion de Henri Caillet (Projet de vitrail)

Temple protestant Hussein-Dey (Photos JPB). Vitrail de Jean de Maisonseul
Temple protestant Hussein-Dey (Photos JPB). Vitrail de Jean de Maisonseul
Temple protestant Hussein-Dey (Photos JPB). Vitrail de Jean de Maisonseul

Temple protestant Hussein-Dey (Photos JPB). Vitrail de Jean de Maisonseul

Mosquée d'Orléansville (Chlef aujourd'hui)Photos JPB
Mosquée d'Orléansville (Chlef aujourd'hui)Photos JPB

Mosquée d'Orléansville (Chlef aujourd'hui)Photos JPB

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19 décembre 2021 7 19 /12 /décembre /2021 16:05

En 1948, eurent lieu dans les environs d’Alger à Sidi-Madani des  rencontres d’écrivains et d’artistes originaires de France et d’Algérie. Ces rencontres avaient été organisées par Charles Aguesse, inspecteur des Mouvements de jeunesse et d'éducation populaire en Algérie, assisté de Christiane Faure, Inspectrice Départementale de ce, même service, sœur ainée de Francine Camus.

Ces rencontres furent d’une importance capitale. Elles réunirent d’éminentes personnalités du monde des arts et des lettres de France et d’Algérie, comme les écrivains Francis Ponge, Jean Cayrol, Louis Guilloux, Mohamed Dib, Emmanuel Roblès, Jean Sénac, les artistes Marcel Damboise, Simon Mondzain, Jean de Maisonseul, Louis Bénisti, Sauveur Galliero et le musicien El Boudali Safir.

(Note de Jean-Pierre Bénisti)

Différents articles ont été publiés sur ces rencontres : le premier est celui du Père Jean Dejeux:

Le deuxième est celui de Jean-Claude Xuereb publié dans le Bulletin de la SEC, avec les souvenirs de Mohamed Dib sur ces journées de Sidi Madani.

Article de Jean-Claude Xuereb dans le bulletin de la Société des études cambriennes de janvier 2001

Document d'archives de Charles Aguesse communiqué par Hamid Nacer-Khodja (1953-2016)

Le journal de Charles Aguesse, préfacé par Guy Basset, doit paraître prochainement à  Alger  aux éditions El Kalima dans la collecton PIM (Petits inédits maghrébinsOuvrage disponible auprès de l'association ASPAME, 250 rue Paul Valéry - 34400 Lunel.au prix de 16€, port inclus.

Le journal de Charles Aguesse, préfacé par Guy Basset, doit paraître prochainement à Alger aux éditions El Kalima dans la collecton PIM (Petits inédits maghrébinsOuvrage disponible auprès de l'association ASPAME, 250 rue Paul Valéry - 34400 Lunel.au prix de 16€, port inclus.

Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui  de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;
Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui  de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;
Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui  de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;
Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui  de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;
Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui  de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;

Louis Bénisti avec Albert Camus - Louis Bénisti avec Mohamed Dib - Albert Camus, Mohamed Dib et Emmanuel Roblès- Louis Guilloux et Albert Camus- Louis Parrot (1906-1948) auteur d'études dans la collection Poètes d'aujourd'hui de Pierre Seghers sur Paul Eluard, Federico Garcia Lorca et Blaise Cendrars;

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19 décembre 2021 7 19 /12 /décembre /2021 15:53

 

Ce texte de Pierre Bourlier relatif à l’École Volta était disponible en ligne. Il a disparu. Il est donc important de le mettre à la disposition du public. J’ai cité ce texte dans un article que j’ai écrit sur les architectes amis de Camus dans la Revue Présence, d’Albert Camus, n°6, 2014.

Il faut rappeler que lorsque la villa de la famille Jouyne-Bourlier, occupée par Jean de Maisonseul, devait être démolie. Jean de Maisonseul transforma la villa en atelier. Il invita ses amis Louis Bénisti, sculpteur et René-Jean Clot, peintre à travailler dans cette villa en attendant sa démolition. C’est ainsi que René-Jean Clot fit une série de gravures illustrant les Histoires Saintes de Max-Pol Fouchet et que Bénisti fit les bustes de René-Jean Clot, Louis Miquel, Jean de Maisonseul et André Acquart.

