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13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 15:59

Je suppose que le monde soit une forêt. Bon !

Il y a des baobabs, du chêne vif, des sapins noirs, du noyer blanc ;

Je veux qu'ils poussent tous,
bien fermes et drus, différents de bois, de port, de couleur,
mais pareillement pleins de sève
et sans que l'un empiète sur l'autre, différents à leur base.

mais oh !
que leur tête se rejoigne oui très haut dans l'éther égal à ne former pour tout qu'un seul toit
je dis l'unique toit tutélaire !

 

Aimé Césaire :Et les chiens se taisaient, © Présence africaine, 1946

Chambon sur Lignon 1961 © JPBénisti)

Chambon sur Lignon 1961 © JPBénisti)

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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 15:29

       Il y avait des imbéciles qui venaient vous parler de volonté de puissance et de lutte pour la vie. Il n’avaient donc jamais regarder une bête ni un arbre ? Ce platane, avec ses plaques de pelade, ce chêne à moitié pourri, on aurait voulu me les faire prendre pour des jeunes forces âpres qui jaillissent vers le ciel. Et cette racine ? Il aurait sans doute fallu que je  me la représente, comme une griffe vorace, déchirant la terre, lui arrachant  sa nourriture. 

         Impossible de voir les choses de cette façon-là. Des mollesses, des faiblesses, oui. Les arbres flottaient. Un jaillissement vers le ciel ? Un affalement plutôt ; à chaque instant, je m’attendais à voir les troncs se rider comme des verges lasses, se recroqueviller et choir sur le sol en un tas noir et mou avec des plis. Ils n’avaient pas envied’exister. Seulement ils ne pouvaient pas s’en empêcher ; voilà.      

 Jean-Paul Sartre : La nausée. Gallimard –Folio p.187-188

La racine (Texte de Jean-Paul Sartre)
Amsterdam Février 2017 Photo JPB

Amsterdam Février 2017 Photo JPB

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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 15:24

Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché,
Qui pour son ornement quelque trophée porte,
Lever encore au ciel sa vieille tête morte,
Dont le pied fermement n’est en terre fiché,

 

Mais qui dessus le champ plus qu’à demi penché
Montre ses bras tout nus et sa racine forte,
Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte
Sur un tronc nouailleux en cent lieux ébranché :

 

Et bien qu’au premier vent il doive sa ruine,
Et maint jeune à l’entour ait ferme la racine,
Du dévot populaire être seul révéré :

 

Qui tel chêne a pu voir, qu’il imagine encore
Comme entre les cités, qui plus florissent ore,
Ce vieil honneur poudreux est le plus honoré.

 

 

 

 

Joachim du Bellay

Antiquités XXVIII

1558

 

 

qualis frugifero quercus, sublimis in agro
exuvias veteris populi sacrataque gestans
dona ducum, nec jam validis radicibus hærens
pondere fixa suo est ; nudosque per aæra ramos
effundens trunco, non frondibus,, efficit umbram,
et, quamvis primo nutet casura sub Euro,
tot circum silvæ firmo se robore tollant,
sola tamen colitur.

 

Tel un grand chêne dans une campagne fertile portant les dépouilles d’un peuple antique et les dons consacrés par les généraux. Il n’est plus soutenu par de solides racines, il tient uniquement par son poids tout en répandant ses branches nues dans le ciel. Son ombre ne provient que de son tronc et non de son feuillage. Mais quoiqu’il vacille, qu’il soit prêt à tomber au premier souffle de l’Eurus et que tant d’autres arbres vigoureux l’entourent, il est le seul qui soit honoré

 

LUCAIN ? Pharsale I, 135-142

 

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 18:35

L’arbre, l’ami de l’homme…

 

            L’arbre, l’ami de l’homme, symbole de toute créature organique, l’arbre, image de construction totale. Spectacle ravissant qui, lien que dans  un ordre impeccable, apparaît à nos yeux sous les plus fantastiques arabesques ; jeu mathématiquement mesuré des branches démultipliées à chaque printemps d’une nouvelle main ouverte. Feuilles aux nervures si bien régulières. Couverture, sur nous, entre terre et ciel. Écran généreux à proximité de nos yeux. Mesure agréable interposée entre nos cœurs et nos yeux et les géométries éventuelles de nos constructions dures. Outils précieux dans les mains de l’urbaniste. Expression la plus synthétique des forces de la nature. Présence de la nature, dans la ville, autour de nos labeurs et de nos divertissements.