Pierre -André Emery demanda à Marie Viton, celle qui faisait les décors de théâtre de la troupe de Camus de faire les fresques du hall de l’école.

Cette école eut des instituteurs et des élèves prestigieux comme Jacques et Bernard Attali, Jean-Pierre Castellani,  Daniel Mesguish ou Michel Wilson.

Dans un ouvrage collectif : À l'école en Algérie, des années 1930 à l'Indépendance, ouvrage dirigé par Martine Mathieu-Job, aux éditions Bleu Autour, en 2018, Daniel Mesguish et Jean-Pierre Castellani, lui-même fils d'un instituteur de l'École Volta, relatent leurs souvenirs.

 

             (Note de Jean-Pierre Bénisti)

 

 

HISTOIRE DE L’ECOLE VOLTA

 

Propos recueillis par Pierre ALTAIRAC et Françoise BOURLIER, son épouse

auprès de leur oncle Pierre BOURLIER né en 1912, ancien architecte à Alger.

 

 

A l’époque où les frères Barberousse gouvernaient la Régence d’Alger, au sud de la ville, sur le rivage de la baie, à un kilomètre environ dans les terres, au-delà des propriétés de l’Agha s’ouvrait un chemin turc, dénommé Sidi Brahim. Il était composé d’une chaussée en pas d’âne, ombragé d’oliviers. Son trajet escaladait les collines en direction d’El Biar. A mi parcours, sur sa rive sud, il longeait un petit plateau rocheux, saillant fortement sur la pente moyenne de la colline.

En 1830, après la reddition d’Alger à l’armée française, les militaires entreprirent sans tarder la réalisation de routes carrossables afin de faciliter la desserte et la défense du territoire. L’une de ces routes partait du faubourg Bab Azoun, cheminait en pente douce au flanc des collines en direction du sud-ouest, et croisait le chemin Sidi Brahim, juste avant de longer sur sa rive nord le plateau déjà évoqué. Elle poursuivait son trajet vers Mustapha Supérieur.

A partir de 1831, débarquèrent dans le port barbaresque les civils nécessaires à l’entretien des troupes, suivis d’immigrants de toutes classes sociales et de métiers les plus divers. Parmi eux, débarqua un jour un certain Monsieur Saulière. La tradition orale le dit entrepreneur de travaux publics et originaire de Lyon. Nous ignorons sa date exacte d’arrivée et l’importance de ses travaux, mais c’était déjà un homme fortuné lorsqu’il décida de construire sa Villa vers 1845-1850.

Dans ce but, il acheta le fameux plateau rocheux, soit à cause de sa double desserte routière, soit en raison de son exposition aux vents d’est, si rafraîchissants durant l’été, enfin peut être fut-il tout simplement séduit par la vue magnifique sur la Casbah, la baie, le Cap Matifou, le Bou Zegza et le Djurdjura. La parcelle formait un triangle bâtard d’environ un hectare bordé au nord-est par le chemin Sidi Brahim et au sud-est par la route de Mustapha Supérieur, plus tard devenue rue Michelet.

Le programme général de la Villa, fixé par le propriétaire, prévoyait deux bâtiments situés dans la zone supérieure du plateau : la maison de maître et les locaux de service. Le reste du terrain constituait un parc très accidenté du coté de la rue Michelet. Les plans d’ensemble de la Villa, des bâtiments et du jardin furent certainement dressés par le personnel de l’entreprise Saulière. Aucun de ces documents n’a subsisté.

  •         La maison de maître.