         Arbre,, compagnon millénaire de l’homme.

 

            Le Corbusier : Quand les cathédrales étaient blanches… 

Alger, rue Volta Mai 2007 Photo JPB

Alger, rue Volta Mai 2007 Photo JPB

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 14:57

 

De l'arbre où ce n(est pas Merlin  qui est prisonnier

 

Le temps torride étreint l'arbre étrangement triste

Tord ses bras végétaux au-dessus de l'étang

Et des chaînes d'oiseaux chargent ce chêne-Christ

 

L'enchanteur n'en est plus l'invisible habitant

Et si ce n'est Merlin qui s'est pris à son piège

Qui demeure captif dans le bois palpitant

 

Sous un ciel sans merci quand le lierre l'assiège

Quel espoir coule encore aux blessures du tronc

Qui gémit sous l'écorce une plainte de liège

 

Il erre par ici d'atroces bûcherons

Il est sous le couvert des haches toujours prêtes

Ah sera-t-il trop tard quand nous reconnaîtrons

 

Le martyre secret dans la mort indiscrète

Et notre propre chair et notre propre sang

Pour jeter au bourreau le grand cri qui l'arrête

 

Lire lorsque la nuit sur la forêt descend

L'INRI d'une défaite à son front de ramures

Et l'arbre porte alors l'écriteau du croissant

 

Écoutez L'ombre dit des noms comme des mûres

Noirs mais entre nos dents de vrais soleils fondants

Chacun d'eux qu'on taisait l'avenir le murmure

 

Chacun d'eux à l'appel de France répondant

Chacun d'eux a l'accent qu'il faut au sacrifice

La gloire n'eut jamais autant de prétendants

 

L'étoile luit plus haut que les feux d'artifice

Ô Mère c'est en vain lorsque le cœur te fend

Qu'on voudrait te cacher le compte de tes fils

 

Chacun d'eux dans la terre ou dans l'arbre étouffant

C'est en vain qu'on voudrait te cacher sa torture

Tu sais qu'on l'a tué car il est ton enfant

 

Et qu'il ne revient plus se pendre à ta ceinture

C'est en vain qu'on voudrait te dire qu'ils ne sont

Que les petits d'une autre ou nés contre nature

 

Des bâtards eux que tu berças de tes chansons

Eux qui trouvaient pour toi le ciel pas assez ample

Dont le dernier regard brilla de ta leçon

 

Pareils à ceux jadis à qui l'on fit des temples

Pareils à ceux naguère aux monuments inscrits

Eux qui nourris de toi sont morts à ton exemple

 

Et n'ont rien regretté le jour qu'ils ont péri

Puisqu'ils dirent ton nom sous la grêle des balles

Préférant de mourir que vive la patrie

 

Ah combien de Merlins sous ces pierres tombales

Et tous les arbres sont des arbres enchantés

Tout à l'heure vous le verrez bien quand le bal

 

S'ouvrira quand brisant le cœur du bel été

L'étoile neigera le long des paraboles

Orage des héros orage souhaité

 

Grande nuit en plein jour cymbales des symboles

Se déchire la fleur pour que naisse le fruit

Le ciel éclatera d'un bruit de carambole

 

Et l'homme sortira de l'écorce à ce bruit

 

 

 

 

Aragon

Brocéliande

Les Poètes des Cahiers du Rhône

Éditions de la Baconnière, 1942 

Repris dans En étrange pays dans mon pays lui-même. Éditions Seghers

 

Bretagne 1996  © Jean-Pierre Bénisti

Bretagne 1996 © Jean-Pierre Bénisti

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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 08:21

Atys changé en pin.

 

Jusqu'à la fin des temps, il faudra que je porte

Atys debout, rongé de sang et de fourmis,

Tes racines seront la chevelure morte

Les serpents sur mon cœur à jamais endormis.