Elle fut implantée au centre d’une parcelle d’environ 5000m², bordée à l’ouest par une propriété voisine et vers le nord par le chemin Sidi Brahim. Le terrain était peu pentu et fut aplani. La maison occupa une surface d’environ 360 m². Les derniers propriétaires ont pu reconstituer son plan à partir de leurs souvenirs. Le rez-de-chaussée surélevé d’un mètre environ comportait : un portique d’accès, le hall d’entré, le salon, la salle à manger, et la cuisine. Cet ensemble entourait l’escalier aboutissant à l’étage au milieu d’une grande cour couverte, équipée d’une lanterne d’éclairage et de ventilation, sur laquelle ouvraient toutes les chambres ; elles prenaient jour sur le jardin mais pouvaient aussi être ventilées sur la cour durant l’été. Cet agencement original fut peut-être inspiré par l’architecture locale ou les atriums romains. Il ne subsiste aucune photographie du bâtiment permettant de connaître le style des façades. Toutefois un croquis d’amateur datant de 1930 permet de savoir que Monsieur Sauliere avait opté pour le style néo-classique, déjà utilisé à Alger pour la reconstruction des rues Bab Azoun et Bab El Oued.

  •         Le bâtiment de service.

Il était séparé de la Villa de maître et bordait le chemin Sidi Brahim sur une quarantaine de mètres à partir de la limite ouest. Il comportait : les logements du personnel, le fenil, l’écurie, le garage à voitures, l’atelier, et la buanderie. Ce bâtiment, conçu avec un étage sur rez-de-chaussée, était d’une architecture très simple : murs de façade sans décoration et toiture à deux pentes couvertes en tuiles canal. Certains appartements de l’étage, bâtis en retrait, disposaient d’une terrasse.

  •         Le jardin.

Son plan d’aménagement fut conditionné par l’obligation d’aménager sur le terrain Saulière un accès aux véhicules lourds montant de la rue Michelet à la plate-forme du futur chantier. Le chemin Sidi Brahim, muletier par destination, n’était pas utilisable. L’entreprise construisit donc une véritable route au tracé fort sinueux en raison de l’important dénivelé. A la fin du chantier, cette route devint l’allée principale du jardin. Sur cette parcelle, d’environ 3000 m² autour des bâtiments, furent ensuite plantés de nombreux arbres exotiques, peut-être fournis par le ‘Jardin d’essais’. On pouvait dénombrer des ficus, des yuccas, des cyprès, des bellombras et des faux-poivriers. Deux oliviers plusieurs fois centenaires furent conservés en place.

Après son achèvement et en raison de son site et de la qualité des bâtiments, la Villa du Plateau Sauliere devint le point de mire d’un vaste quartier, qui prit le nom même de Plateau Saulière, nom attribué plus tard au 6éme arrondissement d’Alger. A la même époque la portion du chemin Sidi Brahim allant du carrefour Michelet au Telemly prit le nom de chemin de la Solidarité.

A la fin du XIXe siècle, la ville s’étant rapidement développée la municipalité se trouva dans l’obligation d’organiser un vaste programme de transports en commun couvrant toute l’agglomération d’Alger. Il en résulta la création d’une ligne de tramways électriques allant de l’hôpital du Dey à Mustapha Supérieur en passant par les rues Bab El Oued, Bab Azoun, Isly et Michelet. Sa réalisation fut confiée à la Société des Transports Algérois (T.A.). Le terminus de la première tranche des travaux se situa rue Michelet à hauteur de la Villa Saulière. Ce fut la cause du morcellement de cette propriété. En effet, les T.A. acquirent deux grandes parcelles du jardin pour y installer leur dépôt de matériel. La fameuse Villa se trouva réduite aux deux bâtiments d’habitation entourés d’un jardin de 1800 m², heureusement encore orné des nombreux arbres.

Elle passa ensuite de main en main et fut en particulier habitée par la famille Dalaise puis par le Docteur Bullinger, bien connu des vieux algérois. Mise en vente en 1918, elle fut rachetée par le Docteur Charles Bourlier -père de Pierre Bourlier-.

En 1928 la Ville d’Alger recherchait dans le 6éme arrondissement un terrain en vue d’y construire une école. Elle jeta son dévolu sur l’ex-Villa Saulière. Des pourparlers s’engagèrent et le contrat d’acquisition fut signé, avec une clause spéciale qui permettait au vendeur de rester dans les lieux jusqu'à la mise en chantier. Le Docteur Bourlier ne déménagea qu’au printemps 1932.

L’administration désigna P.A. Emery (ancien élève de Le Corbusier) comme architecte de la future école. Puis lors de l’élaboration du projet, Jean de Maisonseul (connu par la suite comme peintre et vieil ami d’Albert Camus) dessina les plans du bâtiment. L’emprise au sol du futur bâtiment imposa l’abattage de tous les arbres.  Monsieur Emery obtint de son client l’autorisation de maintenir dans la cour un ficus planté 87 ans plus tôt. Avec l’âge, il avait pris des proportions majestueuses et de ses branches surplombant la rue Volta avaient poussé des radicelles descendant jusqu’à la chaussée de la rue Volta. Cependant le chantier lui imposa quand même un élagage important.

Après la fin des travaux, elle fut inaugurée sous le nom d’Ecole Volta et fonctionna sous ce nom au moins jusqu’à l’Indépendance de l’Algérie. Depuis, elle doit poursuivre ses activités scolaires mais très vraisemblablement sous un nom différent ?(1)

Chacun de nous aimerait savoir si le vieux ficus, témoin des temps révolus, orne encore la cour de récréation !

 

Paris, mars 2001.

 

 

 

 

 

Vor/ Jean-Pierre Bénisti : Albert Camus et les architectes d’Alger Revue Présence, d’Albert Camus, n°6, 2014.

e

 

https://www.aurelia-myrtho.com/article-camus-et-les-architectes-d-alger-123962441.html

 

 

 

  1. L’École Volta a e-été débaptisée et porte le nom de l’Émir Khaled. Je ne pense pas que les familles de Volta et de l’Émir Khaled aient été consultées au sujet de cette débaptisation. Grace à Volta, l’école bénéficie d’un éclairage électrique.

 

 

 

 

L' École Volta en 2007 Photo JPB
L' École Volta en 2007 Photo JPB
L' École Volta en 2007 Photo JPB

L' École Volta en 2007 Photo JPB

Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)
Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)
Les fresques de Marie Viton  (Photos Jean-Pierre Castellani)

Les fresques de Marie Viton (Photos Jean-Pierre Castellani)

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11 décembre 2021 6 11 /12 /décembre /2021 12:07

Pipi ou pas pipi, telle est la question.

 

Jérome Bosch
Jérome Bosch

Jérome Bosch

LACAUNE LES BAINS (Tarn) Fontaine XII ème siècle

LACAUNE LES BAINS (Tarn) Fontaine XII ème siècle

Rembrandt
Rembrandt

Rembrandt

Picasso

Picasso

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22 novembre 2021 1 22 /11 /novembre /2021 17:13

     Le 23 novembre 1961, Maurice Perrin, militant de la Trève civile d'Albert Camus,  était assassiné à Alger par un commando de l’OAS. Dans ce climat de guerre civile qui régnait à Alger à la veille de l’indépendance, l’organisation terroriste entreprenait son vaste travail de suppression physique des personnes susceptibles de construire des ponts entre les diverses communautés. Et c’est ainsi que des avocats comme Maître Popie, des fonctionnaires comme Alfred Locussol, des militants socialistes comme William Lévy des instituteurs comme Noël Linarès, et plus tard les inspecteurs des Centres sociaux comme Salah Ould Aoudia, Max Marchand et le célèbre écrivain Mouloud Feraoun furent les innocentes victimes d’un terrorisme imbécile.

Maurice Perrin avait été le condisciple d’Albert Camus au lycée d’Alger en hypokhâgne 

Sur la photo célèbre de la classe d’hypokhâgne du lycée Bugeaud (Emir Abdelkader aujourd'hui), on reconnaît au centre Monsieur Paul  Mathieu, professeur de français, Monsieur Sauvage, proviseur, Monsieur Garoby, professeur d’histoire et géographie et Évelyne Izac (future Evelyne Baylet, mère du ministre Jean-Michel Baylet)  Au deuxième rang, à l’extrême droite, Jean Bogliolo, et de droite à gauche  André Bélamich, une étudiante inconnue et Claude de Fréminville (futur Claude Terrien) , derrière le proviseur. Toujours au deuxième rang, mais à l'extrême gauche Marcel Chiapporé, puis Paul Boyer. Au dernier rang, de droite à gauche Maurice Perrin, puis Albert Camus sans calot.