 

Reptiles embaumés que rien ne putréfie

Au cadavre d'atos, ils emmènent mon sort :

Je tends cet arbre mort aux dieux que je défie.

Je me ramasse toute autour d'un arbre mort.

 

Mes vignes, mes forêts et mes sillons arides, 

Jaillissent en rayon de ce corps calcinés

Les astres dans leur nuit cherchant ce gibet vide

Comme un troupeau de dieux ont vers lui cheminé.

 

Et, seule, je ne sais, noire colonne, ô paire.

Doux arbre humain qui  fuis de feuille frémissant,

Sur ton cadavre nu, quel aigle va s'abattre

S'agriffer à l'écorce et te couvrir de sang...


François Mauriac Le sang d'Atys. 1940

 

Poème dit par Madeleine Renaud
https://youtu.be/oNA5E2k6ar4

 

Chambon sur Lignon © Jean-Pierre Bénisti

Chambon sur Lignon © Jean-Pierre Bénisti

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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 08:09
Bachir Hadj Ali : Chants pour le 11 décembre. La Nouvelle critique, 1963

Bachir Hadj Ali : Chants pour le 11 décembre. La Nouvelle critique, 1963

Kabylie Novembre 1968.© Jean-Pierre Bénisti

Kabylie Novembre 1968.© Jean-Pierre Bénisti

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9 avril 2020 4 09 /04 /avril /2020 15:54

Grimper dans les arbres

 

            I

Quand vous sortez de votre bain le soir

Car il faut être nu - la peau doit être douce –

Alors montez encore dans vos grands arbres

Pur vent léger. Le ciel doit être clair.

Choisissez les grands arbres que leurs cimes 

Bercent noirs et lents le soir. Attendez

La nuit dans leur feuillage et qu’il y ait 

Prés de votre front la chauve-souris.

 

            II

Les petites feuilles durs des broussaillements

Vous entament le dos et vous devez

Vous pousser fort à travers des branchages

Vous grimper donc ainsi, geignant un peu, 

Et c’est beau de se bercer dans l’arbre

Ne vous bercez pas avec le genoux ;

Soyez à l’arbre comme est son sommet

Qui depuis cent ans tous les soirs le berce.

 

Bertolt Brecht 

Traduction Guillevic.

 

 

Cagnes : Les Colettes Août 1963 © Jean-Pierre Bénisti

Cagnes : Les Colettes Août 1963 © Jean-Pierre Bénisti

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9 avril 2020 4 09 /04 /avril /2020 15:44

Ah que les arbres m’enchaînent

Et que leurs branches s’envolent

Nids d’astres torturés

Aux herbes mortes de ma chair

 

Entends mon cœur l’eau des étoiles

Entends ma chère

Le grisonnement des veines

Hisse ma chair des seaux sz sang

 

Moi je tombe

Arbres ma mémoire et les robes de l’air

Tout fait et rien ne me retienne

- Voulez –vous me lâcher la main

 

André Gaillard (1894-1929) Œuvres poétiques.

 

 

 

 

ARBRES, éternels efforts de la terre pour parler au ciel qui l’écoute.

 

Rabindranath  Tagore : Lucioles.

 

 

 

"L'arbre tordu vit sa vie, l'arbre droit finit en planche" 

Proverbe chinois

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Auvergne Janvier 1994  © Jean-Pierre Bénisti

Auvergne Janvier 1994 © Jean-Pierre Bénisti

 

 

 

 

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8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 18:32

 

 

Les arbres timides et forts

La nuit parlent à voix haute

Mais si simple est leur langage

Qu'il n'effraie pas les oiseaux

 

Près du cimetière où les morts

Remuent leurs lèvres de cendre

Le printemps en flocons roses

Rit comme une jeune fille

 

 

Et parfois comme le cœur

Prisonnier du vieil amour

La forêt pousse un long cri

En secouant ses barreaux

 

 

Marcel Béalu : Chemin Marqué. Rougerie, 2000

 

 

 

Kabylie ( Novembre 1968)© Jean-Pierre Bénisti

Kabylie ( Novembre 1968)© Jean-Pierre Bénisti

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