Il fréquentait Camus à l’époque où il dirigeait le théâtre de l’Équipe et il le rencontrait souvent dans la Maison Fichu dite Maison devant le monde et dans l’atelier de Bénisti. En 1956, il devait participer aux côtés de Miquel, Simounet, Roblés, Maisonseul et Poncet, à l’organisation du mouvement de la Trêve Civile, faisant suite à l’appel d’Albert Camus. Peu après l’attribution du prix Nobel à Camus, il rédigea un portrait de Camus qui aurait du être publié dans le premier numéro de la revue Rivages, qui aurait dû reparaître. Le projet de reparution fut abandonné à la suite du plasticage de la librairie d’Edmond Charlot. Il disait dans cet article, publié seulement en 2016 : «  A travers toute son œuvre court une vibration secrète qui lui donne son timbre unique: l'ardente volonté de prendre pleinement possession de sa condition d'homme, non pas dans la solitude, mais fraternellement avec tous ceux qui l'assument souvent dans l'obscurité, le désarroi ou le désespoir, ne le rend pas  sourd au mystérieux appel d'une voix qui a nom Beauté, Innocence, Pureté... »

 

                                                                       Jean-Pierre Bénisti

 

(1) Voir 

Album Camus : iconographie choisie et commentée par Roger Grenier. Gallimard,, Bibliothèque de la pléiade, 1982.

Paul Mathieu : Petite histoire de la Khâgne africaine (Avant-propos de Guy Basset) in Présence d’Albert Camus. Revue publiée par la  Sociétés des études Camusiennes, n°1, 2010

Jean-Pierre Bénisti : Camus au lycée d’Alger Blog : https://www.aurelia-myrtho.com/article-camus-au-lycee-d-alger-124987527.html

Maurice Perrin  : Camus, élève de Khâgne à Alger in  Louis Bénisti : On choisit pas sa mère. Souvenirs sur Albert Camus. L'Harmattan. Paris 2016 p.161-170

Jeanne Delais : l’Ami de chaque matin. Vie et luttes de Claude Terrien. Grasset, Paris, 1969 p. 114-115

La classe d'hypokhâgne du lycée Bugeaud en 1932-33

La classe d'hypokhâgne du lycée Bugeaud en 1932-33

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1 novembre 2021 1 01 /11 /novembre /2021 09:42

En 1967, Visconti vint à Alger pour le tournage de l’Étranger avec Mastroianni et Anna Karina.  Camus, de son vivant, avait toujours refusé qu’un de ses romans fût porté à l’écran. Sa famille a pris une autre décision. Le tournage du film fut vécu à Alger, comme un retour posthume de l’écrivain à Alger. Pendant le tournage, un jeune cinéaste spécialisé dans le documentaire Gérard Patris1 essaya de faire un reportage sur l’impact du tournage de l’Étranger sur les Algériens. Il filma le groupe des amis de Camus dans un palais de la Casbah (Ancienne bibliothèque nationale2 de la (, aujourd’hui, Palais Mustapha Pacha musée de l’Enluminure, 12 rue des frères Mecheri) ex Émile Maupas) Poncet, Maisonseul, Bénisti et Sénac discutèrent avec de jeunes étudiants algériens qui essayaient de situer Camus dans un contexte sociologique et historique.  Les amis s’étaient auparavant retrouvés chez Jean de Maisonseul3 et ils avaient évoqués la colère de Camus lorsqu’il apprit la participation du FLN au service d’ordre lors de l’Appel pour la Trêve civile.

Certains Algériens étaient embarrassés par la position de Camus : Comment un intellectuel qui avait su reconnaître la situation sociale de l’Algérie, lors de son reportage sur la Kabylie n’ait pas adhéré à la Révolution algérienne. Si Camus avait été comme beaucoup de ses compatriotes partisans du statut colonial de l’Algérie, il eut été facile ou de le rejeter ou de ne reconnaître que l’écrivain de talent. Mais devant un écrivain qui prend une position singulière, il était très difficile de le rejeter entièrement. Il a donc fallu trouver des astuces : on a d’abord reproché à l’écrivain d’avoir seulement mis les Algériens dans ses récits uniquement comme éléments de décor. Il était facile de confondre le récit du héros de l’Étranger avec le Je récit de l’auteur du livre, bien que Camus se soit représenté dans son récit par la personne d’un journaliste observant le procès (à la manière de Vélasquez qui s’est peint dans un coin du tableau les Ménines), rôle joué dans le film par Emmanuel Roblès.

On a pu faire aussi une tentative d’interprétation psychanalytique de l’Étranger, en considérant que l’Arabe qui avait été tué, représentait symboliquement l’Algérie, c’est-à-dire la Mère et que c’était la raison de la condamnation de Meursault où il est surtout condamné pour avoir été indifférent à la mort de sa mère.

 

Devant l’attirance des jeunes algériens pour l’écrivain, le ministre de l’Éducation Ahmed Taleb-Ibrahimi4 fit une conférence mémorable dans laquelle il déclara que Camus n’était pas un écrivain algérien mais un écrivain étranger en insistant sur le jeu de mot sur l’étranger qui serait à la fois le titre du livre et le qualitatif utilisé pour désigner l’écrivain en le disqualifiant. Cette conférence du ministre fut ressentie comme une excommunication (ou une fatwa).

Ces journées algéroises de 1967 où s’installait un débat sur Camus ont été relatées par Laadi Flici5  - un   de mes camarades de la Faculté d’Alger, dans  un récent ouvrage : Alger 1967, Camus un si proche étranger.

Après cette conférence, Camus fut méprisé par l’Algérie officielle et il fut presque oublié. Il a fallu attendre les années 90 pour que Camus suscite l’intérêt des Algériens. Sans doute, les Algériens, dans leur ensemble, ont été sensibilisés par le terrorisme qui sévissait à l’époque et ils ont compris alors la position de Camus.

 

 

                                                                       Jean-Pierre Bénisti

 

 

  1. Gérard Patris (1931-1990) Cinéaste ayant fait des documentaires notamment sur Dubuffet ou Arthur Rubinstein, en collaboration avec François Reichenbach.
  2. Palais Dar Mustapha Pacha : Bibliothèque nationale jusqu’en 1958, rue Émile Maupas aujourd’hui rue Méchéri. Le peintre Sauveur Galliero et le poète Jean Sénac ont habité une maison voisine. Voir : Agnès Spiquel et Christian Phéline : Alger sur les pas de Camus Arak Éditions. Ager 2019
  3. Hamid Nacer-Khodja : Sénac chez Charlot p.64 Domens, Pézénas, 2007.
  4. Ahmed Taleb-Brahimi : Lettres de prison, Éditions nationales algériennes.
  5. Laadi Flici (1937-1993) médecin assassiné dans son cabinet en 1993. Voir Laadi Flici et d’autres : Alger 1967, Camus, un si proche étranger. Présentation d’Agnés Spiquel. Éditions El Kalima. Petits inédits maghrébins, dirigé par Guy Dugas.

 

 

Voir

 

À propos d’un crime ;

https://youtu.be/n40AZjM_Idg

Sénac et Visconti :

https://www.aurelia-myrtho.com/2018/01/luschino-visconti-et-jean-senac-a-alger-en-1966-un-article-de-hamid-nacer-khodja.html

Anna Karina :

https://www.aurelia-myrtho.com/2019/12/adieu-anna-karina.html

 

 

 

 

 

A propos de l'Étranger de Visconti
A propos de l'Étranger de Visconti
Jean Sénac

Jean Sénac

Charles Poncet

Charles Poncet

Jean de Maisonseul

Jean de Maisonseul

Louis Bénisti

Louis Bénisti

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19 octobre 2021 2 19 /10 /octobre /2021 14:35

      Jamais un Président de la République n'a été aussi loin dans la reconnaissance des méfaits du colonialisme et des crimes commis pendant la guerre d'Algérie. Et pourtant les relations entre l'Algérie et la France n'ont pas  été aussi mauvaises.

      Je tiens tout de suite à dire que si je trouve que le Président est sorti de son rôle, car il n'est pas historien, en donnant son point de vue sur la naissance de la nation algérienne ou sur l'occupation ottomane, je tiens à saluer son action en faveur d'une réconciliation de mémoires  qui sont forcément souvent opposées.

       La raison principale de la colère d'Alger, vient du fait que la France , essayant de faire son mea-culpa, invite l'Algérie à en faire autant. On immagine mal  un responsable algérien évoquer les assassinats ciblès commis par le FLN, le massacre de Melouza et les multiples enlèvements de personnes, françaises ou algériennes,  durant l'été 62. 

       Devant l' actuelle  instabilité politique algérienne, le gouvernement algérien essaie de faire diversion en se fachant avec le Maroc, d'une part et la France de l'autre.

       Je me souviens de la nuit du 17 octobre 1961, j'avais quitté temporairement Alger et je logeais à Montmartre chez une tante. Je poursuivais une scolarité au lycée Jacques Decour, où j'étais en classe terminale.. Cette nuit ,alors que j’étais en train de finir mon travail, vers onze heures du soir. ma tante Suzanne, qui était en train d’écouter la radio, vint m’informer que des Algériens en masse manifestaient sur les boulevards. Je n’étais pas étonné, car j’avais su que le préfet de police Maurice Papon venait d’instaurer un couvre-feu, frappant les Algériens, en raison de fréquents attentats visant les policiers. Ce couvre-feu était tout à fait illégal, car il visait les seuls musulmans qui n’étaient reconnaissables que par leurs caractéristiques physiques. Les Algériens vivant en région parisienne avaient mal ressenti cette mesure discriminatoire et avait fait part de leurs mécontentements. Le lendemain, lorsque je lus les journaux, j’appris qu’il y eut une terrible répression. Les services d’urgence des hôpitaux avaient reçu de nombreux blessés. La Seine charriait des cadavres de manifestants noyés. Enfin les militants des droits de l’homme s’indignaient que le préfet Papon ait donné l’ordre de parquer les manifestants au Palais des sports, de la même façon que la Gestapo avait parqué les juifs au Veld ’Hiv. Triste retour des choses. On pourrait presque parler de retour du refoulé. Dans les années 80, on apprendra que Papon avait été un fonctionnaire du gouvernement de Vichy à Bordeaux et qu’il avait signé des ordres de déportation de juifs. Il faudrait un jour écrire une thèse sur l’utilisation des stades pour parquer les prisonniers. Au Chili en 1973, Pinochet parqua ses opposants au stade de Santiago.

         Le 8 février 1962, une manifestation de protestation, suite à une bombe visant le ministre Malraux et blessant une peite fille qui habitait appartement voisin de celui du ministre, fut réprimée par la police de Papon : bilan neuf morts près du métro Charonne.  Sinistre Papon ! Heureusement qu’il ne fut pas en service en mai 68, car il y aurait eu beaucoup de  victimes. Le prefet Maurice Grimaud  avait su éviter le désastre.

            Mon professeur de philosophie, Pierre Gardère qui se disait fidèle au personnalisme d’Emmanuel Mounier nous fit part de son indignation devant la répression des manifestants et cita le communiqué de l’épiscopat catholique condamnant ces actes. J'ai su par la suite que des députés appartenant à la majorité parlementaire avait vivement protesté lors d'une séance à l'Assemblée. Je pense notamment à Eugène Claudius-Petit, homme politique remarquable qui par la suite a permis a Simone Veil d'avoir une majorité pour la loi sur l'interruption volontaire de grossesse.

   Des questions demeurent sans réponses : comment Papon, qui avait été un fonctionnaire zélé du régime de Vichy ait pu poursuivre sa carrière comme fonctionnaire de la République. Comment la nomination de Papon comme ministre du budget de Raymond Barre ait été accepté par les  français sans la moindre protestation.

                                                      Jean-Pierre Bénisti.

 

 

 

 

Regards sur l'actualité
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